« L’Europe à tout prix »

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Mes chers amis, vous ne me connaissez point et vous ne me connaîtrez peut-être jamais, pour la simple et bonne raison que je ne vis plus et cela depuis plus d’une demi-heure déjà. Car, dans les profondeurs, dans le ventre de la bête se trouve mon corps, tandis qu’en parallèle, mon esprit, mon âme ne cesse d’errer çà et là au-dessus de la Méditerranée, à la recherche de ce souffle de vie, de cette enveloppe corporelle que je venais de perdre, sans pour autant savoir ce qui m’étais réellement arrivé. J’ignorais en effet être réellement morte, car complètement invisible j’étais, face au fameux bateau de chasse venu pour nous porter secours. Ce bateau qui repartait finalement bredouille, la grande bleue n’ayant fait qu’une bouchée de nous et de notre petite embarcation. Je criais, de pleurais, je sautais mais en vain, je demeurais toujours autant invisible, face à un monde qui m’était soudain devenu inconnu. Esprit ou fantôme, je ne savais comment désormais me décrire, tandis que dans le ventre même de la méditerranée, gisaient nos corps inertes ballotés çà et là au gré des courants marins, tandis que bientôt, tout comme moi, nombreux étaient les esprits errants à sortir de l’eau. Des esprits qui jamais ne cesseront de hanter les lieux, sachant qu’autant justice ne leur sera jamais rendue, autant ils demeureront dans des regrets et dans des tourments et autant ils n’auront le repos tant mérité et tant souhaité. Il demeure en effet difficile de connaître les histoires de tout un chacun dans ce bas monde, mais ce qu’il faut bien noter dans cette histoire, c’est que la souffrance, la misère et la pauvreté peuvent bien pousser à des exploits, aussi bien dans le bon comme dans le mauvais sens et c’est bien malheureusement mon cas.

Car en effet, soudain c’était le trou noir, le néant total, le vide sidéral et un silence des plus fous, avant que mon esprit ou encore mon âme, se s’élève enfin vers les cieux, tout en voyant mon corps sombrer peu à peu dans les profondeurs même de la Méditerranée, au fur et à mesure que je m’éloignais. Et dans ma tête, il me restait les tous derniers souvenirs de ma vie dans la toute petite embarcation à bord de laquelle je me trouvais, de mes rêves et de mes espoirs, avant que le sourire ne s’efface soudain de mon visage, que mon cœur soudain mis à rude épreuve ne lâche enfin après un effort conséquent, tandis que désormais remplis d’eau et non d’air, mes pauvres poumons m’informaient tout simplement du fait que je n’appartenais plus au monde des humains, mais plutôt à la Méditerranée. La Méditerranée qui venait de me prendre ma vie, en me donnant la mort en retour, alors que j’avais pour seul pécher, d’espérer avoir une vie meilleure non plus dans ma belle Afrique, mais en Europe, ce continent autre que le miens, mais qui me fascinait tant, au point d’hanter toutes mes nuits. Dans le ventre de la Méditerranée j’étais, mais je n’étais point la seule. Nous étions en effet nombreux à nous demander où nous étions exactement. Car, morts nous l’étions tous, mais à part nous l’étions également, le paradis et l’enfer ne voulant point de nous, nous les damnés de la Méditerranée, devenus de simples âmes ou esprits errants en quête de pardon, de justice, de reconnaissance et enfin de repos.

Nous étions donc nombreux à errer çà et là au-dessus de la grande bleue, à la recherche d’une terre propice pour nous, mais sans pour autant voir au bout des jours, des semaines et du temps, l’ombre de ce bonheur que nous cherchions tant à l’horizon. Car, toujours aussi tourmentés nous étions et toujours aussi meurtri était mon esprit, mon âme. Mon âme qui sûrement n’aura point le repos éternel tant mérité, tandis que mon esprit désormais des plus tourmentés au monde, n’aura la tranquillité tant voulue, d’autant plus que je me trouvais à des milliers de kilomètres des miens, de ma chère famille, de cette terre qui m’a vu naître. De l’Afrique, de cette terre de mes ancêtres qui jamais ne m’aura trahie, malgré le fait que je me suis complètement laisser berner, tromper et manipuler aussi bien par la souffrance, la misère et la pauvreté que par le monde et ses multiples promesses de richesses. Pauvre de moi, je venais à peine de comprendre comment fonctionnait le monde qu’il était déjà trop tard, car je gisais à présent six pieds sous l’eau, pour ne pas dire dans le ventre de la bête. En effet, il à fallu que j’en arrive là, pour comprendre à quel point cette terre laissée par mes ancêtres était plus qu’important. Il a fallu que j’en arrive là, pour comprendre enfin le fait qu’elle ne m’aura jamais trahie et que la quitter dans de telles conditions, n’était point la bonne décision à prendre. Et je venais bien malheureusement le comprendre à mes dépens, en payant cache et de ma vie, ce manque de foi en la vie et ce manque total d’amour, d’intérêt et de confiance en ses racines, en ses richesses et en cet héritage qu’était pourtant le mien, sachant que je n’ai eu qu’à fuir mon enfer ou disant mon tout petit paradis, pour me rendre dans un enfer encore bien pire.

