La face de Guerre( partie 1)

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   Audric le détesta au premier regard et il maudit son frère Darragh pour avoir déjà pris leurs engagements auprès de ce bailli. Son instinct lui soufflait de ne pas faire confiance à l'homme ventripotent et à ses geignements trop importants pour être sincère, mais la bourse du maître-chasseur lui rappelait qu'il n'avait guère le choix que d'accepter ce travail s'il voulait la garder bien garnie. Aussi, l'aîné resta en retrait des négociations tandis que son cadet s'en chargeait et préféra inspecter les lieux du drame.

 La pièce était sens dessus dessous, pas un meuble n'avait survécu à la fureur de l'agresseur, l'affrontement avait dû être violent ou désespéré pour que la vaisselle vole ainsi jusqu'au milieu de la pièce. Le maître-chasseur, s'approcha de l'épouse du bailli et victime de l'assaut qu'avait subi la famille.
 Elle avait été étendus sur une table prêtée par les voisins, et entourée avec soin de fleurs apportées par ses proches pour lui rendre un dernier hommage. Son mari l'avait décrite comme une mère et une femme exceptionnelle qui les avait défendu jusqu'à la mort, propos que la famille corroboraient, Audric ne savait trop quoi enpenser. En vérité, il n'avait cure de ce qu'elle avait été de son vivant et du souvenir qu'elle laisserait dans l'esprit de son entourage. Tout ce qui lui importait c'était son devoir de chasseur et cela impliquait pour lui de déterminer les causes de son décès.

 Avant toute chose, le maître-chasseur fut frappé par le visage de la victime. Malgré un nez cassé, dont Audric estima la fracture antérieure à l'affrontement, la femme semblait dormir d'un sommeil paisible. D'un sommeil terriblement paisible même. Il l'enviait presque de connaître un repos si parfait, c'était comme si elle s'était éteinte avec le sentiment d'un devoir accompli, au vu des circonstances présumées de sa mort Audric ne savait comment expliquer cela.

 Le regard du chasseur descendit sur la gorge de la victime, le cou avait été tranché, mais aucune croûte de sang, même infime, ne souillait la peau autour de la blessure. Elle était déjà froide lorsqu'elle avait été saignée.

 Il descendit encore et souleva discrètement la tunique de la femme pour examiner son buste. Il n'y avait là aucune trace de lacérations, mais des taches noires qui marquaient la présence d'hématomes. Au vue des circonstances supposées du décès, le sang de la victime n'aurait pas dû avoir le temps de s'agglomérer ainsi, encore une fois, ce devait être antérieur.

 Audric s'intéressa ensuite aux mains de l'épouse. Elle avait de longs doigts fins, deux d'entre eux avaient été brisés et s'étaient ressoudés tordus. Le bailli l'avait prévenu ; de son vivant sa femme était douce et aimante, mais terriblement maladroite.

 Et lui, qui était-il pour juger la façon de vivre des autres ?

 Cette rapide inspection ne lui apportant aucune réponse sur la nature de l'agresseur, il se décida à interroger les voisins pour en apprendre plus sur ce fameux Pèlerin. Quelqu'un avait bien dû le voir où lui parler. Après une courte enquête Audric apprit que le voyageur n'avait communiqué avec personne d'autre que ses victimes, mais le chasseur parvint toutefois à obtenir une description physique de l'individu.

 Riche de cette information, le maître-chasseur rejoignit sa troupe composée de ses très nombreux neveux et de ses fils pour y attendre Darragh.

— Alors ? interrogea Audric.

— Alors,, n'a rien vue, rien entendu. Et de ton côté ?

— Rien non plus. Aucun coup, aucune blessure, elle a été tuée par magie mais j'ignore ce qu'il l'a tuée. Quelle direction ?

— Personne ne le sait, la pluie à effacer ses traces, mais le bailli affirme que le voyageur se dirigeait vers l'est.

— À l'est donc, conclus le maître-chasseur.

 Levant le bras, Audric ordonna à toute sa troupe de se mettre en route et ainsi débuta enfin leur chasse.

 Se diriger vers l'est pouvait sembler étrange. Pourquoi donc, le voyageur qui avait si clairement exposé son trajet à son hôte, continuerait-il ainsi ? N'importe qui irait dans n'importe quelle autre direction, mais ce voyageur n'en ferait rien, et les chasseurs le savaient.

 Non, pas qu'ils connaissaient personnellement cet homme, aucun d'eux ne l'avait jamais rencontré, mais parce qu'Homme il n'était point.

 Audric n'était pas le maître de n'importe quel équipage de chasse, ses hommes ne traquaient ni les cerfs, ni les sangliers, mais un gibier bien plus gros et dangereux. Depuis quatre générations sa famille s'était spécialisée dans la chasse aux créatures et ce Pèlerin, comme il se faisait appeler, était à ne pas douter l'un d'entre eux.

 Le terme de « créature » englobait un large éventail d'espèces différentes ; certaine était bénéfique, d'autres non ; certaines intelligentes, d'autres point ; et certaines étaient dangereuses, d'autres non. Mais toutes ces espèces avaient en point commun de se tenir à leur parole et si le voyageur disait se rendre à l'est, alors il se rendrait à l'est comme convenu. Et peu importait qu'il ait emmené avec lui les enfants du bailli, c'est là qu'il allait. Et c'est là qu'ils se rendaient aussi.

 Encore leur fallait-t-il retrouver sa piste.

 Mais Audric avait confiance, l'individu tel que l'on lui avait décrit ne devait pas passer inaperçu, tôt ou tard ils retrouveraient sa piste, il espérait simplement que les enfants seraient en bonne santé d'ici là. Leur père avait été clair, il voulait revoir ses enfants à tout prix. Il avait d'ailleurs été bien plus clair sur ce point que sur le pourquoi la créature avait enlevée ses gamins.

 Il arrivait que les créatures emmènent des enfants pour les élever comme les leurs, mais le maître-chasseur n'avait jamais entendu parler de cas où les petits n'étaient pas orphelins.

 Mais en vérité, le pourquoi du comment importait peu à Audric. Il détestait les créatures. Il n'avait aucun intérêt pour leurs cultures, pour leur langue, pour leurs croyances, et pour leurs vies. Et à défaut de ne pouvoir toutes les exterminer sur Débass, il voyait comme sa mission d'en éliminer le plus possible sur Ayam. Seule sa bourse bien rempli et l'honneur de sa famille lui importaient.

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