Partie VI [Spoil/Final] - 2 - Lutte psychique Karel/Serymar

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[SPOIL FIN]

Lorsque Karel reprit connaissance, il ne sentait plus son corps. Il avait donc réussi à pénétrer dans l'esprit du demi-dragon.

Le jeune homme se releva et testa quelques pas, toujours un peu perturbé de se retrouver dans un grand espace vide et sombre, sans aucun indice pour repérer un éventuel sol et des murs. Il avança prudemment dans le silence le plus total, complètement coupé de l'extérieur. Karel était surpris d'avoir réussi à tel sortilège, normalement hors de son niveau. Enfin. Le plus difficile restait à venir.


Au bout d'un moment, il vit une faible lueur plusieurs mètres devant lui. Plus Karel s'en approcha, et plus il put distinguer la silhouette familière de Serymar. Il lâcha un léger soupir de soulagement. S'il retrouvait l'esprit de son ancien Maître sous cette forme, cela signifiait qu'il n'était pas encore tout à fait condamné, contrairement à ce qu'avait insinué Illuyankas.

Karel décida de se montrer prudent. Exactement comme dans la Forêt du Vent, si jamais son esprit se faisait blesser, il en ressortirait avec de graves séquelles dans le monde physique, et peut-être même en mourir. Pour autant, Karel se sentait incapable d'abandonner. Pas si près du but. Pas après avoir provoqué cette situation.

Se trouvant dans un monde spirituel, il pouvait donc "parler". Peut-être pas vraiment de manière distincte en remuant les lèvres comme il le fallait, mais ses pensées pouvaient s'entendre comme s'il disposait d'une véritable voix. Alors il tenta prudemment, en restant à bonne distance :

  • Maître ?

L'hybride se retourna pour lui faire face. Karel resta pendant un instant figé par ce qu'il vit : l'expression de Serymar était méconnaissable. Plus aucune attitude agressive, seulement une expression marquée par l'épuisement et le désespoir.

Karel se rappela dans quelle dimension ils se trouvaient. Dans le monde spirituel, il était impossible de mentir et de cacher quoi que ce soit, contrairement à la dimension physique. Ici, il n'y avait plus aucun masque, surtout après avoir subi un énième désespoir.

Le jeune homme resta figé sous le choc pendant quelques secondes encore, peu habitué à voir son ancien mentor ainsi.

  • Va t'en, lui ordonna Serymar d'une voix résignée. C'est dangereux pour toi ici. Je... je te tuerai si tu te condamnes avec moi.

Décidément habitué à répondre par les gestes, Karel avança d'un pas pour toute réponse.

  • Sors d'ici, répéta le Mage.
  • Sinon quoi ? défia Karel, vous n'avez aucun pouvoir ici.

Serymar lui jeta un regard glacial. Il fit apparaître soudain une épée dans sa main et attaqua Karel qui esquiva de justesse :

  • Il reste le pouvoir de la volonté, gronda le Mage, aurais-tu oublié cette leçon, mon cher Apprenti ? L'avantage ici est que je suis au moins libéré de mes entraves physiques. Alors maintenant, sors de mon esprit avant je ne le fasse moi-même !

Karel prit note et imagina avoir sa propre épée, juste à temps pour parer un autre coup violent de la part de l'hybride. D'un regard déterminé, il répliqua à nouveau :

  • Non.

Karel esquiva de justesse une feinte de la part du Mage. Ne pouvant plus se téléporter, il s'éloigna autant que possible de son adversaire et cria :

  • Je ne renoncerai pas !
  • Laissez-moi mourir en paix ! hurla le Mage en l'attaquant à nouveau.

Karel pivota et esquiva. Il dut bondir vers l'arrière pour éviter un coup qu'il sentit lui frôler son épaule. Serymar abattit à nouveau sa lame vers lui et Karel para vivement le coup. Il sentit l'emprise de l'esprit de Serymar essayer de le contraindre. Karel grimaça sous la pression et se concentra afin de lutter contre cette attaque spirituelle.

