XIV - fin

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 Elle est réveillée par le son étouffé d’un millier de sabots qui résonnent contre les murs. Sous ses pieds, le sol tremble comme à l’approche d’un raz de marée. La porte ouverte sur le couloir lui laisse entrevoir des silhouettes aux proportions hasardeuses. De l’autre côté du seuil, les lignes du bâtiment forment des angles irréels. La lumière écartelée présente un spectre de couleurs impossibles, qui rebondissent sur les objets sans parvenir à se fixer.

 Les soubresauts de ces teintes cauchemardesques lui donnent la nausée. Son cœur s’emballe, ses tripes se soulèvent sous l’effet d’un mal de mer. Frances essuie son front transpirant d’un revers de la main. Sa respiration s’accélère, elle tente de la calmer pour chasser les hallucinations. Paniquée, elle appuie sur le bouton de secours. Les yeux fermés, les lèvres pincées, elle attend l’infirmière la peur au ventre. A l’intérieur des murs, le galop infernal prend de l’ampleur, des choses se mettent à hurler et d’autres leur répondent en échos, jusqu’à lui donner l’impression que son crâne est en train d’exploser. Hystérique, elle presse frénétiquement le bouton d’urgence et hurle à son tour, sa voix se mélangeant à celle des créatures innommables.

 D’un coup le silence. Les paupières toujours closes, mains sur les oreilles, elle reprend son souffle et sanglote. Elle se sent comme une enfant effrayée, seule et démunie face à un mal qu’elle ne peut pas comprendre. Des craquements secs retentissent. Quelque chose s’agite dans le lit d’Howard, sous les couvertures. Une peur innommable s’empare de Frances, trop effrayée pour oser ouvrir les yeux. Le corps du peintre se rétracte sur lui-même et vient se condenser sous les draps, dans un bruit de tissus qui se déchirent.

 Le blanc du lit se constelle de paillettes rouges et autour d’elle, les murs ploient sous l’assaut invisible des créatures enragées. Son amant a disparu dans une masse de chair mouvante qui se contracte tant et plus. Les choses derrière les murs hurlent et râlent de plus belle, au rythme des fibres déchirées et du sang qui macule la pièce par touches méthodiques. Réduit à une bille sanglante, Howard implose. Une rose pourpre de chairs et de tripes, tout sourire, se propage dans la pièce, déchirant l’espace autour d’elle.

 La réalité se disloque, le filtre se craquèle et des hordes bestiales se déversent dans la chambre. Le corps de Frances est écartelé, dévoré par une vague affamée et déchue submergeant toutes les âmes sur leur passage. Mue par une volonté propre, le Cheshire brise le voile du réel et laisse déferler son troupeau maudit sur le monde, emportant la Terre avec lui.

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