En effet, j’avais cru voir et entendre que l’herbe était bien plus verte chez le voisin, d’où mon départ pour le moins précipité, de chez mes pauvres parents et bien malheureusement vers la mort. La mort qui m’aura non seulement ouvert les yeux, mais également sauver de moi-même, en m’obligeant à comprendre enfin le fait que l’on est mieux chez soi et que l’herbe comme je le croyais, n’est pas plus verte chez le voisin. Bien au contraire, c’est la désillusion qui nous y attend le plus souvent. Mais bon diable que puis-je faire à présent de cette illusion tant décriée, sachant que dans le ventre, dans les entrailles ou encore dans les profondeurs de la Méditerranée je me trouvais dorénavant, ensevelie sous des tonnes et des tonnes d’eau. Et en attendant que la grande bleue ne me recrache enfin, ou disant ce qui restera de mon enveloppe corporelle, nombreux sont des écervelés ou encore des désespérés qui comme moi, osaient s’attaquer ou disant s’affronter à l’affreuse bête noire qui depuis plusieurs années déjà, tue beaucoup bien plus que les bateaux de sauvetage humanitaires dont « l’Aquarius » ou encore « l’Océan Viking », ne sauvent. Et tandis que mon esprit errait çà et là au-dessus de la grande bleue et que mon corps gisait dans les profondeurs de celle-ci, loin de là, loin des côtes libyennes, Algérienne, marocaines et tunisiennes, nombreux sont ceux qui attendaient mon retour, notamment dans mon Congo natal.

Nombreux sont ceux qui attendaient ne serait-ce qu’un appel, un simple bip de ma part mais en vain. Car, jamais plus ils ne me verront, jamais plus nous nous révérons et jamais plus ils n’entendront parler de moi, ne sachant absolument rien de l’horrible tragédie qui venait bien malheureusement de survenir il y a une semaine de cela. En effet, cela faisait bientôt une semaine que j’étais morte, dans l’indifférence, dans l’anonymat et dans l’oubli le plus total. Pauvre de moi, pauvre de nous damnés de la Méditerranée et enfin pauvre de nous hommes de la terre, nous qui n’avions point pu compter sur l’amour, le respect et la tolérance de certains, d’autant plus que notre humanité à nous hommes noirs, demeure constamment bafouer et nier. C’est bien malheureusement dans la douleur et dans la tristesse que je m’en allais ce fameux jour-là, non sans oublier le fait de mourir comme un misérable, un moins que rien, après avoir vécu une vie tout aussi misérable que pathétique. Je m’en étais donc ainsi allée, loin de tous, mais tout particulièrement loin de ma très chère petite famille, loin de mon cher père mais surtout loin de ma pauvre petite maman qui mourra sûrement de vieillesse, sans pour autant savoir ce qui m’était arrivé. Ce qui était arrivé à cet enfant qu’elle chérissait tant, à cet enfant qu’elle porta dans son ventre pendant plus de neuf mois, ou encore à cet enfant qui un beau jour, pris ses cliques et ses claques et parti, non sans se douter que tout au bout, l’attendait la mort. Car en effet, pour ce qui était de la petite histoire, il fut un jour où fatiguée de toujours vivre dans la pauvreté, la misère et la souffrance, moi, « Rose » de mon prénom et « la Makandaise » de mon surnom, je décidais de sauter le pas, en m’adonnant à une aventure qui comme vous le savez, me mènera droit à la mort, non sans avoir eu à subir bien avant, le racisme, la méchanceté, la barbarie, la misogynie, le désamour et le proxénétisme de certains.

Mais en attendant que tout cela n’arrive, il me fallait avant tout surmonter la peur, non sans oublier de braver bien des interdits et des dangers en tous genres et cela dans la mesure du possible, afin de pouvoir m’en sortir. Afin de pouvoir apercevoir enfin le fameux bout du tunnel, pour ne pas dire le bonheur, la fameuse porte de sortie qui sûrement et certainement me mènera vers une vie meilleure. Cette même vie meilleure qui me tendait enfin les bras, avant que la toute mystérieuse et puissante mer Méditerranée ne me stoppe dans mon élan, anéantissant ainsi tous mes rêves et espoirs. Ma vie valait en effet le coût d’être vécue et elle le valait chez moi, sur la terre de mes ancêtres, plutôt que sur des terres inconnues, à la recherche d’un bonheur qui se révélera finalement inexistant. Car en effet, gagnée par une forte envie, un fort désir de richesse et de réussite qui s’accentuait au fil des jours et des semaines, le jeune petite Rose que j’étais, tout juste âgée de seize ans, avait vite fait de se lancer dans une aventure sans pareil et peut-être au péril de sa vie. Car, il y a en effet, toujours de l’incertitude et le doute, notamment quant au fait de savoir si ou oui non on va s’en sortir et si oui ou non le bonheur nous sourira, une fois arriver à destination. Mais toujours était-il que comme tout bon aventurier, je mettais toutes les chances de mon côté et je croisais bien les doigts, en espérant que les choses ne tournent point à la catastrophe pour moi.

C’est donc remplie d’espoirs, de promesses et d’idées reçues, que je décidais de fuguer de chez mes parents avant de partir, avec comme mobile ou idée en tête et bien évidemment comme bon nombres d’africains, que l’Europe est une terre promise, pour ne pas dire un eldorado dans lequel, les chances de devenir riche, d’avoir une vie bien mieux et meilleure peuvent se dessiner assez facilement à l’horizon. Ce qui n’était point réellement le cas dans bon nombres des pays africains dans lesquels, les portes du bonheur vous sont d’ores et déjà fermer à l’avance, avant même que vous ne puissiez le réaliser et encore moins faire vos preuves. Ainsi conditionnée par mes maigres moyens financiers, je décidais alors de tracer mon propre chemin sur terre, à travers ma belle Afrique, vers des contrées et des univers totalement inconnus, avec comme seul et unique objectif final : l’Europe à tout prix.