L'indignation et la colère le saisirent en comprenant par cette simple phrase qu'une fois encore, Serymar l'avait manipulé. Karel lui envoya un regard lourd de reproches et s'écria :

  • C'était donc ça, quand vous m'aviez assuré que vous survivriez ? En réalité, c'était dans l'espoir de mourir véritablement ? Comment avez-vous osé me pousser à faire une chose pareille ? Comment pouvez-vous vous montrer aussi égoïste !

Le regard draconique de Serymar se chargea d'une colère profonde, à laquelle Karel n'avait jamais été confronté. Le jeune homme sentit l'emprise se relâcher légèrement, signe que l'esprit de Serymar faiblissait à nouveau. De rage, il le harcela d'attaques en reprochant toujours de manière aussi violente :

  • Des paroles dignes d'une personne disposant de cette chance ! Evite de me faire la morale sans savoir !

Karel roula sur le côté pour éviter de se faire transpercer et para un autre coup encore plus violent que le précédent alors que Serymar s'écria avec violence :

  • Cette vie n'a que peu d'intérêt ! Elle n'en a jamais eue ! Je n'ai jamais eu ma place en ce pays ! Chaque fois que j'ai osé tenter de m'en faire une, je l'ai payé très cher ! Les Dragons m'ont trahi, ils m'ont condamné à un vide pendant 100 ans sans accès à rien, j'ai perdu Syriana et ma fille, et aujourd'hui, alors que mon corps a encore été torturé comme jamais il ne l'a été, la Mort a encore l'indécence de me refuser, me condamnant pour l'éternité à la souffrance !

Karel essaya de renforcer sa volonté afin que son arme imaginaire ne puisse pas voler en éclat sous ce déchaînement de désespoir. Il profita de ce court répit pour mettre une distance raisonnable entre eux et se relever. Le Mage lui jeta un regard noir et cracha :

  • Me voilà désormais condamné à être prisonnier de mon propre corps. Comment pourrais-tu comprendre ?

Cette fois, Karel lui répliqua avec animosité :

  • Je suis muet ! Je sais parfaitement ce que c'est que de se sentir prisonnier à l'intérieur de soi-même ! J'ai bien failli ne jamais m'y faire après ce que vous m'aviez fait à ce sujet !

Cette fois, Karel puisa dans sa colère et sa frustration pour étendre sa propre emprise et obliger Serymar à lutter contre lui. En temps normal, Karel n'aurait jamais eu le dessus sur lui. Mais aujourd'hui, face à l'esprit brisé de l'hybride, il avait toutes ses chances.

  • Vous ne vous rendez vraiment pas compte du mal que vous provoquez ! enragea-t-il, Elma serait dévastée si vous preniez ce chemin !
  • Elle s'en remettra ! Plus jamais je ne me soumettrai aux bons vouloirs des autres !
  • Vous ne voyez vraiment rien ! assena rudemment Karel, contrairement à ce que vous pensez, il y a des personnes qui tiennent à vous dans ce pays, mais vous avez tellement peur d'être trahi que vous repoussez tout le monde !
  • Chaque fois que j'ai accordé ma confiance, j'ai été trahi !
  • Non, pas à chaque fois ! contra vivement Karel, c'est faux ! Valkor vous a recueilli, instruit et protégé ! Il a été dévasté le jour où il a pensé que vous étiez mort, peu avant la malédiction des Dragons ! Cent ans plus tard, vous avez été libéré malgré-vous de cette dimension horrible et c'est Roan qui vous est venu en aide en toute bienveillance ! Il ne vous a jamais trahi, à ce que je sache ! Au contraire, il m'a même raconté du bien de vous parce que vous avez sorti son village de la misère ! En dépit de ses erreurs à votre égard, Syriana vous aimait, elle était même prête à construire un nouvel avenir avec vous et ce bébé !

