Toc toc

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Tu es dans ta chambre. Tranquille, pour une fois. Pas un bruit dans la maison, tu peux faire tout ce que tu veux, sans conséquences. Écouter la musique à fond, jouer à « Legends of Hell » sans entendre personne râler sur la violence des jeux-vidéo, mettre cette émission que Maman déteste ou tout simplement rester là, posé. Personne pour te demander si t'as fait tes devoirs. Le pied.

Tu feuillettes un magazine, d'ailleurs, en ce moment. Le genre qu'on préfère être seul pour regarder, si tu vois ce que je veux dire. Et tu préférerais donc ne pas être dérangé avec ce genre de lecture dans la main, et surtout pas par tes parents.

Pas de bol.

Parce qu'on vient de toquer à la porte de ta chambre. Des coups légers, comme indécis ou craignant de déranger.

Ça t'énerve tout de suite. Qui que ce soit, il a mal choisi son moment. Tu t'apprêtes à dire « entrez » pour voir qui a osé te déranger dans un moment pareil, histoire de lui envoyer une réplique bien sentie dans les dents. Tu as laissé ta porte fermée par habitude mais là tout de suite tu ne le regrettes pas car tu vas pouvoir te défouler.

Tu te retiens juste à temps. Tu viens de te souvenir que personne n'a pu frapper à ta porte. Tu es seul dans la maison, la porte d'entrée est même fermée à double tour.

Bref moment d'angoisse. Et puis ça passe et tu te permets de souffler.

T'as sûrement rêvé, c'est la seule explication. Tu as tellement peur de te faire surprendre que ton esprit s'est inventé ça pour te faire peur. Tordu, quand même. Mais réaliste, à bien y penser.

Tu peux te détendre, c'est que ton imagination. Tu te cales de nouveau dans ton lit. De toute façon, il n'y aucune autre raison d'entendre quoi que ce soit, non ?

Tu peux reprendre ce que tu faisais, aucune chance d'être dérangé avant au moins une heure.

Toc-toc.

Cette fois, les coups sont plus forts, plus décidés. Plus de doute, il y a bien quelqu'un derrière cette porte.

Mais non voyons, c'est impossible. Tu fais les comptes dans ta tête : ta mère doit être sortie du bureau à cette heure et elle n'est pas rentrée parce qu'elle doit faire autre chose, du genre des courses, avant d'aller chercher ton petit frère à son cours de flûte, et ton père doit être coincé dans les embouteillages, en train de rentrer du travail.

Il y a personne qui puisse toquer à ta porte dans la maison. Et pas non plus d'animal de compagnie qui en soit capable, les poissons dans l'aquarium en bas ne comptent pas. Alors ?

Tu te retiens d'aller voir. C'est idiot de toute façon. Tu vas ouvrir la porte et tu verras quoi à ce moment ? Rien. Tout simplement parce qu'il n'y a personne, il ne peut y avoir personne.

Donc aucune raison de se lever ou même d'y penser. Fais le vide, oublie.

De toute façon, les adultes ne vont pas tarder à rentrer et la question sera réglée.

Tu vérifies ta montre, encore trois quart d'heure à tenir tout seul. Drôle comme le temps se traîne par moments, hein ? Pile quand tu voudrais qu'il file un peu plus vite.

Tu te replonges dans ton magazine mais le cœur n'y est plus vraiment. Peut-être devrais-tu mettre un peu de musique ? Tu pourrais la mettre à fond, il n'y aurait personne pour se plaindre de la cacophonie.

Va pour la musique. Tu te lèves, hésites devant ta chaîne Hi-fi sur le morceau que tu vas mettre. Mais avant que tu aies pu faire ton choix, ça recommence.

Toc-toc !

Les coups sont encore plus forts. Comme si la personne de l'autre côté de la porte avait utilisé les quatre doigts de sa main pour frapper, au lieu d'un index replié comme avant.

Tu as sursauté, je l'ai vu. Que vas-tu faire maintenant ?

« Il y a quelqu'un ? »

Tu n'es pas rassuré et en même temps tu t'en veux de poser la question à haute voix, je le vois inscrit sur ta figure. Et de toute façon, tu n'as pas grand espoir que quelqu'un te réponde, n'est-ce pas ? Dans les films, le psychopathe dans la maison ne se fend pas d'une élégante répartie du genre « ce n'est que moi, je me fais un sandwich et j'arrive pour te tuer ! »

Non, bien sûr. Et de l'autre côté de ta porte, plus un son, pas de réponse.

Tu as peur donc tu deviens agressif. Tu te dis que quelqu'un te fait une mauvaise blague et comme ça marche, ça t'énerve. Tu te sentirais presque de sortir de ta chambre pour lui faire sa fête.

