Un rappel douloureux

3 minutes de lecture

Célia

La fin d'après midi du 23 février


Bonjour ma petite sœurette, je t'ai amené des fleurs de Magnolia, ces fleurs désignent de façon évidente ta manière d'être. Le moindre de tes pas soulignait ta grâce, ton cœur était emprunt de dignité et perpétuellement ta gaieté me redonnait un peu de joie. La longévité étonnante des magnolias qui il y a de cela cent millions d'années sous une forme différente s'élevait fièrement sur notre planète, voilà la seul chose dont tu as été dépourvu. Comment as-tu pu faiblir face à la tentation du suicide ? Je ne te pensais pas aussi faible, ma sœur n'aurait pas pu agir de la sorte. Qui aurait pu t'ôter la vie alors ?

Malgré toutes mes recherches ces derniers temps, je n'ai pas pu trouver une possibilité de t'enlever le fardeau d'un éventuel suicide. Je ne suis pas croyante mais j'évalue toutes les hypothèses, j'espère donc que tu es encore vivante que ce soit au paradis ou transformé en un nouvel être vivant. Ces éventualités induisent l'existence de ce principe spirituel et mystérieux qu'est l'âme. Pour le philosophe grec de l'antiquité, Aristote, l'âme est la forme du corps tandis que pour Descartes l'âme est séparable du corps et considérée comme immortelle. Les matérialistes notamment Démocrite soutiennent tant qu'à eux que l'âme est composée d'atomes, et rejette l'idée de l'immortalité. Alors que Nietzsche bouleverse tous les codes, en ne faisant de l'âme qu'une partie du corps, soumise aux instincts qui dirigent nos pensées. J'attache personnellement un attrait au principe de réincarnation, n'est-ce pas merveilleusement poétique, que la mort mène à l'éclosion d'une nouvelle vie. Qu'on l'imagine céleste ou terrestre, l'immortalité, quand on tient à la vie, ne console pas de la mort pour reprendre Simone de Beauvoir dans un magnifique passage destiné à sa défunte mère. Tout ça pour te dire que je ne supporte plus ton absence, Sandrine. Si tu étais en vie, je serais certainement morte, et je n'aurais pas à subir ta perte.

Pendant notre enfance, j'ai été présente pour t'écouter me balancer tout ton bonheur à la face. Dorénavant si tu m'écoutes d'où tu es, c'est à mon tour d'évoquer ma vie heureuse. Tout se passe si bien avec lui, nous sommes en couple depuis seulement et maintenant un mois. Pourtant, j'ai l'impression qu'il va bientôt me demander en mariage, j'ai pu entrevoir un coffret Cartier dans son tiroir. Un problème subsiste néanmoins, nous ne nous sommes pas encore unis par les liens charnels, après quoi qu'il arrive, il m'a annoncé qu'il attendra le moment où je serais prête. Afin de combler ma passion de l'histoire, il nous a offert une visite privilégiée du château de Versailles. Bercé par la somptuosité des lieux et l'intimité de la chambre royale de Louis XV, un baiser de sa part a failli faire s'envoler ce dont je viens de te parler. L'arrivée gênée de la guide a brisé clairement cette envie.

Je me suis aussi lié d'amitié avec ma voisine Elia, elle commence à s'ouvrir et me raconte petit à petit les moments les plus importants de sa vie. Elle m'a reparlé de son ami à travers de petites anecdotes, j'avoue ne pas avoir compris leur délire pour les pandas. Qui portent des t-shirts Jean-Michel Panda dans un lycée ? Je m'imagine bien ces deux imbéciles qui se dandinaient dans la rue, et enchaînaient les blagues potaches. Cependant, je sais qu'elle me cache certaines choses sur les circonstances de la mort de son ami, je présume qu'il est mort du moins. Mais je ne chercherai pas à en savoir davantage, elle m'a difficilement accordé son pardon pour ma dernière indiscrétion.

D'ailleurs j'y repense maintenant, je n'ai pas rappelé ce Samuel. En plus, l'enquête que j'ai menée sur lui, n'a absolument rien donné, et j'hésite toujours à l'appeler n'ayant aucun problème avec..... Mickaël au cimetière ? Pourquoi se rend-il sur une tombe ? Il me dissimule des choses alors ? Naturellement, tout ne pouvait pas bien se passer pour une fois dans ma vie. Je ne prendrai pas de risque avec cet homme, et donc mieux vaut savoir qui il est véritablement avant d'entamer davantage une relation avec lui.

Je me saisis de mon téléphone qui s'allume sur l'œuvre Misogyny du singulier et talentueux artiste britannique, Glenn Brown, une reprise moderne et étonnante du Torse de Vénus de Van Gogh. Cette œuvre semble être un rappel douloureux de l'amour en putréfaction dans ma vie depuis si longtemps. Je glisse mon doigt sur mon portable et le colle à mon oreille. Bonjour Samuel...

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