Serymar fulmina de colère et de douleur :

  • Je t'interdis de parler d'elles !
  • Elma ne vous a jamais trahi ! hurla Karel plus fort encore, au contraire ! Elle s'est dévouée corps et âme pour vous venir en aide ! Et malgré ce que vous lui avez fait pour tenter de la protéger, elle a encore pris tous les risques pour vous aider à affronter ces monstres alors qu'ils vous avaient touché ! Quand est-ce que vous conduirez comme elle le mérite ?
  • Tais-toi... tu ne sais pas de quoi tu parles ! Je méritais peut-être bien des choses, mais certainement pas cette agonie liée à la perte de Syriana et de notre fille ! C'était la seule chose que je ne méritais pas !
  • Ah oui, parce que vous aviez mérité de subir le destin injuste de naître comme un bien public ? le provoqua Karel.
  • Va t'en, Karel.

Le jeune Sorcier se redressa de toute sa hauteur et le fixa sans démordre. Il s'entêta :

  • Pas sans vous.
  • Il en est fini de moi, Karel. Je ne maîtrise même plus mon corps. Celui-ci a été détruit et transformé. Je te conseille de sortir d'ici, ou tu risques de mourir avec moi.
  • C'est trop facile ! s'emporta vivement Karel, je sais que vous avez vécu déceptions sur déceptions plutôt lourdes, mais aujourd'hui, cet homme n'est plus ! Son monstre non-plus ! Les Dragons n'ont plus aucune raison de vouloir votre disparition ! Comment pouvez-vous infliger cette peine à toutes les personnes qui vous ont soutenue et qui tiennent à vous ? Vous n'avez pas le droit de vous montrer aussi égoïste ! Encore moins maintenant que vous pouvez enfin avoir la chance d'apprendre à vivre sans toutes ces horreurs !
  • Je n'ai rien à faire ici. Il est temps d'écouter les signes. Je n'ai jamais eu ma place en Weylor.

Karel fit silence, ne sachant plus quoi faire face à une âme aussi désespérée et abattue. Difficile de se sortir de presque trois cent ans d'une vie semblable à la sienne. Il soupira et finit par déclarer :

  • Maître. Je vous pardonne.

Serymar le regarda étrangement :

  • Je te demande pardon ?
  • Je vous pardonne, répéta Karel en le regardant droit dans les yeux.

Karel se sentit étrangement calme et plus léger, tout à coup, suite à cette déclaration. Jamais il n'aurait cru en être capable un jour. Pas après tant d'années à lui en vouloir.

Le Sorcier s'avança vers Serymar, dont des fissures lumineuses commencèrent à parcourir sa forme spirituelle. Karel lui tendit la main :

  • Je vous en prie. Saisissez cette chance. Cette fois, c'est réellement la bonne. Vous n'avez pas le droit de disparaître comme ça. Cela fait des années que Roan attend de vos nouvelles. Cela fait des années que Valkor se reproche de ne pas avoir été à la hauteur pour vous, de ne pas avoir pu être là au moment où vous aviez le plus eu besoin de lui. Elma est effondrée de vous voir dans cet état, elle se reproche encore d'être impuissante et est convaincue qu'elle n'en a pas assez fait pour vous aider. Et... c'est égoïste de ma part, mais je refuse d'avoir votre mort sur la conscience.
  • Tu n'as pas à te le reprocher. Comme tu l'as deviné, je t'avais manipulé en ce sens.
  • Peu importe. Vous ne m'imposerez pas ça. Cette Prophétie nous a déjà fait beaucoup de mal. Je refuse de devenir cet assassin mentionné dessus. Je ne le supporterai pas. Alors je vous en prie... autrefois, vous m'aviez tout appris. Aujourd'hui, il est temps que vous appreniez à vivre réellement. Vous n'êtes pas seul. Nous sommes plusieurs à vouloir vous aider à aller dans ce sens. Vous avez bien plus à apporter à ce monde que ce que vous pensez.

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