Le tourniquet des âmes

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"Aujourd'hui est un autre jour." Je ne sais qui parlait comme cela, mais il ne devait pas faire la même chose que moi. Il n'y a pas de jour ici, juste l'éternité et mon boulot n'a de passionnant que le nuage sur lequel je suis assis. Ce que je fais ? Je suis le tourniquet de l'entre-deux chambres : celle du Paradis et celle de l'Enfer. Concrètement, une fois mort, vous arrivez devant moi. Je lis dans mon nuage "magique" les actes de votre vie. Si vous avez été un gars plutôt sympa, le Paradis vous est ouvert sinon, ben sinon, vous irez vous amuser à l'Enfer's club. Ah oui, un dernier détail, ce travail est épuisant.

Je n'aurais jamais dû accepter ce poste. "Tu verras" qu'il disait, "c'est la boîte de mon père, le CDI est garanti à vie". Moralité, la même tâche depuis plus de deux mille ans, aucune promotion et toujours le même bureau. Le patron ? Rarement croisé. Le fils du patron, on ne se voit plus qu'en réunion. Maintenant, il n'y a plus que moi, mon écran fumé, les pauvres âmes mourantes et leurs statistiques actées. Bon ok, il y a tout de même des points positifs tels que sécurité de l'emploi, pas de chômage et management inexistant. Pas de salaire non plus, mais pas de maison et pas de famille, donc pas de problème. Au royaume de Dieu, le plein emploi est là, et ça, cela sonne bien commercialement.

Comment fonctionne le système ? Aucune idée. Moi, je lis le chiffre et vous montre quelle porte prendre. Bon, à la tête que font les gens, le message n'a pas dû être très clair en bas sur terre. Le Paradis n'est pourtant pas un lieu sectaire, juste un peu exigeant. On lui avait dit, à l'autre, qu'il aurait fallu plus qu'un livre pour faire passer le mot. On ne rentre pas dans une boîte en tongue-chaussette et le Paradis, c'est la même chose. Les bons actes de votre vie représentent vos vêtements et il faut un costume pour y rentrer. Moi, je ne suis que le geôlier, sans les clés. L'automatisme est de mise pour une grande partie du système. On nous l'avait vendu en arguant que l'on pouvait traiter un nombre de dossiers à la minute plus important or le nombre de morts à la minute étant constant, voire en diminution...

Pour l'instant, ça va. Pas trop de clients. Faut dire, on est en saison basse. La saison haute correspond à l'été sur terre. Beaucoup de vieux, énormément de vieux, des cars entiers de vieux, arrivant comme des touristes dans ce pays blanc molletonné, les rides de la sécheresse montrant leur âge avancé tels les sillons d'une tranche d'un arbre coupé. Et tout cela pour l'Enfer car pas assez d'actes de bienveillance. Alors ça râle et ça râle, mais j'y suis pour rien moi. Je ne suis que l'interface des hôtes de ces bois. Lucifer a besoin de carburants pour ses chaudrons et le Paradis est bondé. Que voulez-vous que je dise ?

Enfin bref, ça, c'est mon travail et un besoin de vacances se fait grandement ressentir.

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