"Hm. Hm,hm. Mam ? Maam ! C'est moi, Miel. Oui. Mam, fais pas ces yeux là, tu me fais peur. Respire ! Caalme toi. Souffle, respire, souffle. Bien, c'est mieux. Chut. Ne crie pas ! noooon ! chuuuut . S'il-te-plaît, Mam, ne crie pas. C'est moi, je te jure, c'est moi !  Regarde je te fais un câlin, des léchouilles. Voilà, calme toi. Je t'en prie, Mam ! Oh oh ! Mam !"

Je ne respirais plus. Je hoquetais. Mon coeur sautait comme un beau diable dans ma poitrine et ma tasse de café, dansait la gigue au dessus de mon plateau. Heureusement elle était déjà vide. Je réussis tant bien que mal à la poser. Mes mains tremblaient tellement que j'eus le plus grand mal à les joindre contre mon ventre en un geste d'auto-apaisement. 

Mon ami désormais coi, me fixait de ses beaux yeux noisette, bordés de cils blonds, attendant que je reprenne un semblant de calme et un rythme respiratoire à peu près normal, qui puisse m'assurer à nouveau une longue et belle vie.

La tête bien droite, le museau fermé et tendu vers moi, il ne pipait mot mais semblait attendre, comme à l'accoutumée, son petit morceau de pain. Rassurée, je le lui tendis. J'avais eu un instant d'égarement, un moment de pure folie, une hallucination ! Quelle idiote ! Quelle peur j'avais eue ! 

"Tiens mon chien ! 

-Merci, Mam ! 

- Ahhhh !

Cette fois je fis un bond tel qu'il envoya valser tout le plateau et son contenu par terre. Miel s'y attendait sans doute car il esquiva avec facilité l'avalanche de mon petit-déjeuner hors du lit.

- Tu... C'est pas possible. Miel, tu parles ?

- Nooon. Moi j'aboie. Tu parles, pas moi.

Je piquai une crise et lui criai :

- Mais tu es en train de me parler là ! Tu parles, Miel ! Tu par...les... ! 

- Non. Pas du tout ! 

- Ah oui ? Alors qu'est-ce que j'entends là ? 

-Moi. 

-C'est bien ce que je dis ! Tu es en train de me parler, c'est fabuleux Miel, tu ne te rends pas compte ! 

- Non Mam, il faut que tu comprennes. Je ne suis pas en train de te parler comme tu dis. Je communique avec toi comme toujours. Rien n'a changé Mam. 

-Mais bien sûr que si Miel, mon trésor, mon 'tit coeur ! C'est un miracle ! 

- Non Mam. Tu ne comprends pas. C'est autre chose. 

- Oh Miel, je t'assure, on t'a donné le pouvoir de me parler !

-Mais non ! Ecoute moi ! Je ne te parle pas ! Je suis toujours un chien comme tous les autres. J'aboie, je jappe, je grogne, je gémis, c'est tout ! 

-Mais enfin Miel, je te comprends ! Comment c'est possible ? Je comprends tout ce que tu dis ! Je n'ai pas du tout l'impression de t'entendre aboyer ! 

-C'est parce que je le fais tout doucement là. S'il-te-plaît, Mam, maintenant, mets tes mains sur tes oreilles. 

Je ne comprenais plus rien. Pourquoi voulait-il que je me bouche les oreilles ? Qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir faire ? Se mettre à hurler pour me prouver qu'il était toujours mon chien, un adorable golden de dix ans ?

Je touchai alors mon casque que j'avais sur la tête depuis le début de notre conversation. Je l'avais totalement oublié celui-là. C'était mon casque de traduction instantanée que j'avais pris pour cette vidéo japonaise que je voulais regarder ce matin. C'était un prototype. Il me permettait de comprendre en simultané toute conversation étrangère. Et je compris ce qui c'était passé. 

-C'est le casque, c'est ça ?

-Oui, Mam ! Le logiciel développé pour les traductions a évolué en un logiciel intelligent . A force d'entendre les animaux domestiques lors des sessions d'écoute et de traduction,  il est maintenant capable de traduire même nos langages. Tu comprends ? 

-Oh...

-Je t'aime, Mam."