Presque.

Mais nous savons tous les deux que la situation n'a pas de sens. Quelqu'un qui n'est pas là toque à la porte pour rentrer. C'est impossible, c'est un cauchemar. Tu te pinces, sans y croire vraiment. Évidemment, tu es réveillé.

Et puis tout d'un coup, ça te frappe. Si la chose ou la personne qui n'est pas là se décidait à rentrer ? Elle pourrait se fatiguer d'attendre ta réponse et passer le seuil de son propre chef.

Tu n'y avais pas pensé jusqu'à présent. Et puis tu es coincé. Tu vis à l'étage, si tu décides de passer par la fenêtre, tu te réceptionneras directement sur le gazon. Pas terrible. Tu préfères ne pas en passer par là, sauf si tu n'as pas le choix.

Tu es toujours planté là, hésitant sur la conduite à suivre. Tu voudrais retourner quelques minutes en arrière, quand tu étais bien tranquille. Ne pas avoir à se retrouver tout seul dans cette situation absurde. Sans personne à qui parler.

Ah tu viens d'avoir une idée...

TOC-TOC !

Mais te voilà interrompu encore une fois. Les coups sont encore plus forts, c'est tout le poing qui a été utilisé cette fois. La porte en a tremblé sur ses gonds, tu l'as vue. Et tu commences à te dire que si ça continue, elle ne tiendra plus très longtemps.

Tu as raison.

Tu commences à légèrement paniquer, coincé dans ta chambre. La fenêtre ne te paraît plus une option si déraisonnable que ça, finalement. Tu vérifies fébrilement ta montre. Quelques minutes sont passées, à peine. La porte ne tiendra jamais jusqu'au retour des parents.

Et puis de toute façon, s'il y avait toujours quelque chose quand ils rentreraient ? Qu'arriverait-il alors ? Tu te dois de t'en sortir et de les prévenir, au cas où. Tant pis pour ta fierté s'il n'y avait plus rien dans une demi-heure. Tu passeras pour un clown, ils se moqueront de toi mais ça sera tout. Vous serez tous en vie, c'est le principal.

Parce que tu sens que cette chose veut rentrer et que tu ne dois pas laisser faire. C'est mauvais ce qu'il y a derrière la porte. Un psychopathe, peut-être, un esprit malveillant ou dieu sait quoi encore. Non, tu ne dois pas la laisser entrer ni t'attraper.

Pour ça, tu as besoin d'aide. Tu attrapes ton téléphone et tu appelle ton meilleur pote. Il aura bien une idée sur comment tu dois t'y prendre pour sortir de là. Tu attends, tout en te rongeant les ongles. Une sonnerie, et puis une autre... Répondeur.

Tu ré-essayes. Nouvel échec.

Tu regardes ton téléphone comme s'il avait la réponse. Appeler les parents ? Pas moyen.

TOC-TOC !

C'est sûr, la porte va céder ! Tu as entendu un bruit inquiétant monter des charnières lors des coups. Elle va tomber tout droit, effet mélodramatique, et tu vas voir qui tient absolument à rentrer.

Sauf que tu n'as pas vraiment envie de voir. Tu préférerais l'éviter, en fait.

Ben alors que vas-tu faire ? Tu es tout blanc. Et t'as l'air idiot, planté au milieu de la pièce avec ton téléphone à la main.

Qui n'a plus de batterie d'ailleurs. Et non, je te vois chercher mais le chargeur n'est pas ta chambre. Il est quelque part dans la maison, probablement au salon.

C'est bête. Ton unique lien vers l'extérieur a cessé de fonctionner.

Sauter de la fenêtre alors ? Tu t'approches, tu essayes d'évaluer la hauteur. Au moins cinq mètres, si tu veux mon avis, avec l'étage intermédiaire des toilettes au milieu des escaliers. Si tu décides de sortir par là, il va y avoir de la casse.

Tu as encore quelques minutes pour réfléchir. Les coups, même s'ils sont de plus en plus forts, sont réguliers, la situation a au moins ça de bon.

Mais de toute façon tu es coincé comme un rat dans ta chambre. Tes options sont limitées. Sauter. Ou affronter ce qui rentrera par la porte une fois que celle-ci aura cédé.

Ou tu peux aussi essayer d'empêcher ça. Mettre un meuble derrière la porte, dans les films ça marche toujours.

Tu te précipites sur ta table de nuit, la déplace en un rien de temps. C'est déjà ça. Mais ça ne pèsera pas bien lourd. Il te faut quelque chose de plus massif et les minutes défilent.

