Si La Vie Devait S'arrêter

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"Est-ce que tu as quelque chose à perdre à présent?"

"Est-ce qu'il est encore nécessaire d'espérer?"

"Et si nous vivions nos dernières heures ensemble?"

Les médecins ont été formels. Lousia n'a plus que quelques jours à vivre. Et Jake ne tardera pas à être retrouvé par les autorités américaines. Tous deux n'ont plus le temps devant eux.

"Nous sommes complices depuis l'enfance, nous n'avons jamais cessé de nous aimer, par-dessus les épreuves et les secrets, même lorsque les années passaient dans l'attente du retour de l'autre; nous n'avons jamais cessé de nous aimer l'un et l'autre. L'un pour l'autre."

"Je serai tué sur la chaise électrique."

"Je mourrai dans mon lit d'hôpital."

"Nous savons qu'il n'y a plus rien à espérer."

"Pourtant nous voulons changer notre sort."

Jake regarda une dernière fois le triste décor de son appartement. Il savait qu'il n'y reviendrait pas.

En prenant le volant, il avait le cœur lourd mais l'esprit libéré. Enfin, après des années de cavale, il allait s'arrêter. Tout arrêter. De toute façon, le FBI avait retrouvé sa trace en France, il avait été repéré. Il n'échapperait pas à la peine de mort.

Mais avant surtout, il allait revoir Lousia. Sa Lousia.

Sept ans qu'il ne l'avait pas vu. Il savait qu'elle avait mûri, ce ne serait plus la jeune fille de dix-neuf ans qu'il avait connu, mais une belle jeune femme de vingt-six ans, aux yeux verts et doux, aux cheveux châtain clair, au teint pâle et au sourire charmeur. La seule qui puisse égayer ses jours.

Ils avaient tout prévu, par messages. Tout prévu pour se dire adieu dans les plus belles conditions.

Et lorsque Jake prit le bateau pour la Corse, il ne put s'empêcher de sourire...

La mort leur courait après. Ils la laisseraient les ratrapper au dernier moment, lorsqu'ils auraient passé les plus belles heures de leur existence, ensemble...

Lorsque le bateau accosta, Jake su où aller. Il courut aussi vite qu'il le pouvait.

Essoufflé, il s'arrêta sur une plage déserte, le cœur battant et la respiration saccadée.

C'est là qu'il la vit. Assise sur un rocher balayé par le vent, les cheveux détachés et le regard à l'horizon.

"- Ma sirène..." peina à articuler Jake en s'approchant pas à pas.

Lousia se retourna et d'un même mouvement ses traits s'illuminèrent, son visage souriant plongea instantanément Jake dans un bonheur sans nom.

"- Tu es arrivé. Je t'attendais depuis trois heures!" s'écria-t-elle d'un ton accusateur mais avec un sourire.

Le visage baigné de larmes, elle le serra fort dans ses bras et lui-même versa quelques larmes au contact de sa belle retrouvée.

"- Oui, je suis là. Et regarde, le beau temps nous accompagne...

- Comment s'est passé ton voyage? Tu n'as pas eu de problèmes? s'enquit Lousia en séchant ses larmes.

- Non, tout était bien. Et toi, alors?

- Tout s'est bien déroulé, je me suis éclipsée de l'hôpital et j'ai réussi à prendre le train, puis le bateau. J'avais uniquement pris de l'argent et une tenue de rechange. Je ne voulais pas te revoir avec ma robe d'hôpital, quand même!"

A cet instant, Jake remarqua à quel point elle était belle dans sa chemisette et son jean. Lui-même n'avait rien revêtu de particulier, mais il avait quand même tenu à mettre un tee-shirt propre.

"- Je... Moi, je ne me suis pas vraiment bien habillé, désolé, bredouilla-t-il, un peu honteux.

- Mais ça ne fait rien, enfin! Ce qui compte, c'est que tu sois là, auprès de moi. Et rien d'autre..."

Ils parlèrent encore quelques minutes, mais puisqu'ils s'étaient dit l'essentiel par messages, ils ne perdirent pas les précieuses minutes qui leur étaient comptées et préférèrent se jeter à l'eau plutôt que d'échanger sur leur vie de dépressifs.

Ce fut un moment merveilleux. Après des années de souffrance et de silence, tous deux riaient à gorge déployée, tout habillés dans l'eau tiède de la Méditerranée.

Ils s'éclaboussaient mutuellement, les yeux rieurs, loin des jours tristes, de leur misère quotidienne.

Désormais ils seraient heureux, pour le reste du temps qu'ils avaient encore à vivre...

Après des heures de baignade agrémentée de rires, ils s'installèrent sur la plage en regardant le soleil se coucher, ovale orangé sur la mer Méditerranée. Lousia prit alors la parole, d'une voix douce un peu coupable:

"- Tu sais Jake, le jour où tu as tué cet homme pour me défendre, je... Je t'en ai voulu. Je ne voulais pas croire que l'homme que j'aimais tant ait pu commettre un meurtre... Peu importait la raison.

- Tu sais très bien ce qu'il t'aurais fait si je ne lui avait pas abattu cette clé à molette sur le crâne.

- Oui, je le sais aussi bien que toi. N'empêche que tu n'étais pas obligé de le tuer, tu pouvais juste l'assommer. C'est si triste que la vie bascule ainsi... Nous étions en Amérique juste pour toi, pour rendre visite à ta famille et passer une semaine en amoureux...

- Crois bien que je le regrette aussi. Mais à ce moment-là ma colère dépassait tout le reste, je ne voulais pour rien au monde qu'il te fasse du mal", s'excusa Jake en passant un bras autour des épaules de Lousia.

Ils ne parlèrent pas plus, le silence leur suffisait pour tout exprimer.

La nuit tombée, ils s'aimèrent au creux d'un rocher. Seules les étoiles en furent témoins et ce fut sans doute la plus belle des nuits.

Au matin les forces de police arrivèrent, mais ils trouvèrent leurs corps au pied d'une falaise, enlacés et sans vie.

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