Abus

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Que l’air frais me fait du bien !

Ce soir j’ai un peu abusé des bonnes bouteilles !

Champagne à gogo, un Sauternes à damner un saint, un trou normand qui n’avait rien à envier à celui d’une bretonne de ma connaissance, puis du rouge... un Mercurey…Mon dieu !
Je n’ai pas de mot !
Rouge fatal.
Rouge toujours.

Et puis, et puis…
Puits, devrais-je dire. Sans fond.

Et je n’ai pas vu arriver le coup de barre !

Je mens !
Si, je me rendais bien compte que j’étais en train de filer un mauvais coton. Mais la fête est tellement jolie et gaie que je ne me sentais pas la force de refuser les verres qui s’offraient à moi.

Jusqu’à tenir des propos incohérents.
Jusqu’à m’affaler sur la table !

Combien de temps !
Je ne sais trop.
Mais suffisamment pour me déconnecter de la fête.

L’on me regarde, le sourire aux lèvres.
L’on me lance des plaisanteries de plus ou moins bon goût.

Gros temps pour moi.
Je dois faire le dos rond.

Récupérer.

Cet air frais me fait du bien.

Si j’étais en état, j’apprécierais la beauté de ce parc.
Des allées se faufilent entre des carrés de pelouses, des massifs de fleurs et des bosquets. Elles dessinent des promenades reposantes, parsemées de bancs.
Il fait nuit et des lampadaires jettent des halos de lumière. Les ombres des arbres et arbustes, agités par le vent, semblent danser au rythme de la musique qui s’échappe du restaurant.

Des couples ont quitté la piste de danse. Certains s’échangent sous la lune des promesses éternelles.
D’autres, plus prosaïques, s’échangent des baisers emplis de promesses éphèmères.

C'est ce que j'imagine.

J’essaye de me faire le plus transparent possible afin de ne pas déranger.
Je déambule en respirant à plein poumon.
Comme si de marcher pouvait dissiper l’alcool !

Un peu à l’écart, un bruit de feuilles attirent mon attention.
Un rire étouffé.
Des amoureux se cachent !

Ma curiosité est aiguisée.
Je me rapproche silencieusement et discrètement du bosquet d’arbres.

D’abord des ombres.
Ensuite l’apparition.

La mariée, à genoux.
La robe blanche, telle une corolle, décrit un cercle autour de son corps.

Spectacle fascinant.

Elle suce l’homme.
Avec avidité.
Avec plaisir. Je le devine dans ses yeux.

Elle tient fermement la queue orientée vers sa bouche, à l’aide de ses mains gantées de blanc.
Tiens, elle a remis ses gants pour l’occasion ! Cette pensée me traverse, incongrue en la circonstance.

Je reste immobile, complètement hypnotisé.

Lui, pose les mains sur ses cheveux. Il n’a pas besoin d’appuyer.
Il n’y a pas de contrainte.
Juste de l’envie.
Du désir.

Et elle suce.
Elle pompe.

Lui, lève la tête. Il va crier son plaisir à la lune.
Elle va le mener au paradis.

Et elle suce.
Elle le reçoit.

Elle lèche.
Féline.

L’homme va se souvenir de cette soirée. Il n’est pas le marié.
Je suis bien placé pour le savoir.

Le marié c’est moi !

Je suis pompette.
Tu pompes.
Il est pompé.

Voilà une conjugaison qui ne me plait pas !

J’ai des idées noires.
Pompes funèbres, dirait un triste sire.

Mon esprit embrumé hoquette.
La mise en route des neurones est difficile.

L’incompréhension s’allie à l’alcool, et ma réflexion est confuse.
Je suis sali.

Les sourires.
Les regards.

Bien sur ! Tout le monde sait.
Je suis cocu le jour de mon mariage.

Les invités n’ont jamais été à pareille fête.
Du direct, du live.

Estelle !

Tes yeux rencontrent les miens.

Pourquoi m’as-tu regardé ? Je ne peux plus fuir.
Je lis la peur dans tes yeux.

Je m’approche, titubant, soufflant.

L’homme s’en va. Il a eu son compte.
Et il ne veut pas, en plus, que je le lui règle.

Mon esprit déraille.
Je perds pied.

Tu cherches à expliquer, à te justifier.
Tes lèvres bougent mais je n’entends rien.

Mes lèvres bougent mais aucun son ne sort.

Je te renverse.
La belle robe blanche va être souillée.
Elle sera assez bien pour une souillon.

Je la soulève.
Tu veux du sexe !
Je vais t’en donner.

Pourquoi attendre la nuit de noces ?
Il n’y aura jamais de nuit de noces.

Noces funèbres pour une pompe funèbre.

Tout est confus dans ma tête.
Ah oui, j’ai trop bu.

Je vois double.
Deux jambes que j’écarte.
Deux bras qui se débattent.

Mon poing s’abat.
Du sang gicle de ta pommette.

Noces rouges.

Des voix dans mon dos.
Des bras m’agrippent.
Laissez-moi. Le travail n’est pas fini.

Je suis tiré sans ménagement.

Lâchez-moi, lâchez-moi, je vais la tuer...

Lâchez-moi, lâchez-moi...
???
Où suis-je ?

Encore ce cauchemar qui me poursuit.

Je suis en nage.

J’ai mal à la tête.

Encore cette chambre dans laquelle je suis enfermé.

Où es-tu Estelle ? Nous sommes mariés et tu ne viens pas partager mon lit !

J’ai mal à la tête.

Pourquoi cet univers clos ?

Estelle, et notre nuit de noce ?

Ils ont dit que j’étais fou.

Estelle.

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