Tu t'attaques donc à ta commode. Faisant de la place autour sommairement, tu te mets à pousser. Elle bouge, mais rien qu'un peu. Encore un petit effort, dépêche-toi..

TOC-TOC !

Eh bien, heureusement qu'il y avait la table basse. J'ai cru voir la porte s'entrouvrir, non ?

Le bois de la porte a également pris, on aurait dit que cette fois la chose a utilisé ses griffes vu le bruit de grattement qui a suivi son action. Tu imagines de profondes marques sur la cloison, la seule qui vous sépare. Et qui te semble à présent une protection bien mince.

La prochaine fois, elle s'ouvre, c'est sûr. Si tu veux l'empêcher, tu as intérêt à ce que la commode soit en place la prochaine fois.

Mais tu es conscient de tout ça. Tes pieds dérapent sur la moquette mais tu pousses de toutes tes forces. Tes efforts portent des fruits, le lourd meuble avance vers la porte, lentement. Et puis voilà, il est en place. Tu peux respirer, tu as bien travaillé.

Mais est ce que ça sera suffisant ? Il n'y a qu'un moyen d'en être sûr, le tester en conditions réelles. Ça tombe bien, c'est comme ça que ça marche depuis le début. Un vrai processus scientifique, essai-erreur. Ton père serait fier de toi, s'il te voyait.

A propos, tu es peut-être en sécurité maintenant, mais qu'en est-il de ta famille ? Ils ne vont pas tarder à rentrer, l'un comme l'autre, dans une maison où un être malveillant s'attaque à la porte de ta chambre. Qu'est-ce qui te dit qu'il ne va pas s'en prendre à eux quand il se rendra compte qu'il ne peut pas t'atteindre ?

En plus, tu n'as aucun moyen de les prévenir. Tu t'es coincé tout seul.

En te mettant hors de danger, du moins pour l'instant, tu as coupé toute porte de sortie. Te voilà bien.

Tu regardes anxieusement la porte. Les coups mettent plus longtemps à venir cette fois, non ? Peut-être que la chose a entendu tout ton remue-ménage et qu'elle se demande ce que tu as fabriqué derrière cette porte. On ne sait pas à quel point elle est intelligente, après tout.

Tu t'approches silencieusement de la porte et tu ne t'arrêtes qu'à quelques centimètres. C'est le plus loin où tu oses aller. Et tu tends l'oreille.

Pas un bruit de l'autre côté. Aucune respiration, aucun mouvement qui indique qu'il y a bien quelque chose. Que tout ne se passe pas dans ta tête.

Oh attends ! Je reprends ce que j'ai dit. Tu as entendu ça ?

Tu recules. Tu fais bien car on aurait dit que quelqu'un écoutait lui aussi de l'autre côté de la porte. Qu'il réfléchissait sur la marche à suivre pour t'attraper en faisant les cents pas. Un pas très léger mais quand même.

Pas si bête la chose, finalement.

Que va-t-elle faire ? A-t-elle compris qu'elle ne pourra pas rentrer, quoi qu'elle tente ? Ou bien...

BOUM !

Ou bien elle va tenter de passer en force comme ça. On dirait qu'elle a reculé pour prendre de l'élan et tenter d'enfoncer la porte.

En tout cas, ça secoue et j'ai bien cru qu'elle allait réussir à rentrer ! Je suppose que tu as vu comment la commode a oscillé sous le coup. Tu as même entendu des copeaux de bois tomber de l'autre côté, sous l'impact. Quoi que ce soit, la chose ne fait pas dans la demi-mesure.

Et le pire, c'est que tu ne sais pas si c'est son maximum. Depuis le début, les coups sur la porte sont de plus en plus forts. Si le prochain est encore plus puissant, même avec la commode, la porte ne résistera pas.

Peut-être que le meuble restera en place, et encore ce n'est pas sûr, mais il y aura au moins un trou dans le bois, par lequel n'importe quoi pourra rentrer dans la chambre. Une main pour pousser la commode, des griffes pour tenter de t'atteindre ou tout simplement une fine vapeur dans laquelle se dessinera un visage...

Tu dois sortir de là, plus le choix. Tu ne peux pas continuer à entasser des meubles derrière la porte, cela ne marchera qu'un temps si la chose est vraiment déterminée.

Ce qu'elle est.

Et de nouveau ce bruit, à peine audible, derrière la porte. La créature observe, écoute et essaye d'établir une stratégie pour te faire sortir de ta cachette. Je parie qu'elle va retenter la même chose, essayer d'abattre ta porte. Tu n'as plus beaucoup de temps. Il va falloir prendre une décision.