L’Europe à tout prix, quitte à y laisser ma vie. Et bien malheureusement pour moi, la Méditerranée comme affreuse bête noire, m’aura malencontreusement pris au mot. Car en effet, plutôt connue au Congo, fantôme ou esprit errant j’étais désormais, tandis qu’inconnu je serais, notamment pour celui ou ceux qui auront le malheur de trouver mon cadavre une fois rejeté par la maudite mer sur l’une de leurs plages ou côtés, avant que l’on ne m’enterre finalement dans l’un des nombreux cimetières des migrants improvisés pour l’occasion. Dans l’inconnu je suis venue, dans l’inconnu, dans l’anonymat et dans l’indifférence la plus totale je m’en allais, sans pour autant avoir pu faire mes preuves dans la vie, en devenant inoubliable aux yeux de tous. L’inoubliable ou encore la prospérité que je pensais et croyais pouvoir atteindre seulement en Europe et non en Afrique, plutôt connue pour son paradoxe, lié aussi bien à son extrême richesse qu’à son extrême pauvreté. En effet, comment peut-on être aussi riche et aussi pauvre ? Et plutôt que de chercher à vouloir comprendre ledit paradoxe, je décidais tout simplement de fuir comme bon nombres de mes chers frères et sœurs africains, plutôt que de travailler de façon à pouvoir affronter tous ces problèmes qui depuis bien des siècles, nous maintiennent la tête sous l’eau. Lâche vous diriez de moi et vous aurez très certainement raison, sachant qu’à l’époque, seule ma petite personne comptait et seuls mes intérêts primaient sur tout le reste.

En effet, c’est une fois mort, que je me rendais enfin compte de mon égoïsme exacerbé, du fait de ne pas avoir pris en compte l’amour, ce lien des plus indéfectibles, sincères et purs qui me liaient aux miens, à mes chers parents. Mes très chers parents qui avaient très certainement le cœur brisé à l’heure actuelle, alors qu’il y a quelques années de cela, j’avais vite fait de tourner mes talons et de m’en aller, sans pour autant penser un seul instant aux conséquences de mes actes, à la peine et à la douleur que je leur imposais et cela jusqu’à la fin de leur vie. Car en effet, jamais je ne serais de retour à la maison. Jamais je ne leur rapporterais des cadeaux, des nouvelles et des bonjours venus droit de l’autre monde, pour ne pas dire de l’Europe, de ce continent que je chérissais tant au détriment de ma belle Afrique. Moi qui en m’en allant, notamment avec des rêves et des idées plein la tête, je n’avais jamais cessé de penser à eux, sachant que c’est pour le bien de tous que j’avais entrepris de partir, mon bonheur étant le leur. Mais cependant, peut-être fallait-il que je leur demande leur avis, plutôt que de courir de mon propre gré vers une mort quasiment sûre et certaine, alors qu’ils m’offraient la vie à leurs côtés. Alors qu’aussi bien entourée, aussi bien protégée et aussi bien aimée par les miens, la vie me souriait bon gré mal gré, dans le bonheur comme dans le malheur, dans la souffrance comme dans la douleur. Mais cependant et bien malheureusement pour moi, je n’avais pas su bien apprécier les choses à l’époque et me voilà tout simplement perdue, sachant qu’il y a de ces petites choses qui ont soudain de la valeur qu’une fois qu’on les perd.

Et c’était bien malheureusement mon cas, tant je venais soudain de me rendre compte à quel point je tenais à la vie, alors qu’il a tout simplement fallu que je me réveille, que je mange et que je dors en mode l’Europe à tout prix, pour la brader, en allant la risquer dans une traversée qui pourtant s’annonçait périlleuse. Me voilà donc punie, châtiée non seulement par l’ironie du sort, mais également par le destin, par la farouche mer Méditerranée, pour ne pas dire par le bon Dieu. Que c’est triste de me voir et que c’est triste de voir autant de gâchis dans ma vie, car parti d’aussi loin, pour finir dans le ventre de la bête, dans les abysses humides et profonds de la Méditerranée, tandis qu’en parallèle, l’Europe me sera toujours aussi inconnue. Terre de promesse, terre d’avenir, car considérée pour certains comme le paradis sur terre, l’Europe, ce continent objet de toutes les convoitises, ne me verra donc point fouler son sol. Elle ne verra point l’ombre de Rose la Makandaise franchir les limites de ses frontières, car stopper net et de la plus impitoyable des façons par la bête noire que se révèle être au fil du temps la Méditerranée. Bête demeure en effet celui ou celle qui croit que seule l’Europe constitue une terre promise, une porte de sortie ou encore un remède infaillible contre la pauvreté et la souffrance, alors qu’il nous est possible de créer de la richesse partout où nous nous trouvons. L’homme se doit en effet de travailler et l’homme africain encore bien plus, même s’il faut avouer qu’il se retrouve le plus souvent complètement démuni, face à un monde qui le dépasse totalement et dans lequel il peine à trouver sa place, d’autant plus que dans ledit monde, tout semble avoir été fait et tous les bases semblent avoir été posée durant bien des siècles, dans le but de le maintenir dans sa pauvreté et son assistanat, alors qu’il demeure entre temps, celui qui a un sous-sol extrêmement riche.

Mais cependant, plutôt que d’avoir cette lucidité de mon vivant, moi Rose la Makandaise je me contentais de faire l’autruche, en suivant tout simplement bien plus aveugle que moi, sachant qu’il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. Et nous étions beaucoup à ne point vouloir voir, à ne plus vouloir supporter le poids de notre héritage, de cet héritage laissé à nous par nos ancêtres, alors que c’est à nous de la relever, pour ne pas dire de rendre sa beauté, sa grandeur et son respect à l’Afrique, à la Mama Africa pour plus d’amour et d’affinité. Car en effet, je savais pertinemment que ce chemin menant au bonheur, était plutôt parsemé d’embuches, de sévices et de déboires en tous genres, l’accès sur le sol européen n’étant point libre et surtout bien plus couteux pour commencer. Et c’est la raison pour laquelle je décidais de traverser l’Afrique du centre au nord en passant par l’ouest, tant je n’avais point la chance et encore moins les moyens de pouvoir m’offrir tout comme les autres, un voyage en bonne et due forme vers le vieux continent tant convoité par tous. En effet, plus le temps s’écoulait et plus je voyais les portes de la réussite se fermer à moi, d’autant plus que je ne pouvais prétendre à une aide quelconque venant d’un tiers parent, tant aucun membre de ma famille n’appartenait ou ne pouvait s’imaginer faire partie de l’élite politique de ce pays. De ce fameux clan des riches très fermé et très restreint et dont tous les membres des familles le composant, avaient contrairement à nous autres, un accès libre sur les territoires européen et américain.

