Je me suis souvent demandée à quoi ressemblait Satan...

Je l'imaginais un peu comme dans ces histoires et ces jeux où l'on voit apparaître cette grande créature rouge à corne, machoire immense, dents horriblement longues et pointues...

Ceux qui ont inventé cet avatar assez cliché, je les ai cru... Je pensais que s'ils avaient tous la même vision du Grand Démon, du Mal en personne, ils avaient sans doute raison...

Je n'ai su la vérité que bien après avoir dévoré des milliers de récits traitant du sujet.

Le Démon n'a pas la peau rouge, les yeux formés par d'immenses trous noirs d'où sortent des flammes, des pics un peu partout sur le corps. Il n'a pas non plus de longue queue avec la flèche au bout, pas une carrure d'Apollon, ni grandes dents ni mâchoires démesurée...

Pas de pouvoirs particuliers, pas de sbires, pas d'empire...

Le Mal n'est pas monstrueux, au contraire.

Le Mal est attirant, c'est pour cela qu'il détourne si facilement les âmes perdues, je l'ai croisé, au détour d'une rue, il était beau, si beau.

Le Prince des Ténèbres a les yeux noirs, aussi noirs que l'est son âme, vide de sentiments, de remords. Son visage émacié entouré de mèches foncées, la peau mate, il m'a tendu la main et naïvement je lui ai offert mon innocence.

J'ai alors perdu la notion de liberté, la liberté d'expression, de faire et de penser...

Sous le masque d'un bellâtre, j'ai entr'aperçu les cornes imaginaires d'un esprit pourri par la cruauté et le mensonge.

Son regard aimant est devenu empli de colère et de rancoeur, assombri par les cernes qui lui borde les yeux. Ses caresses plus violentes, marquant mon corps de toutes les manières, sont désormais les seules couleurs à ma vie devenue misérable.

Le Mal a un prénom, une apparence, une histoire.

Il peut être représenté par un animal féroce, ses dents sont crocs, blessent la chair et la dévorent, ses griffes nocives déchirent la peau sur tous les endroits qu'il parvient à atteindre. Comme un loup qui hurle à la mort mais à la tienne. Comme un prédateur qui ne voit en toi qu'une proie facile. Il aboie comme un chien et montre les crocs lorsqu'on sort des sentiers battus, cris et mots peu scrupuleux plus blessants que des lames, mais en suivra d'autre la queue entre les jambes, en quête des caresses que tu aurais pourtant voulu donner.

Il est malsain, ça transparaît de tout son être, ses actes sont dépourvus d'un quelconque amour-propre ou envers autrui, sa gentillesse ne sera que dans le calcul d'un bénéfice à venir.

Odorant, autant que mauvais, il aime ce qui est aussi sale que lui, renfermé dans ses plaisirs personnels monstrueusement dérangeants. Il distribue sa haine, son mal, ses échecs. Il offre la mort à ceux qui la lui demandent, la propose à ceux qui en sont encore loin...

Ce Malin a su me chuchoter des mots d'amour, il a amplifié son emprise sur ma vie pour mieux me guider en son sens. Ceux qui le connaissent le vivent ou le vivront.

Le Diable n'a pas d'apparence particulière et prendra celle que vous lui donnerez, mais sachez que si vous le laissez approcher, vous ne parviendrez peut-être jamais à vous en défaire.

J'ai cru pouvoir y parvenir. J'ai essayé. En vain.

Je vous écris désormais, son enfant en mon ventre, enchaînée au fin fond des Enfers pour l'éternité qui est sienne.