Le bras de ta justice

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Elia

L'après-midi du 1 mars


Depuis des mois et des mois, j'ai sacrifié tout ce temps à tenter de te venger Antoine, malheureusement en vain. Ma vie amoureuse déjà peu florissante, je l'ai abandonné à ta cause. Taylor sera sans doute le dernier homme de ma vie, si je ne survis pas à cette détention. Un homme qui m'a trompé et humilié, je ne te ferai pas porter le chapeau de l'échec de mon couple avec Taylor, ce serait tellement injuste. Tu ne pouvais compter que sur ma personne, afin de t'aider à affronter ta maladie, à cause des rapports exécrables que tu entretenais avec ta famille.

Je me souviens de ce jour, où tu as rencontré cette éphémère relation dont le nom m'échappe, vous vous êtes tout de suite aimés. Tu t'es sûrement emballée, plongé dans cette amourette de jeunesse, en le présentant à tes parents, seulement cela ne s'est pas passé comme tu l'avais tant espéré. Le regard de dégoût à ce moment-là, que t'a renvoyé celle qui t'a donné la vie et élevé, face à ce garçon qui symbolisait ta perversion, il t'a marqué jusqu'aux derniers de tes jours. Alors que ton père évitait de prendre position, en faveur ou en défaveur de ton couple, le seul à te soutenir demeurait ton petit frère. Il te défendait envers et contre tous, depuis votre plus tendre enfance, même si tu ne savais guère son avis véritable sur la situation. Tu savais pertinemment que tu n'avais pas ressemblé à ce qu'on appelle un grand frère irréprochable, ton côté légèrement autoritaire aurait fauté selon lui pendant votre enfance. Néanmoins, tu avais toujours tenu un rôle de frère, et ton petit frère bénéficiait aussi d'un certain talent de comédie dans certaines situations. Il t'en a surtout voulu pour cet éloignement inévitable, qu'il s'est produit entre vous, à cause de vos parents.

Cela fut la dernière fois que tu vis de ton existence tes parents, jamais plus tu n'aurais à subir une épreuve semblable. Tu estimais que tes relations, compliquées avec eux, étaient de plus en plus difficile à supporter. C'était là, d'une certaine manière, la dernière chance que tu leur accordais avant de couper tout contact.

Le temps qui s'écoulait était rythmé par les appels de ton petit frère, il ravalait quelques minutes par mois sa colère, afin de te savoir épanoui dans ta vie. Tes parents tentaient eux aussi fréquemment de te rappeler, sauf que tu ignorais l’appel, mais les remords de ne pas répondre persévéraient au fin fond de ta conscience. Je tenais le rôle de la confidente, à qui tu disais tout, et presque celui d'une sœur. Tu avais presque renié l'intégralité de ta famille, j'étais bien obligé de me substituer à leur rôle.

Malgré tout, nous avions chacun notre vie à Lyon, juste avant ton SIDA, ce jour a chamboulé le destin que je m'étais promise. Je désirais deux enfants, un garçon et une fille, que j'aurais nommé Benjamin et Clarisse. J'aurais acheté une maison de campagne pour les vacances. J'aurais pu devenir professeur d'une charmante école primaire à Lyon, et scolariser mes enfants sur mon lieu de travail, afin de veiller sur eux. Tant de "j'aurais", tant de possibilités qui se sont envolées. Tous ces projets se sont évaporés du jour au lendemain, quand tu es tombé malade, cela m'a au moins permis de voir le masque sous lequel se dissimulait Taylor. Il m'a fait miroiter un avenir merveilleux, et au premier souci, je l'ai vu en train d'embrasser une inconnue à l'intérieur d'un café. Le soir même, je l'ai sommé de s'expliquer, mais les choses ont dégénéré et j'ai reçu un coup au visage. Malgré la douleur, tu as utilisé tes dernières forces, afin de le mettre à la porte de mon appartement.

On a ensuite passé la soirée à pleurer, rire, ainsi qu'à se bourrer la gueule, surtout moi vu ton dégoût prononcé de l'alcool, comme jamais dans notre vie. On se rapprochait de deux poivrots de service enchaînant les délires et les pires blagues. Tu as fini par me sortir : « Je te trouverai un nouvel amant pour rattraper les problèmes que je t'ai causé, si je guéris. » Dès lors, je t'ai rapidement rétorqué : « Quand tu guériras Antoine. » Tu as acquiescé de la tête, seulement tes yeux emplis de tristesse, révélaient ton abominable mensonge. Et je ne pouvais que te croire, ta disparition m'était impossible à concevoir.

À partir de l'instant où tu es parti, ma vie est devenue la tienne, mon sort ne m'importait dorénavant plus. Je me devais de te venger et d'empêcher que d'autres subissent le même tourment. Ton absence a déchaîné un énorme vide en moi, que j'ai comblé avec l'espoir de les faire payer. Tant que je n'aurais pas été le bras de ta justice, je ne pourrai pas faire réellement mon deuil de toi. Il faut maintenant que je trouve un moyen de m'enfuir de ce lieu.


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