Tu te rapproches de la fenêtre, du coup. Ça y est, tu t'es décidé ? Il va falloir prendre ton courage à deux mains si tu veux vraiment faire ça.

Vite, ouvrir la fenêtre, jeter en bas des coussins, des habits, tout ce qui te passe sous la main dans l'espoir d'amortir ta chute. Le plus efficace, tu sais, ce serait quand même ton matelas... mais est ce que tu as encore le temps ?

Je te vois au bord de la fenêtre, jeter des regards anxieux vers la porte. A force, tu sais quand la chose va se décider à frapper. Tu as encore une ou deux minutes, mais pas plus. Est ce que c'est bien assez pour ce que tu as en tête ?

Mais tu hésites. Dépêche-toi, tu perds du temps !

Tu te précipites, tu arraches tout sur ton lit et vite, vite vers la fenêtre ! Enjambe le rebord ! Saute, tant pis !

BOUM !

Le choc a été violent, on dirait. Ou alors est ce que c'est la peur qui t'as coupé le souffle ? J'ai l'impression que tu l'as échappé belle.

Et personne n'a l'air de vouloir te suivre. Par la fenêtre de ta chambre, on ne voit pas un mouvement. Et tu es sain et sauf, à peine quelques égratignures. C'est une victoire, bravo.

Tu te relèves, tu te sens bien pour la première fois depuis l'heure qui s'est quasiment écoulée. Tu as vaincu la bête.

Qui est peut-être toujours dans la maison. Tu jettes un regard anxieux vers la porte d'entrée, verrouillée de l'intérieur. Je ne te sens pas très chaud pour retourner là-dedans tout seul. Je crois que tu vas attendre ici le retour d'un adulte. Tant pis pour ta dignité.

Plus longtemps à attendre, en plus. Tu t'assoies sur ton matelas et tu espères que plus rien qui sorte de l'ordinaire ne va se produire. Pas de visage inquiétant par la fenêtre de ta chambre et surtout plus de coups...

Rien de tout cela ne se produit mais tu pleurerais presque de soulagement quand la voiture de ta mère arrive. Évidement tu ne vas pas couper à l’engueulade qui va suivre ni peut-être à une punition, mais à côté de ce que tu viens de vivre, ce n'est pas grand chose.

Et cela ne manque pas. Dès qu'elle te voit, dépareillé, tes affaires éparpillées autour de toit sur le gazon, elle s'inquiète bien sûr, tu le vois, mais elle est également en colère.

D'autant que tu n'arrives pas à lui expliquer ce qui s'est passé. Tes mots sont confus, ta voix tremble. Pas facile hein, de partager une expérience comme celle-ci, non ?

Finalement tu te tais, renonces à expliquer. Tu laisses passer le gros de l'orage en faisant le dos rond, muet.

Et tu retiens ton souffle malgré toi quand elle va ouvrir la porte d'entrée de votre maison. Tu as failli l'en empêcher, la honte t'as arrêté. Et heureusement, rien ne se passe. Tu en presque déçu.

Rien au rez-de-chaussée, en tout cas, mais à l'étage ? Tu n'as pas vraiment envie d'aller voir tout seul.

Courageux mais pas téméraire, non ? J'aurais cru que tu aurais plus de cran maintenant que tu as traversé cette épreuve tout seul. Regarde ton petit frère monter les marches sans aucune appréhension, il n'a pas peur lui !

En jurant, tu t'élances à sa poursuite. Si la créature était encore en haut...

Mais quand tu arrives en vue de ta chambre, tu t'arrêtes d'un coup. Tu n'en crois tout simplement pas tes yeux.

Ta porte est fermée. Et surtout elle est intacte.

Tu t'approches, tu la touches pour être sûr. Pas trace de coups, de griffures, rien du tout.

Et bien sûr pas de monstre à l'horizon.

Cela te fait plus peur que toute l'heure que tu viens de vivre, tu en trembles. Tu te retiens de claquer des dents et tu sens que sur tes joues, quelques larmes se sont perdues.

Tu as inventé ce que tu viens de vivre. Tout. C'est forcément ça. Et cette idée est plus effrayante que n'importe quel monstre dans un placard – ou derrière une porte. Tu perds la boule. C'est la seule explication.

Vite, tu as envie de rentrer dans ta chambre, de t'y réfugier. Personne ne doit voir ce moment de faiblesse.

Mais tu ne peux pas. La porte ne bouge pas quand tu essayes de l'ouvrir. Forcément, tu l'as coincée avec des meubles. Te voilà enfermé dehors, comme la créature de tes fantasmes. C'en est presque drôle.

