L'audace d'aimer

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Célia

La soirée du 27 février


Ville entre mer et montagne, elle est surplombée de sa Fourvière surnommée la colline qui prie, peut-être pourrait-elle avoir une pensée pour mon égaré. Elle abrite une magnifique basilique de style néogothique du XIXe siècle, dominée par une statue de la Vierge Marie en or représentant à la perfection le faste des églises catholiques. Et je ne négligerai pas non plus sa Croix-Rousse, cette colline qui a hébergé son noyau industriel pendant un certain siècle. Le Rhône et son affluent la Saône confluent en elle, ces cours d'eau tels son sang la pénètre respectivement par l'est et par le nord. Je n'oublie pas son Parc de la Tête d'or, son véritable poumon naturel avec son lac, ses orchidées, ses rosiers, ses pivoines, ses tulipiers de Virginie, ses cèdres, ses séquoias géants et tellement d'autres merveilles. En son cœur, on retrouve le vieux Lyon, son sublime centre historique.

Seulement, je dois là délaisser, que cela ne soit qu'un simple au revoir ou un triste adieu. J'ose espérer qu'elle n'a pas englouti la vie de ce garçon, qui se nomme Antoine, comme elle l'a fait pour ce pauvre homme qui était son client, le défunt Clément. On l'a agressé, on l'a humilié et on lui a ôté la vie simplement pour avoir eu l'audace d'aimer. Selon les voisins de Clément, Antoine lui a souvent rendu visite, lors de l'affaire. Cela ne semble pas surprenant qu'un avocat rend visite à son client, et peu de soupçon peuvent s'éveiller en partant de ce fait. Néanmoins, le charmant voisin de l'appartement d'à côté de ce dernier, m'a expliqué, qu'ils les avaient surpris en fâcheuse position dans l'ascenseur. Nul besoin qu'il élabore un dessin, ses forts sous-entendus ont suffi à me faire saisir la teneur de la relation, qu'entretenaient Antoine et son proche client. L'accès de la cave, qui contenait les affaires que Clément ne récupérera jamais, m'a été permis par la gardienne de l'immeuble. Ce désordre entremêlait les souvenirs de toute une courte existence, les humbles restes que laisse un individu emporté bien vite par le temps. Au milieu de tout cela, j'ai eu la surprise de dénicher l'ébauche d'un livre, et j'ai succombé à l'envi de la lire. Ces pages m'ont exposé, ainsi que confirmer avec une fine précision les rapports, assez particulier, que pouvait avoir mon fameux disparu et son si proche Clément. Une idylle était sans doute née entre eux, grâce au rapprochement que cette affaire a suscité sur eux. Antoine, se serait-il retiré la vie ne supportant pas la mort de son récent amant ?

La suite de ma journée m'a mis le doute sur cette éventualité, plus précisément ma rencontre avec le médecin en charge d'Antoine, suite à son agression. J'ai essayé de faire en sorte d'obtenir toutes les informations possibles, en lien avec mon affaire, auprès de ce médecin. Toutefois, son long refus, au nom du secret médical, ne m'a pas facilité la tâche. Malgré la menace de divulguer à l'administration fiscale, qu'il ne payait pas d'impôts depuis nombre d'années. Il m'a récité l'inestimable serment d'Hippocrate, ce fabuleux discours signifiant qu'il ne me dirait jamais rien. Je ne comptais aucunement mettre mes menaces à exécution contre ce grand homme, même si je ne cautionne pas les fraudes fiscales. Ma façon un peu rude, d'agir à son encontre m'a sauté au visage, donc j'ai été obligée de lui présenter mes sincères excuses et davantage expliquer l'origine de ma demande, sinon je n'aurais rien retiré de cette conversation. Il s'est décidé à m'aider en me parlant de Cassiopée, une femme qui a rendu visite à Antoine pendant son hospitalisation. Il la connaît considérablement, sachant qu'en tant que médecin, il a pu lui venir en aide en soignant des amis réfugiés illégaux à elle.

C'est pour cette raison, que j'attends le train en partance de cette ville, où réside désormais Cassiopée. Mon moyen de locomotion est enfin arrivé sur le quai de la gare de Lyon-Part-Dieu. Je constate étrangement que le train est entièrement vide, je n'aperçois pas l'ombre d'un passager. Je discerne une table accompagnée d'un bouquet de roses noirs, et des couverts en cristal, ainsi que des bougies laissant échapper un agréable parfum de magnolias étoilés. Douce petite madeleine de Proust qui me permet un instant avec ma mignonne Sandrine.

Je vois Mickaël s'avancer vers moi, toujours habillé aussi chic, il prend ma main afin de la baiser et m'invite à m'asseoir sur une chaise. Il commence par me dire que ne pouvant me voir à cause de mon emploi du temps chargé, il s'est employé à s'en adapter en s'appropriant le train pour le temps d'un voyage romantique.

Le désir de le sentir, près de mon corps chaud m'enivre de toute part, je ne me contrôle plus et je lui énonce ces trois mots : je te désire. Les barrières de vêtements qui me séparent de lui disparaissent, ses mains se baladent sur mon tronc et ses baisers se sentent sur mon écorce de ma bouche à ma fleur encore intacte. Je déboutonne à mon tour, sa chemise, ma paume vient alors se poser en dessous de son pectoral, mes lèvres le goûtent et descendent plus bas savourer les délices de sa chair. Nos deux corps brûlants s'enlacent tendrement dans une danse charnelle au rythme de nos cœurs à l'unisson. L'extase que me procure ce moment fige le temps, et me fait oublier, jusqu'à la raison même de ma présence dans ce train.



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