01 - Poison

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Le ciel était gris et il pleuvait des cordes. Debout près d’une fenêtre, les bras croisés dans le dos, César regardait les terres se gorger d’eau tout en étant perdu dans ses pensées les plus profondes.

Son attention fut détournée quand une présence vint se faire sentir à ses côtés. C’était une petite femme menue, aux cheveux grisonnants mais au port de tête fier et altier. Sa mère. D’un regard entendu, elle lui fit comprendre que tout était fin prêt, que bientôt il pourrait enfin trouver sa juste place, à la tête de la famille.

Le silence se brisa lorsque les portes de la salle s’ouvrirent en fracas. César retint une moue de dégoût en voyant que le perturbateur n’était autre que son frère en personne. Son frère. Un rire amer s’échappa de ses fines lèvres lorsqu’il pensa à cet homme qui n’avait rien d’un frère pour lui. De sept ans son aîné, Charles était le fils d’un grand seigneur et d’une comtesse tandis que lui, n’était que le fils bâtard d’un petit nobliau et de cette femme, venue de nulle part et sans histoire qui avait réussi à manipuler le duc qui avait ouvert les portes du château en même temps que son cœur. Il avait pris soin de lui comme s’il était son propre fils, l’avait éduqué et élevé au rang de sa prestigieuse famille. Mais il n’était que le second. Et Charles avait toujours pris un grand soin à lui rappeler qu’en plus d’être le plus âgé, il était également le fils véritable. Les terres, la richesse, la gloire… Tout était à lui tandis que le plus jeune ne récupérait que les miettes laissées après son passage victorieux.

Mais tout se terminerait aujourd’hui. Son règne prendrait fin. Après vingt années à subir ses moqueries, ses attaques et son dénigrement, les rôles s’inverseraient : le faible deviendrait fort et il prendrait le pouvoir tandis que l’autre mordrait la poussière.

Le maître des lieux se laissa nonchalamment tomber sur sa chaise, en bout de table tout en feignant un soupir de lassitude. D’un geste de la main, il ordonna à une servante qui venait d’apparaître de lui apporter sa boisson. Celle-ci s’exécuta, sous le regard affuté de la veuve qui s’enforçait de cacher son air jovial alors que son fils maugréait dans sa barbe.

—Allons, viens t’asseoir avec moi mon frère. Nos invités vont bientôt arriver, je ne voudrais pas que tu rates les exploits de ma dernière bataille.

—Je ne manquerais cela pour rien au monde.

A son tour, César se laissa tomber sur un siège. Au même moment, les lourdes portes en chêne s’ouvrirent une nouvelle fois pour laisser passer quelques grands hommes au visage fatigué et à la barbe blanche qui s’installèrent sans un mot autour de la grande table.

Il les regarda d’un air satisfait puis porta son verre jusqu’à ses lèvres qu’il trempa doucement dans la boisson sous le regard attentif de l’assemblée.

Puis il commença son récit. La chevauchée jusque la province voisine, les pourparlers qui avaient échoués, les corps des messagers retrouvés dans la rivière bordant leur campement. Puis la haine et le désir de vengeance et de conquête, le feu qui s’était répandu dans ses entrailles. La charge. Les coups. Le sang. La douleur. Et la victoire. Comme bénie de Dieu.

Charles interrompit soudainement son monologue. Le monde tanguait autour de lui. D’un geste maladroit, il tenta de se rattraper à la table mais il s’effondra, soudainement vidé de ses forces. Ses mains se mirent à trembler, sa salive à mousser et le monde devint de plus en plus flou, jusqu’à disparaître. Il tenta de crier, de se relever, de croiser le regard de celui qui n’avait jamais été son frère. Mais il ne voyait plus rien. Il ne sentait plus rien, si ce n’était une horrible douleur qui venait tordre ses entrailles et lui soulever le cœur. Il entendit pourtant quelqu’un se précipiter à ses côtés, hurler des paroles qu’il ne pouvait plus entendre. Une main brûlante attrapa la sienne.

Alors qu’il tentait de repousser le gouffre d’obscurité qui s’approchait inexorablement de lui, une douce voix parvint jusqu’à ses oreilles. Il pensa tout d’abord que c’étaient les anges qui venaient le chercher, mais ce n’était que l’ange de la mort qui, dans un dernier sourire mesquin, lui murmura : « En effet mon frère, ce jour est béni de Dieu. Puisse-t-il reconnaître ta grandeur, toi qui n’a toujours juré que par toi-même. Ouvre les yeux, et admire le véritable seigneur de ces terres ».

Dans un dernier effort, le mourant ouvrit les paupières, il lui sembla que son sang se glaça d’effroi quand il reconnu les sombres prunelles de César.

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