Chapitre 5 : [Stage - Jour 1] _ Hallucination _

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Le soleil se levait à peine et les douze élèves convoqués étaient déjà debout, assis seuls dans le réfectoire silencieux. Slany s'était isolée à une table loin de ses camarades et avait décliné la proposition de Lenny qui souhaitait qu'elle se joigne à eux. Sa lèvre était légèrement enflée et barrée d'un fin trait rouge, souvenir du poing de la brune. Cependant, Slany n'avait rien à envier à Addie, qui s'était retrouvée avec un oeil au beurre noir et une ligne rougeâtre barrant sa joue gauche. L'Irlandaise n'avait rien pu avaler ce matin, pour la première fois depuis son arrivée, elle s'était sentie terriblement seule. Ce sentiment l'opprimait, l'empêchant de respirer correctement. Rapidement, comme elle l'avait toujours fait, elle avait branché ses écouteurs à son lecteur MP3 et lançait sa musique. Cela l'avait toujours apaisé, elle se concentrait uniquement sur la voix qui se faufilait à travers sa tête et fermait les yeux. Alors qu'elle laissait aller ses pensées au fil de la chanson, elle sentit son pull s'humidifier. Elle ouvrit brusquement les yeux et aperçut la brune, le sourire aux lèvres, son verre de jus d'orange maintenant vide, juste à côté d'elle.

- Pourquoi t'as fait ça ?! s'emporta-t-elle en se levant.

- J'ai pas fait exprès, j'ai trébuché. Et puis, ça va, c'est qu'un pull, je suis sûre que t'en as plein d'autres, répondit-elle nonchalement.

- Va te faire foutre, Adélaïde ! cria-t-elle avant de quitter le réfectoire.

Slany se réfugia dans les toilettes et s'enferma dans une cabine et fondit en larmes en se laissant glisser contre la porte close. Oui, des pulls, elle en avait plein, mais celui-là, il comptait pour elle. Sa petite soeur, Flann, le lui avait offert pour ses seize ans. Il avait une valeur sentimentale pour l'adolescente qui avait vu sa soeur se faire tuer sous ses yeux trois mois plus tard, lors d'une mission qui avait mal tourné. Lors de ce triste évènement, la jeune fille avait perdu toutes les personnes qui comptaient pour elle.

- Slany ?! Slany ! Réponds, tu es là ? demanda une voix féminine, s'approchant de la cabine.

On toqua doucement à la porte sur laquelle Slany était appuyée. Les sanglots de l'adolescente redoublèrent. Pourquoi ne la laissait-on pas tranquille ? Pourquoi est-ce qu'on l'avait envoyée ici après tout ce qu'elle avait enduré ? Pourquoi ne l'avait-on pas tuée elle aussi ?! Slany l'aurait préféré, maintenant c'était comme vivre avec toutes ces morts sur la conscience, vivre avec ce vide horrible en elle était un véritable calvaire pour la jeune fille.

- Slany, ouvre s'il te plaît.

La rousse avait tellement besoin qu'on la réconforte à cet instant-là qu'elle ne réfléchit même pas, elle se leva et défit le verrou, la porte s'ouvrit rapidement et la grande châtaine s'approcha et la prit dans ses bras. Slany s'y accrocha comme à une bouée, le corps secoué par ses sanglots douloureux. Quand elle releva la tête, elle la vit dans le miroir, Flann, elle était là, couverte de sang, un trou béant au milieu du ventre, le visage ravagé par la souffrance, elle gémissait son nom, suppliante. Slany poussa un cri d'horreur et repoussa violemment Océane, elle la vit marcher jusqu'à elle. Pétrifiée, la jeune fille vit sa soeur s'approcher d'elle, elles étaient maintenant côte à côte, Flann lui répétait à l'oreille de ne pas l'abandonner, de ne pas les laisser la tuer, elle la suppliait de la sauver. Slany se mit à se débattre, elle avait beau fermer les yeux, chaque fois qu'elle les rouvrait, sa petite soeur était là, l'accusant de sa mort. Elle criait, hurlait, sanglotait, la suppliait de partir, d'arrêter de la hanter.

- Slany ? s'inquiéta Océane en la voyant devenir folle.

- Non ! Laisse-moi !! Arrête, me touche pas ! C'est pas moi, c'est pas moi... je t'ai pas tuée... je te le jure ! J'ai essayé... j'ai essayé de te sauver... mais... j'ai pas réussi... Je suis désolée, Flann... tellement désolée... souffla la rousse en tombant à genoux.