Tant pis, tu as ton moment de faiblesse contre la porte, où n'importe qui pourrait te voir. Tu t'en fiches sur le moment. Il faut que ça sorte, ça va passer.

Te laissant glisser à terre, tu te sens un peu mieux au bout de quelques minutes.

Et puis tout d'un coup ça te revient. Tu n'y avais pas du tout pensé tout à l'heure, alors que tu étais enfermé, à tourner en rond avec quelque chose qui te voulait du mal. Ta chambre est adjacente avec celle de ton frère et tes parents (ou l'architecte) ont pensé que ça serait une bonne idée d'avoir une porte communicante entre les deux, histoire que vous puissiez être proches.

Toi tu l'as murée avec un grand poster il y a quelques années, pour qu'il ne vienne pas te déranger. Quelle ironie de l'utiliser maintenant.

Tu es obligé de déchirer l'affiche pour passer mais finalement tu peux enfin entrer de nouveau dans ta chambre. Il n'y fait pas chaud, la fenêtre est toujours ouverte.

A part ça, rien ne sort de l'ordinaire. La plupart de tes affaires reposent sur la pelouse, tu vas devoir les remonter et des meubles bloquent la porte mais à part ça il n'y aucune trace de quelque chose de surnaturel. Tu as bien tout imaginé.

C'est ce que tu continues à te répéter dans les heures suivantes. Et cela te mine le moral. Et tu refuses d'en parler, même quand ton père vient te voir, tentative infructueuse pour te faire parler et comprendre ce qui s'est passé.

Tes parents se font du souci, tu le vois bien, mais que pourrais-tu dire ? Avec un peu de bol, c'était juste un accès de folie passager, pas besoin de t'enfermer. C'est ce dont tu essayes de te persuader, étalé de tout ton long sur ton lit à fixer le plafond.

Et tu es presque parvenu à intégrer cette idée quand tu entends gratter à la porte communicante, non loin de ton lit. Un grattement léger, comme une souris, mais qui encore une fois a l'air tout à fait réel.

Tu te lèves, le cœur battant. Ça recommence, as tu l'air de te dire. J'adore l'air paniqué sur ton visage. L'incertitude entre la folie et la réalité. En ce moment, la frontière entre les deux n'est pas si claire, n'est-ce pas ?

Tu pourrais appeler quelqu'un pour vérifier mais s'il n'y a rien, comme avant ? Ce serait la confirmation que tu perds réellement contact avec la réalité.

Et puis tu viens de te souvenir que tes parents sont sortis. Tu ne sais plus trop pour quoi exactement, une course ou un rendez-vous en amoureux, mais encore une fois il n'y a plus d'adultes dans la maison.

Tu recules. Là encore, tu ne veux pas vraiment affronter ce qu'il y a derrière cette porte, et ce que cela signifie.

Quand tout d'un coup, une voix. Tu entends ton frère qui te demande s'il peut rentrer.

Énorme soulagement, tu manques de tomber. A bout de souffle, tu réponds, bien sûr, il peut venir. Tu es même content de le voir passer sa petite tête dans l’entrebâillement, avec un air gêné sur son visage.

Il a l'air de s'en vouloir d'être là, il sait qu'il n'est pas le bienvenu dans ta chambre. Tu t'en veux en réponse, brièvement. Tu te jures d'être un meilleur grand frère, à l'avenir. Enfin, si tu ne te retrouves pas à l'asile dans peu de temps, bien sûr.

Tu t’accroupis pour être à sa hauteur, le regardes presque avec attendrissement. Puis avec inquiétude, comme tu remarques les émotions qui se bousculent sur son visage, toutes en même temps, la joie d'être là et la gêne. Et surtout la peur.

Dans les yeux de ton petit frère, tu vois la terreur. Comme un écho de celle que tu as ressentie cet après-midi, tout aussi forte.

Tu lui demandes, le cœur serré, ce qu'il y a. Ce qui lui fait peur comme ça. Tout en sachant bien que contrairement à toi, sa peur a l'air d'avoir une cause bien réelle.

Tu espères que tu pourras l'aider, le rassurer. Tu le prendrais presque dans tes bras, là, tout de suite, et ce n'est pas dans tes habitudes.

Mais tout cela s'arrête quand ton frère ouvre la bouche. Aux mots qu'il prononce, tu sens tes entrailles se mettre à geler, ton cerveau se figer, incapable de la moindre pensée cohérente.

Et la peur qui revient, encore plus puissante qu'avant.

« Grand frère, j'ai peur, je crois qu'on vient de toquer à la porte de ma chambre... »

Tu pensais vraiment avoir tout imaginé ? Crois moi, ce n'était que le début...

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