Dans la merdre j’étais, sachant que cela demeurait bien malheureusement le cas dans bon nombre des pays en développement dans lesquels le pouvoir et les richesses inégalement réparties, servaient tout simplement aux intérêts des uns, tout en défavorisant les autres. Et bien malheureusement pour moi, je faisais tout comme mes chers frères, sœurs et parents, partie de la couche sociale la plus défavorisée, subissant au quotidien les conséquences d’un pouvoir et d’une richesse inégalement répartis entre le peuple. Personne ne pouvait donc me venir en aide dans mon Congo natal, à part moi-même, sachant qu’il nous faut nous aider personnellement, avant que le ciel n’en fasse autant. Et c’était bel et bien là, l’un de mes adages préférés, sachant que comme tout enfant, j’avais des rêves et des idées plein la tête. Je rêvais en effet d’être hôtesse de l’air, mannequin ou encore médecin, avant de tout simplement arrêter de rêver et donc par la même occasion de vivre, notamment face à l’implacable vérité ou réalité. Car en effet, plus le temps s’écoulait, plus je grandissais et plus nous ne voyions moi et mes chers frères et sœurs, que de l’ombre à l’horizon concernant notre avenir. Pauvres nous étions et pauvres nous étions visiblement appelés à rester. Mais cependant, contrairement aux autres, moi Rose la Makandaise, j’avais choisi de m’imposer plutôt que de m’effacer, de tracer mon propre chemin sur terre, plutôt que de me résoudre à accepter un destin qui ne me correspondait guère. Point n’était en effet besoin pour moi de croiser mes bras, en voyant mes rêves tout simplement volés en éclats, tandis que mes espoirs s’amenuisaient au fil des jours, des semaines, des mois et des années, sachant que je n’avais personne en Europe et que je ne pouvais ni corrompre et encore moins offrir des pots de vin çà et là, dans le but de facilité mon voyage du Congo vers l’Europe. Je n’avais donc point les moyens de pouvoir adhérer à la facilité et la seule solution qui me restait, demeurait celle de traverser mama Africa du centre vers le nord en passant par l’ouest. Rester et donc par conséquent accepter ce destin qui s’imposait à moi, ou bien au contraire partir, au risque de ne plus jamais revenir parmi les miens.

Oh oui, partir pour une aventure en Europe se révélait être la meilleure des options et c’est bel et bien sur celle-ci que je décidais de fonder mes espoirs, après avoir eu à comprendre une fois devenue grande, le fait que j’avais beau fait d’avoir des rêves à accomplir, mais en parallèle, le destin me donnait bien l’impression d’avoir décidé autrement pour mon avenir. Et de ce destin imposé par l’élite impitoyable de monde pays, je n’en voulais point, sachant que je n’en étais point le maître. En effet, au Congo, en Côte d’Ivoire, au Nigéria ou ailleurs, nombreux sont les pauvres habitants qui tout comme moi, n’étaient point maître de leur destin respectif. Et c’est en quittant nos terres pour le moins assiégées par des dictateurs, que moi et bon nombre de mes chers compagnons de galère, avions la mauvaise impression d’être enfin devenus maîtres de nos destins, alors qu’il n’y avait rien de véridique, si ce n’était de l’illusion. Et dans cette fausse illusion ou semblant de vie, nous avancions au fil des jours, sans pour autant se douter que c’est entre les mains des autres, pour ne pas dire de nos futurs bourreaux, que nous avions sans le savoir, vite fait de confier le peu de liberté, d’honneur et de dignité qui nous restaient entant qu’humain, en quittant notamment nos terres ou nations respectives. Et pour ma part, les choses se révélaient encore bien plus compliquer qu’elles n’en avaient l’air, car têtue, obstinée, motivée et déterminée j’étais, face à la vie, face à tous les obstacles et difficultés qu’elle m’imposait.