Enfin, la vision horrible de sa jeune soeur disparut, épuisée et en proie à de violents tremblements, Slany ne résista pas, elle se laissa glisser vers le sol et ferma les yeux, son coeur battant toujours plus vite. Elle poussa de petits gémissements de douleur, le visage rouge, trempée, elle pleurait toujours, la douleur lancinante au creux de sa poitrine était de plus en plus horrible. Océane accourut à ses côtés, elle posa sa tête sur ses genoux et lui caressa les cheveux, tentant tant bien que mal de la calmer. Elle paniqua en effleurant le front brûlant de l'adolescente.

- Slany, eh ! Ecoutes-moi, s'il te plaît. Je suis là, ça va aller, lui assura-t-elle.

Elle continua à passer sa main dans ses cheveux.

- Est-ce que tu te sens capable de marcher ? demanda-t-elle doucement.

Slany hocha la tête en signe d'approbation.

- Super, je vais t'aider, ok ? Il faut juste que tu te redresses.

Océane passa le bras droit de la rousse sur ses épaules et l'aida à se relever, pas après pas, elles atteignirent le lavabo. Slany respirait difficilement.

- Appuie-toi là quelques secondes, j'attrappe un verre, indiqua Océane.

La chataîne prit un gobelet et le remplit d'eau avant de l'amener jusqu'aux lèvres de Slany qui but doucement un peu du liquide limpide. Une fois calmée, l'irlandaise rouvrit les yeux, terrifiée à l'idée de croiser à nouveau l'image de sa soeur dans le miroir.

- Mer... merci, dit-elle d'une voix rauque à celle qui l'avait sauvée de sa terreur.

- T'en fais pas, c'est rien.

- Si, c'est important pour moi, murmura doucement la rousse.

Océane passa un bras sur ses épaules et dit souriante.

- Faut qu'on y aille, on est méga à la bourre, Calland va pas aimer.

- Désolée, fit-elle en se mordant la lèvre.

- De quoi ?

- Tu vas te faire engueuler à cause de moi.

- Mais non, t'inquiète pas pour ça.

Les deux adolescentes arrivèrent au réfectoire où les autres les attendaient, Mr Calland était là aussi et il n'avait pas l'air vraiment ravi.

- Pourrais-je savoir où vous étiez passées toutes les deux ?

- Excusez-nous pour le retard, Monsieur.

- Vous ne répondez pas à ma question, Alméras, gronda-t-il.

- Je...

- C'est ma faute, Monsieur. Océane est venue me chercher parce que je n'étais toujours pas là, c'est entièrement ma faute si elle est en retard, la coupa Slany, refusant que la jeune fille soit punie pour l'avoir aidée.

- Mais c'e...

- Je m'excuse Monsieur, je n'étais pas très bien ce matin et si Océane n'avait pas été là, je serais sûrement encore en train de ressasser le passé. Je prend l'entière responsabilité de notre retard, reprit-elle.

- Bien, je te remercie de ta sincérité. Je sais que tu es nouvelle et que tu as un lourd passé, je comprends que tu es pu être stressée mais tu dois savoir que je ne peux pas laisser ça impuni, tu me feras donc vingt tours de terrain avant de rejoindre tes camarades pour le début du stage, compris ? fit-il.

- Oui, Monsieur, affirma Slany.

- Du coup, pendant que votre camarade va courir, vous avez quartier libre, quant à toi Slany, tu as une demi-heure pour faire ta punition. La coach Fonseca sera là pour surveiller, donc n'essaie pas de tricher, assura l'homme.

- Entendu, Monsieur, fit-elle en baissant la tête.

- Rendez-vous à 7h au gymnase, aucun retard, je dis bien aucun, ne sera toléré ! Me suis-je bien fait entendre ? répliqua-t-il.

- Oui, Monsieur, répondirent-ils en coeur.

Edouard Calland quitta le réfectoire et Slany commença elle aussi à partir, sauf qu'Océane s'élança à sa suite et l'arrêta.

- Pourquoi t'as dit au dirlo que c'était ta faute ? s'indigna la châtaine.

- C'est la vérité, répondit simplement Slany.

- J'aurais du être punie aussi, répliqua l'adolescente.

- Eh ! T'énerves pas, je voulais juste pas que tu te retrouves à courir pour m'avoir aidé, c'est tout, souffla la rousse.

- Ecoutes, si y'a un truc que t'as pas encore compris ici, c'est qu'on est solidaire, gronda-t-elle.

- Ah ouais, donc vous étiez solidaires quand Brochard a renversé volontairement son verre sur mon pull ! s'exclama-t-elle.

- Slany...

- Non ! Je sais bien qu'Hanna vient de mourir, mais sache que vous êtes pas les seuls à avoir perdu quelqu'un, je voulais pas venir ici, ok ?! On m'y a obligé, maintenant laisse-moi, je dois aller courir, lança Slany en partant.

Océane soupira, culpabilisant de l'avoir traîtée de la sorte, un sentiment de colère grandit en elle. Oui, elle était en colère contre Addie. Pourquoi avait-elle fait ça ?

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