L'explication

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2 septembre, lendemain de l'accident

A quatroze heures précises, deux policiers en uniforme sonnèrent au domicile de Sandra Lebanski, propriétaire d'une Mini Cooper jaune avec une bande rouge sur le capot et suspectée d'être impliquée dans l'accident qui avait coûté la vie à M. Patrick Duchêne, dirigeant d'une grande multinationale.

Elle leur ouvrit, vêtue d'un jogging rose et blanc un peu trop grand qui gommait ses formes. Elle les attendait et les suivit sans opposer aucune résistance.

Dans le bureau, l'inspecteur et Sandra se faisaient face. Il avait posé ses coudes sur le bureau, la tête sur les mains, il fixait la jeune femme qui, elle, baissait les yeux et fuyait le regard. Il l'invita à parler :

— Je vous écoute... N'ayez pas peur...

Elle se mura d'abord dans le silence. Lui n'ajouta rien et laissa venir. C'était sa méthode et elle marchait toujours. Enfin, elle commença d'une voix hésitante, presque inaudible, qui s'affirma au fil de son récit :

Elle avait agi impulsivement... Sous le coup de la colère, sans réfléchir. Elle avait voulu parler à Patrick avant qu'il aille au rendez-vous... Mais pas pour le tuer. Tout avait été trop vite. Elle avait perdu les pédales et.... Si elle avait agi ainsi, c'était pour protéger Hélène. Mais, elle ne voulait pas le tuer. Ça non ! Et il fallait que Hélène le sache et le comprenne.

Elle connaissait bien Patrick. Il avait partagé sa vie pendant près d'un an. Ça avait bien commencé, mais il s'était embarqué dans un projet foireux avec l'un de ses amis. Et ça avait pris de telles proportions dans leur vie qu'au cours d'une dispute, il était parti, en claquant la porte et sans revenir, la laissant là, comme une conne ! Elle lui en avait voulu... À en crever !

Au début de leur relation, elle avait présenté Patrick à Hélène et le courant avait bien passé. Elle le trouvait beau mec et sympa. Mais Hélène aimait trop son amie pour lui piquer son mec, elle en était sûre.

Quelques mois après leur rupture, voilà qu'Hélène lui avait annoncé qu'elle était sortie avec son ex, comme ça, en copains, à la suite d'une exposition. Ils s'étaient revus... plusieurs fois. Ça lui avait fait mal, comme un coup de poing dans le ventre. Elle avait essayé de la mettre en garde, qu'il était instable, mais elle lui avait affirmé qu'il avait changé. Un matin, elle avait reçu un message sur son téléphone : « Folle nuit avec P. Tu peux pas savoir... » Elle avait été folle de rage. Et puis, Patrick et Hélène s'étaient fiancés et allaient se marier. Elle avait peur qu'il fasse souffrir sa femme, comme elle, un an et trois mois auparavant.

Les quatre premières années de mariage donnèrent raison à la jeune mariée, jusqu'à ce mois de janvier où Patrick avait montré son vrai visage. Il était redevenu cet arriviste aux dents longues qui écrase tout sur son passage, surtout celles qui l'aimaient. Elle était malade de voir Hélène se bercer encore et toujours de tant d'illusions. Elle savait bien qu'il lui arriverait ce qu'elle avait vécu. Mais, Hélène voulait y croire.

Alors quand, elle avait surpris la conversation de sa meilleure amie hier matin, elle avait décidé de parler à Patrick, de le mettre devant ses responsabilités. Qu'il comprenne enfin la chance qu'il avait ! Qu'il ne devait pas la laisser passer ! Qu'il arrête de jouer au con, maintenant ! Qu'il se rende compte enfin de la chance qu'il avait d'avoir trouvé une femme comme Hélène. Elle s'était rendue au domicile du jeune couple, s'était garée à deux pas et attendant qu'il sorte. Il portait un costume sombre et élégant. Il s'était fait beau pour le rendez-vous. Elle l'avait suivi jusqu'au magasin de fleurs. Et c'est là que tout avait basculé dans sa tête. Elle aurait dû descendre de voiture et l'aborder, mais elle avait mis le contact, appuyé sur l'accélérateur... Une part d'elle lui disait « Freine ! Putain, freine ! » Et une autre bloquait son pied sur l'accélérateur. Patrick avait tourné son visage ; tétanisé, il n'avait pas pu réagir. Elle avait fermé les yeux. Le choc avait été terrible ; le corps avait littéralement giclé sur le côté et s'était écroulé au milieu du passage. Elle avait continué, sans ralentir sur la route toute droite, pleurant de rage. Elle avait abandonné sa voiture près de la décharge. C'est là que les policiers la trouveraient avec le capot défoncé.

L'inspecteur n'avait pas bougé, prit aucune note. Un policier en uniforme entra et lui saisit doucement le bras. Elle se leva docilement, se tourna une dernière fois vers l'inspecteur :

— Vous savez, j'aime Hélène... C'était pour la protéger !

Et elle suivit son escorte hors du bureau.

Resté seul, l'inspecteur composa un numéro sur son portable :

— Madame Duchêne ? Inspecteur Montoit. Est-ce que je peux venir vous voir ?

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