Et je voulais à tout prix réussir, de la même façon que je me devais d’atteindre l’Europe et cela à tout prix. Car autrement, il me faudra bien malheureusement accepter mon sort, capituler sans se battre et tout simplement sombrer dans les ténèbres, dans l’obscurantisme, dans la souffrance, dans la pauvreté et dans la misère, tout comme la majorité des populations pauvres et démunies dans bon nombre de pays de par le monde. Je me devais de prendre ma vie et mon destin en main, en y devenant le maître absolu et même mon si jeune âge ne pourra me l’en empêcher, sachant que j’avais avec moi et à mes côtés, mon innocence et mon insouciance comme forces, tandis que mon ignorance risquait bien de m’emmener droit au mur. Mais toujours était-il qu’après avoir eu à peser le pour et le contre, moi la jeune Rose la Makandaise, je décidais bon gré mal gré de me jeter à l’eau, confortée par le fait que je n’étais point la seule à rêver de l’Europe, de sa belle vie et de ses avantages. C’est en effet réconfortant pour moi de savoir que je n’étais point malade et encore moins une obsédée de l’Europe, sachant qu’en Afrique, nombreux sont les parents qui croient avec la plus forte et ferme des convictions, en une Europe eldorado, sans pauvres, sans la moindre souffrance ni misère, au point de tout simplement finir par vendre tout ce qu’ils avaient de plus cher, parcelle de terrain, maison, voitures et bien plus encore, dans le seul but de faire leurs enfants à destinations de l’Europe ou encore des États-Unis. Et sur les épaules de ces derniers, se reposeront tout leur avenir, toutes les charges et tous les espoirs nourris par la famille. Telle demeure ainsi la pression sur les épaules de quelqu’un qui rappelant-le, n’avait aucune connaissance de ce sera sa vie une fois arrivé à destination et donc par conséquent en Europe, non sans oublier que c’est souvent une fois arrivé sur place, que ce dernier après s’être enfin confronté au fameux mur du réel, prendra soudain l’ampleur de cette pression énorme qui peu à peu le rongera au plus profond de son être, au point d’occasionner sa perte. Mais toujours était-il que l’homme propose et Dieu dispose. Et je me devais de proposer à mon tour, afin que le bon Dieu ne dispose enfin et à sa façon, d’autant plus que je n’avais point à imposer à mes chers parents la lourde peine de se séparer de l’unique parcelle et maison qui ne faisait point de nous des sans-abris.

Au moins, ils avaient un petit chez- eux, un endroit dans lequel ils pouvaient poser leur tête une fois la nuit tombée. Et c’est plutôt forte de cette réalité-là, que je décidais de m’en aller, tant rien que le mot Europe me faisait frissonner de peur mais également de bonheur. Et en parlant de peur, j’aurai mieux fait d’écouter ce que me disait mon cœur, plutôt que de suivre mes rêves et mes émotions qui comme vous le savez, m’ont emmené droit dans le ventre de la Méditerranée. Dans ce tout nouveau monde qui venait de s’imposer à moi et dans lequel j’étais désormais réduit en silence et cela pour toujours, non sans se demander si oui ou non je n’aurai moi également mes noces funèbres. Si jamais un beau prince charmant se présentait un beau jour, pour me libérer enfin de ce fameux monde des morts, ou encore si jamais je serais dans l’obligation de me transformer en une éblouissante sirène des eaux, afin d’espérer avoir le baiser d’un prince qui comme le dit certaines légendes, me ramènera à la vie, dans ce fameux monde des humains que j’estime avoir quitté bien plus tôt. Mon esprit, mon âme ne cessais donc de rêver dans son errance, dans son égarement et dans le silence auquel elle se trouvait réduite et à tout jamais, tandis que tout au fond de la grande bleue, gisait mon corps inerte. Et je ne cessais de me souvenir dans mon errance et dans mon silence, du fait que je n’avais qu’un niveau BEPC. Et bien que limitée dans mes études, ambitieuse et intrépide, je ne désarmais point, motivée à l’idée de m’en sortir et cela coûte que coûte, quitte à vendre au grand sorcier du coin un bout de de mon doigt.

Raison pour laquelle je ne cessais de rêver et de frissonner rien qu’en entendant le mot Europe. L’Europe qui en retour, me redonnait au fil des jours, des semaines et du temps, la force de me battre et surtout de l’espoir et le courage de m’accrocher à la vie, malgré la pauvreté et les difficultés. Je m’accrochais donc ainsi à ce petit bout de rêve qui me permettais de m’évader de temps en temps, sans pour autant savoir s’il se réalisera un jour. Sans pour autant savoir si mon petit pied de jeune adolescente foulera un jour la terre que j’estimais bénie plus que partout ailleurs dans le monde, de l’Europe. L’espoir faisant vivre, j’avançais donc ainsi bon gré mal gré, dans un monde peuplé de requins et dans lequel je ne serais bientôt plus qu’une proie, une victime, une jeune fille adolescente sans défense et à la merci de tous, avant de me retrouver dans le ventre de la bête, dans les profondeurs même de la Méditerranée. Mais il n’empêche que pour la petite histoire, motivée par mon audace, mes rêves de gosse, mes ambitions, mon insouciance et mon innocence, je décidais il y a quelques années de cela après mille et une réflexions, de partir de chez moi, de chez mes parents et de me lancer dans une aventure des plus folles au monde. L’Europe à tout prix dans la tête, je fonçais alors un beau jour tête baissée, aussi bien dans l’inconnu que vers l’inconnu. L’amour développé par moi pour l’Europe ne me quittait plus, à tel point que nuits et jours, je me sentais autant portée par mes rêves que par la douce Europe qui telle ma pauvre mère, me caressait une fois la nuit venue. Vous l’aurez compris que j’avais en quelque sorte remplacer ma pauvre mère par l’Europe. Mais que pouvais-je faire face à un tel amour, une telle passion ou obsession, d’autant plus qu’elle se révélait douce et bienveillante, du moins avant que la Méditerranée ne me dise son dernier mot. Avant que la maudite mer ne me fasse comprendre le fait qu’elle comptait aussi dans l’histoire et que je me devais de frapper à sa porte afin d’espérer pouvoir atteindre enfin ma douce Europe.

