Chapitre 36

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Écrit en écoutant notamment : Ditzkickz – Warrior


Je regagne l’intérieur du bar en pressant le pas et me dirige vers le comptoir. Passons à autre chose. Dans un élan d’originalité, je choisis au hasard un cocktail qui se révèle très exotique, au vu du gradient de couleurs qui parcourt le verre qu’on me tend. Je suis parfaitement dans le cliché gay ; un peu plus et je buvais directement le drapeau de la communauté.

Je rejoins notre table en espérant que le sujet de la conversation a évolué. Je me doute que la théorie des réseaux de neurones n’est pas au programme, mais par pitié, autre chose que les nouvelles collections d’hiver de toutes les boutiques possibles et imaginables ! Heureusement pour moi, le volume de la musique monte soudainement.

  • C’est un son de Lucas & Steve ! me lance Dimitri. J’adore leur style, viens avec moi !

Je le crois sur parole, car les morceaux de sa production, ceux qu’il m’a fait écouter, possèdent des sonorités très similaires ; même la structure du morceau et les accords de piano me sont familiers. Comme nous, plusieurs clients migrent doucement vers la piste de danse.

Petite déception, le DJ du soir ne ressemble en aucun point à ceux que j’ai vus à l’action lors de ma dernière soirée avec mes amis parisiens. Celui d’ici est mollasson, pas du genre à faire tomber la chemise et à écraser son public sous les basses – bref, normal pour un bar de ce genre. Néanmoins, la présence de Dimitri à mes côtés saura me faire apprécier l’instant : je lis un enthousiasme profond dans ses yeux, et surtout une volonté de le partager avec moi.

Nous sommes les premiers à véritablement nous déhancher. Même si l’ambiance reste chill, nous restons sur de la musique électronique : ainsi, mes mouvements de danse instinctifs ne choqueront personne.

En observant son attitude, on dirait même que nous faisons le bonheur du DJ ; je comprends qu'il n’est jamais évident de lancer l’ambiance. Dimitri et moi prenons plaisir à nous frôler, nos regards s’accrochent une fraction de seconde, avant de se dénouer, et de se retrouver quatre ou cinq mesures plus tard. J’adore ses mouvements amples, la manière dont il me présente son corps, en enroulant, en déliant ses membres, en me dévoilant la souplesse de son torse. Il s’amuse clairement autant que moi ! Suivant notre exemple, les danseurs deviennent plus nombreux au fur et à mesure des morceaux qui passent.

Il faut prendre conscience de la situation : je danse dans un bar praguois avec un mec fantastique, qui a jeté son dévolu sur moi sans que je n’en saisisse complètement les causes. J’aurais envie de tout raconter à mon frère la prochaine fois que je le vois !

  • Je me doutais pas que t’aimais danser comme ça, me crie Dimitri en se rapprochant de mon oreille.
  • Franchement, ça va ! Je ne prendrai pas de cours de sitôt, mais juste bouger son corps, c’est agréable.

Comme la musique est forte, peu propice à une discussion plus approfondie, je m’arrête ici dans mon explication.

Plus jeune, improviser des mouvements de danse était loin d’être naturel pour moi. Je me souviens de mes premières soirées, celles où toute la classe de seconde était invitée. Dès que la musique devenait trop prégnante, je préférais rester en retrait : il suffisait que je soulève les bras ou que j'essaye de bouger mes jambes en rythme pour me voir comme un pantin ridicule. Même quelques verres d’alcool ne parvenaient pas à me libérer. Forcément, ça n'aidait pas à me sortir du cliché du geek de la classe.

Ce n’est que plus tard, en découvrant des morceaux qui me correspondaient mieux, et en m’exerçant seul dans ma chambre, que j’ai gagné en confiance. Au début, je n’osais pas me regarder dans le miroir, puis j’ai fini par comprendre qu’il suffisait de déployer ses mouvements sans crainte du jugement, en se laissant inspirer par les sonorités. En plus, les amateurs de techno n’ont jamais été célèbres pour leur technique irréprochable… On préférera toujours la personne sûre d’elle dans des mouvements peu académiques, plutôt que celle qui hésite en permanence en se comparant aux autres.

La question que je pose actuellement est plutôt celle de savoir si, avec tous nos collègues dans les parages, danser en collé-serré avec Dimitri, voire même l’embrasser, est une idée judicieuse. J’essaye de me convaincre que dans le pire des cas, ils croiront à une relation foireuse qui ne mène à rien. En fait, ça m’arrangerait même, car en mon for intérieur, je suis convaincu du contraire. Dimitri est un mec foncièrement bien. Je sais qu’il saura faire la part des choses entre son job et moi, et je pense qu’en en discutant ouvertement avec lui, je pourrais l’accepter. En plus, il m'a lui-même déjà assuré qu'il arrêterait ce travail à moyen terme.

  • Tu penses à quoi ? me demande-t-il alors que j’étais perdu dans mes pensées.
  • À toi.

Je lui offre mon sourire le plus sincère. Impossible de cacher mes sentiments ou de mentir, de toute manière, j’espère lui plaire en restant moi-même. Un énorme frisson me parcourt lorsqu’il m’attire vers lui, à tel point que nos bassins se touchent. Le bas de son dos se creuse délicieusement sous mes mains lorsqu’il rejette ses épaules en arrière et prend appui sur les miennes. Je me sens étrangement protégé par la foule anonyme qui glisse autour de nous ainsi que par les conversations criées qui se mêlent à la musique.

Comme nous faisons la même taille, nos yeux se retrouvent face à face, laissant une tranche d’air d’un demi-mètre d’épaisseur entre eux. Je jurerais sentir des arcs électriques crépiter sur mes joues, jusqu’à mes pommettes. Ses yeux verts, dont les pupilles pulsent à intervalles irréguliers, me mitraillent de signaux désirants. Il va falloir relâcher cette tension rapidement, et je ne connais qu’un seul moyen de parvenir à mes fins. Je pose mes lèvres sur les siennes, les mordille, puis accepte avec plaisir l’intrusion de sa langue. Dans un même mouvement, Dimitri renforce son baiser et écrase son érection contre ma cuisse. Un véritable spectacle pyrotechnique se joue dans ma tête, et encore, c’est comme si un petit filou trop impatient avait allumé toutes les mèches d’un coup, avant de filer, mains sur les oreilles, sous les explosions multicolores. Je me fiche que nous soyons entourés de monde, je ne peux pas laisser mes mains au-dessus de ses vêtements. Je remonte la peau de ses obliques, effleure ses pectoraux dans un mouvement d’arc de cercle et appuie plus franchement sur son sternum. Il me regarde d’un air aussi surpris que grisé.

  • Tu me fais ressentir des folies, Martial.
  • Tout pareil pour moi.

Nous alternons moments de danse et contacts plus rapprochés pendant une dizaine de morceaux, jusqu’à ce qu’une drôle de vibration me fasse sursauter. Dimitri éclate de rire et sort simplement son smartphone de la poche.

Un deuxième obstacle, cette fois en chair et en os, nous empêche de reprendre nos activités sensuelles.

  • Ouh, c’est chaud par ici ! hurle Kenzo en se jetant littéralement sur nous deux. Vous me faites une place ?
  • Bien sûr, mon petit Kenzo abandonné ! s’écrie Dimitri.

J’aurais préféré qu’il ne vienne pas nous déranger, mais après tout, ils restent de bons amis. Si je suis jaloux pour ça, notre relation est mal embarquée.

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