Chapitre 30

6 minutes de lecture

Écrit en écoutant notamment : Crystal Geometry – Appropriating The Means Of Production


La sonnerie de neuf heures me fait mal, mais une faim tenace m’aide à sortir du lit. Il faut dire que je n’ai pu grignoter qu’un sandwich de gare, trop maigre à mon goût, depuis hier après-midi. Alors que mes collègues tirent sur la corde en profitant au maximum de leurs dernières minutes de sommeil, je descends dans la salle de restaurant de l’hôtel.

Un miracle absolu s’offre à ma vue : le buffet, qui s’étale sur au moins cinq tables, est garni de fromages et de charcuteries en tout genre. J’ai comme l’impression que je vais tester toute la gastronomie locale. Je déniche aussi des œufs à la coque encore bouillants sous la serviette d’une corbeille.

Pour me donner bonne conscience, je termine mon tour en me servant d’une coupelle de salade de fruits. Dimitri, Kenzo et Jordan vont regretter, je le dis ! Raquel, notre responsable com’, n’a pas non plus fait l’effort ; seul Daniel est déjà attablé, les yeux rivés sur son téléphone. Contrairement à moi, et mon assiette digne d’un repas du Roi Soleil, il s’est contenté de deux fines tranches de pain beurrées et d’un café.

Je me demande à quel point nos acteurs doivent surveiller leur alimentation en prévision des tournages. Ou bien passent-ils forcément par l’étape du lavement ? Sûrement les deux, mais je ne vais pas commencer à embêter Daniel avec ce genre de détails à neuf heures du matin. Moi, c’est certain, je ne me ferai pas prendre aujourd’hui, donc je peux me gaver sans crainte. D’ailleurs, lors de ma fois avec Dimitri, c’était même passé « au naturel ».


J’apprécie plutôt bien ces déplacements. Même si j’adore programmer, de la variété dans les journées de travail ne fait pas de mal. En plus, Daniel tient vraiment à ce que je m’implique avec les partenaires de notre studio, même si dans l’état des choses, je conçois mal ce que je peux apporter à ses côtés. Afin de me sentir un minimum utile, je m’occupe de regarder quels transports nous devrons emprunter tout à l’heure et je contacte déjà M. Bartoš, que j’avais rencontré en visio, pour le tenir au courant.

Ce n’est qu’à dix heures moins une que nos trois garçons arrivent dans le hall de l’hôtel. Ils sont ponctuels… c’est tout ce qu’on leur demande, en plus de savoir utiliser leur corps.


***


Le studio de nos collègues tchèques est situé en plein cœur de la ville. Si nous avons la Loire, eux ont la Veltava, qui serpente au milieu des imposants immeubles de pierre. Je suis impressionné par la quantité de rues pavées dans la ville, affichant des mosaïques faites de noir et de blanc. Il me semble aussi que de nombreux styles d’architecture se mélangent au sein de mêmes rues, même si je ne suis pas un expert du domaine.

Nous sommes accueillis au studio par son directeur. Nous commençons par un rapide tour de présentations, puis Daniel et M. Bartoš conviennent que l’ensemble des acteurs aillent faire connaissance ensemble. Je peux comprendre que créer une connivence avant de tourner les scènes améliore sensiblement la qualité de la production. Ainsi, après un court briefing, il leur est accordé un quartier libre en ville jusqu’à deux heures de l’après-midi. Pour aujourd’hui, ce seront les scènes soft ; le reste est prévu pour demain. J’espère que Kenzo et Dimitri sont en forme et se sont retenus ces derniers jours, car le programme paraît intense !

Première certitude : Kenzo est à fond. Il est déjà en train de dragouiller les minets tchèques en se montrant plutôt très tactile, et ses remarques, que je ne comprends pas d’ici, semblent bien les faire rire. Il faut admettre que les photos que j’avais pu voir d’eux en amont ne reflétaient qu’une faible partie de leur charme réel… Je secoue la tête en direction de Kenzo lorsque son regard me croise.

  • Je fais connaissance avant… d’approfondir, c’est mon métier ! me lance-t-il.