Mais cependant, pour ne pas avoir vu les choses ainsi, j’avais vite fait de foncer tête baissée vers l’inconnu, toujours aussi confiante, innocente, forte et sûre de moi, tant le fait de m’attarder sur mes difficultés quotidiennes m’empêchait non seulement de vivre mais également de voir au-delà même de toutes ces difficultés, afin d’apprécier la vie à sa juste valeur. Sur l’Europe, j’y avais fondé tous mes espoirs, non sans oublier qu’une fois les difficultés surmontées, il se pourrait que je rentre enfin le bonheur tant attendu et la vie tant espérée. Et du reste du monde je m’en fichais tout simplement, du moment où c’est l’Europe que je souhaitais atteindre, tout en espérant y avoir une toute nouvelle vie, sans pour autant savoir que c’est encore et toujours dans l’inconnu que je me lançais, sans pour autant oser jeter un petit regard en arrière. En effet, regarder de temps en temps en arrière m’aurait peut-être sauvé la vie, même à vrai dire, si je n’en sais absolument rien, à chacun de nos putains de vie sur terre, suffisait une peine. J’avais peut-être pour destin de mourir noyée, ensevelie, retenue prisonnière dans les profondeurs insondables de la Méditerranée. Mais il n’empêche qu’il y a quelques années de cela, je décidais de me battre de toutes mes forces pour m’en sortir, pour mon bonheur, mais également pour le bonheur de ma pauvre petite famille, quitte à y laisser ma vie, quitte à vivre dans la clandestinité pendant une bonne partie de ma vie, dans un pays de droit, dans un pays européen dans lequel, l’accès à son sol nécessitait ou exigeait la présentation d’un visa.

Mais vous en conviendrez avec moi que tant qu’il y a de la vie, il y aura de l’espoir. Et il me fallait voir au-delà même de mes limites, pour ne pas avoir à capituler face au moindre petit problème. Plus les jours s’écoulaient et plus de nombreuses idées ne cessaient de traverser jour et nuit, aussi bien la tête que l’esprit de la jeune héroïne que je pensais et croyais être. Et j’avais vite fait de me lancer dans la mise en œuvre et dans l’exécution de mon incroyable aventure à venir, non sans oublier de me mettre dans la peau d’une Wonder Woman ou encore d’une amazone, sachant que qui veut aller loin, ménage sa monture. En effet, je me devais de me consolider et de me réconforter entant que la jeune femme que je devenais au fil des jours et du temps, afin de pouvoir si possible, faire face à toutes difficultés, mésaventures, sévices et malheurs qui pourront survenir, relatifs à cette incroyable aventure que je m’apprêtais à vivre, ou disant à affronter. Sachant pertinemment que je n’étais point un homme et qu’une fois seule, sans défense et à la merci de tous, je ne devrais plus compter sur « l’union fait la force » qui régnait depuis toujours au sein de tous les membres de ma petite famille, mais plutôt sur moi-même. Car en effet, autant je m’apprêtais à foncer tête baissée vers l’inconnu, autant je m’apprêtais à mettre le doigt sur la différence, à sauter à pieds joints dans un monde différent du mien, dans un monde qui se révélera difficile au point de tout simplement changer ma vie, en bien comme en mal. Et mon esprit, mon âme ne cessait de saigner, notamment quand j’y repensais, non sans savoir ce qui me restait à faire à présent que j’étais morte, mais spirituellement toujours présente au-dessus de la grande bleue, méditant encore et encore, non sans oublier d’attendre mais en vain, cette fameuse lumière vive que nous sommes tous censés voir une fois passer l’arme à gauche. Cette mystérieuse lumière ou porte de sortie qui ne se présentait guère à nous les damnés de la Méditerranée, au point de tout simplement nous condamner à errer çà et là sur terre, avec les ténèbres comme seules alliées, mais sans pour autant que nous parvenions à atteindre aussi bien l’enfer que le paradis.

Même le diable ne voulait visiblement point de nous dans ses locaux ou prisons infernales, car n’ayant jamais vu autant de pauvres âmes humaines en souffrance. Des pauvres âmes damnées qui avaient chacune une histoire de vie empreint de souffrances, de barbaries, de tortures, de malheurs, de sévices et de supplices en tous genres. De pauvres âmes humaines qui à défaut d’avoir vécu comme tout le monde, n’auront fait que survivre, dans cette jungle qui avait bien malheureusement fini par avoir leur peau. Et dommage de vous le dire, car moi la pauvre Rose la Makandaise, je faisais désormais partie de tous ces damnés de la nature. De tous ces hommes, ces femmes et ces enfants qui meurent au fil des jours, des semaines et du temps, dans le silence et dans l’indifférence la plus totale. Et le comble dans l’histoire, demeure bien le fait qu’il y avait bel et bien des coupables, des faiseurs de riches et de pauvres à qui s’en prendre, mais que malheureusement pour des gens comme moi, je ne devais m’en prendre qu’à moi-même, non sans oublier de pleurer au nom de la pauvreté. Car en effet, dans cette vie de misère et comme la plupart des jeunes filles pauvres de mon âge, j’avais connu assez tôt les hommes. Je n’en suis point fière, mais il me fallait survivre et subvenir à mes besoins dans ce bas monde, cette jungle des plus horribles et impitoyables. Que faire en effet, sachant que c’est la plupart du temps, le chemin emprunté par bon nombre de jeunes filles adolescentes et de jeune femmes extrêmement pauvres et défavorisées, pour pouvoir survivre, non sans oublier de satisfaire ainsi à certains de leurs besoins capitaux.