Je suis déçu de ne pas les accompagner, alors même que ma timidité m’aurait imposé des instants embarrassants. Avec Daniel, nous rejoignons le bureau de M. Bartoš pour régler certaines formalités, notamment vérifier que les dossiers médicaux de tous les acteurs sont bien à jour ; un aspect à ne surtout pas négliger pour éviter de futurs soucis et litiges. Dans les couloirs, je reconnais des affiches mentionnant la série Czech Hunter. À croire que je connais trop bien mon domaine…


***


Ce midi, M. Bartoš nous a emmenés manger dans un restaurant traditionnel à deux rues du studio. C’est assez drôle, parce qu’il me considère vraiment comme le bras droit de Daniel, alors que je reste un pauvre développeur. La fameuse Pils locale a tenu ses promesses, plus que le goulash informe et douteux que j’ai commandé. Au moins, j’aurais essayé.

En début d’après-midi, je suis encore resté une heure pour le début des tournages : Dimitri posait avec un beau gaillard au regard sombre, tandis que Kenzo était apparié à un minet de dix centimètres et quinze kilos de moins que lui. Ils n’ont pas décidé de casser les codes : c’est l’actif sec et bien bâti avec le passif gracile. Pourtant, je sais que Dimitri en tant qu’actif, ça envoie aussi du bois… Personnellement, l’idée de me laisser dominer par un mec plus mince que moi m’a toujours plu.

Je débarque dans notre chambre d’hôtel après avoir effectué le chemin retour depuis le studio. Je compte profiter du calme ambiant pour avancer dans mon travail. Même si Daniel m’a conseillé de décrocher pour encore quelques heures, j’ai insisté. La table de notre chambre fera office de bureau pour cet après-midi.

En même temps que je sors mes affaires, mon regard se porte sur l’ordinateur et le casque de Dimitri, laissés sur son lit pour la journée. J’ai énormément aimé le voir travailler sur ses projets musicaux hier soir. Mon cœur accélère dès que j’imagine lui proposer de créer ensemble un morceau, pourquoi pas plus proche des styles que j’aime. J’adorerais l’aider, serait-ce seulement pour donner mon avis sur les sonorités, vu que je m’y connais peu techniquement.

J’occupe mon temps à avancer dans mon code, puis aussi dans mon projet personnel lorsque j’estime que ma journée a été assez productive. Alexis me propose plus tard de jouer quelques parties d’échecs que j’accepte avec grand plaisir. Le bilan est parfaitement équilibré ; c’est vraiment génial d’avoir un ami exactement du même niveau que soi pour progresser ensemble. Pour l’instant, pas plus de nouvelles de sa part concernant la fameuse soirée qu’il m’avait vantée, si ce n’est qu’il comptera bien m’y voir.


***


Mes collègues sont seulement revenus à dix-neuf heures trente, et encore, seulement pour se rafraîchir et se changer, avant de repartir à l’assaut de la capitale tchèque. Cette fois-ci, j’ai décidé de les accompagner dans la découverte de bars locaux, et surtout des nombreuses micro-brasseries qui font la renommée de la ville. Malgré un choix infini de bières à déguster, nous avons consommé avec modération en vue de la journée de demain. Notre veille de départ sera plus détendue, et le repérage est déjà fait !


Comme hier, Dimitri a ouvert son logiciel de production. C’est l’occasion rêvée pour poser ma question.

  • Dimitri, tu penses qu’on pourrait essayer de produire un son un peu style techno ? Peut-être que tu sais faire, ça ressemble à ce que tu produis déjà !
  • Ouais… pourquoi pas ! Ce n’est pas vraiment mon genre de base, mais ça se tente.
  • Trop cool !
  • Mais je ne garantis rien. De ce que je sais, c’est difficile de rendre un tel morceau percutant et convaincant. Faut une bonne technique !
  • Je vois, je vois… Et au fait, tu postes ton travail quelque part, ou pas du tout ?
  • J’ai déjà mis des choses sur Spotify ! Bon, le succès est très relatif et je perds même un peu d’argent, mais c’est pas le but. Même avec beaucoup plus de talent que le mien, il faut de la chance pour percer réellement. J’y consacrerais sûrement plus de temps sans mon taf d’acteur ici.

Il m’invite à me poser à ses côtés sur le lit.

  • Allez, avant de trouver un vrai titre, on va appeler le projet « Techno Dimitri x Martial ».
  • Yes !
  • En général, je commence par le drop du morceau. Je trouve que le kick et la basse définissent déjà l’ambiance globale.
  • Il faut aussi choisir le tempo, non ?
  • Bien sûr ! On peut se baser sur cent trente ou cent trente-deux battements par minute, c’est assez classique pour le genre. On verra, selon le feeling, si on modifie.

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