La vie comme nous ne l’ignorons point, appartient au courageux, tout en sachant en parallèle, que qui ne risque rien, n’a rien. Et j’avais vite fait de tout risquer y compris ma vie, pour ne récolter que la mort. Une mort par noyade, la plus horrible que je ne pouvais l’imaginer. Mais il n’empêche qu’avant que la mort n’arrive à moi, il m’a fallu surmonter bien des épreuves, en commençant notamment par voir la réalité en face. Cette réalité qui me rappelait bien malheureusement le fait qu’étant pauvre, j’étais plus ou moins condamnée d’office à vivre dans la clandestinité en Europe et plus particulièrement en France ou le pays de mes rêves. Et mes dix-huit ans avait vite fait de me retrouver dans cette vie de misère, de souffrance et d’aventure, loin de mon Congo natale et plus précisément au Gabon, le tout premier pays africain que j’ai eu à visiter, dans le cadre de mon voyage vers l’Europe. Et ce voyage entrepris il y a quelques mois déjà, était censé m’emmener à parcourir, à traverser plus de la moitié du continent africain, afin d’atteindre le nord du dit continent, sans pour autant savoir que dans ces contrées éloignées, à commencer par la Libye, le racisme y était encore et toujours aussi présent et qu’elle n’était et ne sera aux yeux de certains, qu’une merde, qu’une esclave, pour ne pas dire une femme et une personne de couleur. Sans pour autant savoir le fait qu’elle aura beau fait de leur montrer son si beau visage et chanter avec sa plus belle voix, mais ces derniers ne verront rien de cela, à part sa belle couleur de peau. Car en effet, noire était la couleur de ma peau, mais noir était aussi ma vie, mes racines, mon passé, pour ne pas dire l’histoire de mes chers ancêtres emprunt au racisme, à la xénophobie, à la négrophobie et à l’esclavage. Mais il n’empêche que motivé aussi bien par l’idée de m’en sortir que par l’envie de vivre et de découvrir, je m’étais lancée dans l’aventure sans arrière-pensées, d’autant plus que j’ignorais tout de ce qui se passait là-bas, de l’esclavage qui y avait été rétabli, notamment en Libye. Je demeurais donc par conséquent, toujours aussi motivée à l’idée de traverser l’Afrique du centre vers le Nord en passant par l’ouest, afin de me rendre en occident.

De pays en pays, de ville en ville et de frontière en frontière, je m’engageais à faire l’aventure, afin de rejoindre soit l’Algérie, le Maroc ou encore la Tunisie, pour ensuite chercher à rejoindre l’Europe à tout prix et plus précisément la France. Et c’est au nom de l’espoir et sur les bases d’un tel plan ou projet, que je quittais il y a quelques années mes terres, mon Congo natal, pour me retrouver ainsi dans une grande aventure sans pareil à travers le continent africain, bravant tous les dangers possibles pour pouvoir atteindre l’objectif auquel je m’étais fixé à savoir, l’Europe à tout prix, sans pour autant se douter que ce chemin glissant sur lequel je venais de m’engager et plutôt censé me mener vers le bonheur, n’était en réalité qu’un impitoyable gouffre dans lequel je m’enfonçais un peu plus chaque jour et qui au passage, me réservait bien des surprises et des dangers en tous genres. Mais cependant, avec de l’ambition, de la persévérance, du courage et de la conviction, j’y arriverais peut-être, car comme on dit le plus souvent, lorsqu’on veut on peut et lorsqu’on cherche, on finit toujours par trouver. Et pour ce qui était de trouver, j’avais vite fait de comprendre le fait que depuis bien des années d’une aventure aussi passionnée qu’acharnée, je ne cherchais rien d’autre, si ce n’était la mort. Que je venais de passer la plupart de mon temps à chercher non pas la vie mais la mort. La mort que je venais bien malheureusement de trouver ce fameux jour-là dans les profondeurs mêmes de la Méditerranée, après avoir eu à toucher du bout des doigts le trophée qu’était à mes yeux, le très célèbre continent européen.

Seul le bon Dieu connaît mon destin et vous m’en direz tant, mais il n’empêche qu’au bout, c’est la mort, les ténèbres, l’enfer et une vie d’errance qui m’y attendaient dans les eaux profondes de la Méditerranée, contrairement à ma douce et belle Europe. Tout avait pourtant si bien commencer au Congo, avant que la nature ne s’en mêle et que ma route, mon destin ne se retrouve soudain lié et à tout jamais à celui de la Méditerranée, bien malheureusement pour moi. Et dans cette toute nouvelle vie d’errance dans laquelle mon esprit ou encore mon âme ne trouvait de refuge nulle part, je ne cessais de penser à tous ceux qui comme moi, demeuraient toujours autant habités par un esprit d’aventure, de découverte et de culture, mais aussi et le plus souvent par un éminent sentiment de paresse et d’une vie facile, comme quoi en Europe, il ne suffisait qu’à claquer des doigts pour que le bonheur ne nous tombe enfin sur les bras. Et à voir un peu plus chaque jour tous ces morts, tous ces cadavres ensevelis sous des tonnes et des tonnes d’eau et enfin toutes ces pauvres âmes qui ne cessaient de rejoindre notre équipe des damnés de la Méditerranée de plus en plus célèbre, je n’avais point des mots, notamment quant à la douleur éprouvée par moi à ce moment-là. Et cette terrible douleur en plus de me terrasser, me renvoyait à cet effet sur la figure, en plein sur le visage, mon impuissance et mon incapacité à pour révéler aux autres, pour ne pas dire au monde entier, le triste sort qu’était le nôtre. Ce triste sort qui au fil des jours, me donnait bien malheureusement l’impression de nous être réservé, nous migrants du monde en général et de l’Afrique subsaharienne en particulier. Car en effet, pendant que certains dorment sur des millions partout de par le monde, tandis que d’autres qui n’auront rien connu de sérieux et de réconfortant dans leur triste vie sur terre, si ce n’est la misère et la pauvreté, meurent à présent comme des chiens dans le ventre même de la Méditerranée, dans l’espoir de rejoindre l’Europe, afin d’avoir une vie qu’ils espère bien meilleure, alors qu’elle se révèle être le plus souvent bien pire que la vie qu’ils auront eu à laisser chez eux en Afrique. Mais toujours est-il que la vie des hommes demeure faite d’immigration. L’immigration qui à son tour, oblige les hommes de la terre, notamment par instinct de survie, à partir à la rechercher et à la conquête des terres bien plus propices et fertiles pour leur survie.

Mais cependant, d’après tout ce qui se passe de nos jours, d’après tous ses morts dans l’insondable mer Méditerranée, peut-on parler d’instinct de survie, ou encore de la bêtise humaine, d’un risque plus ou moins inutile, sachant que pour la plupart de ceux qui s’adonnent à la dangereuse traversée de la Méditerranée, il n’y a point d’urgence absolue. Car, à ce que je sache, l’Afrique entière n’est pas en guerre. Alors, pourquoi autant de départ vers le continent Européen ? Pourquoi un tel désamour pour le peuple africain, de l’Afrique, de ce continent qui bon gré mal gré, leur rend autant fier par son extrême richesse, par sa beauté, sa diversité, par son sous-sol, par son faune et sa flore et autant méprisé dans le monde, de par son extrême pauvreté, de par son histoire le plus souvent associé à l’esclavage et enfin par son monde sous-développé. Oh toi ma belle Afrique, quand te relèvera-tu géante ou encore colosse aux pieds d’argile, car d’apparence puissante, tu demeures malheureusement fragile en réalité. Et comme si tous ces problèmes ne te suffisent point, nous tes fils et filles avons bien malheureusement choisis de te trahir un peu plus chaque jour, en t’abandonnant à ton triste sort, plutôt que de lutter ensemble et à tes côtés, afin de t’aider à te relever et à te hisser au rang des plus puissants de ce monde.

Oh que oui j’ai mal. J’ai très mal pour toi, pour tous ces dirigeants qui te trahissent au fil du temps, en te vendant morceau par morceau au plus offrant, tandis que la grande majorité de ta population plutôt connue pour être l’une des plus pauvres au monde, n’aura guère d’autres choix que celui de suffoquer ensemble avec toi, non sans oublier d’aller se donner volontairement la mort dans les profondeurs de la Méditerranée et cela dans l’espoir de rejoindre le continent européen pour une vie qu’elle espère meilleure. Mais cependant et bien malheureusement, tout comme bon nombres de tes fils et filles, moi la jeune Rose la Makandaise, j’avais également choisi il y a quelques années de cela, de t’abandonner à ton triste sort, afin d’épouser le très célèbre continent européen et la vie de rêve dont il ne cessait de nous vendre. Mais il n’empêche que je te devais tout et que c’est sur tes terres que j’ai eu à vivre des aventures tout aussi troublantes, émouvantes, pleines de passion et de souffrances, tant il a fallu que je te traverse du centre au nord en passant par l’ouest. Et ma vie dans tous les pays africains traversés, n’aura guère été de tout repos, même si rappelant-le, je ne pouvais espérer mieux concernant la facilité de circulation entre les pays africains qui à mon sens, avait constitué un plus il y a quelques années de cela, dans ma vie, dans mon histoire et dans mon parcours des plus historiques dans la plupart des pays visités. Et c’est avançant pas à pas à travers l’Afrique, c’est en effectuant bon nombre de voyages ou aventures dans différents pays que je m’approchais peu à peu de mes rêves, ou du moins c’est l’impression que j’avais. Car en effet, frontière après frontière, je progressais au fil des jours, dans cette quête de bonheur qui bien malheureusement me mènera droit à la mort. Quelle triste fin en effet pour l’intrépide jeune guerrière que je suis. Mais cependant, pour qu’il y ait une fin, il faut qu’il y ait un début. Et c’est la raison pour laquelle je me vois contrainte de vous parler de moi, de la jeune guerrière que je fus et ce dans les moindres petits détails. Car, quoi qu’est pu se passer à la fin, il me faut avant tout vous narrer ce que fut ma vie, mon histoire et mes aventures dans chacun des pays africains visités par moi, avec comme seul et unique objectif, l’Europe à tout prix. Et l’on se basera dans ladite histoire, sur le côté plutôt possible des choses. Sur des frontières qui peuvent être traversées aussi facilement sur le continent africain que difficilement sur le continent européen et enfin sur le fait que toutes les formalités administratives présentes et les conditions réelles à respecter autorisant un accès et un séjour légal, normal dans les différents pays africains traversés ont tout simplement été ignorés par moi. Nous resterons donc par conséquent sur la base du possible, car en l’absence des lois établies dans différents pays afin de limiter le déplacement des hommes dans le monde, la circulation des hommes sur la terre demeure cependant possible d’un endroit à un autre.

Ainsi, mon incroyable aventure à travers l’Afrique il y a quelques années de cela, m’avait ainsi amené à quitter mon Congo natal, avant de franchir les frontières du Gabon, de voyager ensuite vers le Cameroun, de traverser le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger et enfin pour terminer, l’Algérie, le Marco ou encore la Tunisie, là où la traversée vers l’Europe se révélera propice et sans danger pour la jeune femme que je devenais au fil du temps. Et dans chacun des pays cités ci-dessus, je me confrontais à chaque fois à une toute nouvelle vie à laquelle je me devais de m’adapter, notamment pour des raisons de survie et d’obligation et tout cela dans le but d’atteindre l’Europe dont la France. C’est donc munie d’une carte pas très commode du continent africain dans son ensemble, que je décidais ce fameux jour-là dans mon Congo natal, de suivre mon cœur, de faire confiance à mon destin, d’avoir enfin foi en la vie et pour finir, de tracer mon chemin, de construire mon avenir brique après brique et frontière après frontière, via une aventure, un voyage des plus longs au monde, par voies aussi bien terrestres que fluviales. La possibilité d’entrer illégalement dans chacun des pays cités plus haut, m’avait donc ainsi conforté dans l’idée de quitter mon Congo natal, afin de rejoindre si possible le continent européen, tout en sachant que d’une certaine façon, rien ne m’était impossible, les lois étant établies par les hommes dans chacun des pays et restent donc par conséquent modifiables.

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