En plein Pandémonium

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Moloch se tenait fièrement sur son trône molletonné enrubanné de bouts de peau. Arraché depuis des temps immémoriaux, le derme de milliers de mouflets entourait le siège maudit du démon phénicien.

Piquée d’une vermoulure verdâtre, l’assise démoniaque, mausolée de l’interdit, était surplombée par le crâne dépiauté d’Asmodée d’où s’écoulait un liquide toxique. Molesté et décapité modestement, celui qui avait séduit Eve n’était plus.

Moloch psalmodiait. Plus que trois démons et il serait enfin l’ultime, symbole même de la primauté. Asmodée étant le septimo sur cette liste macabre.

Les sacrifices humains ne lui suffisaient plus. Il en avait assez de les immoler et de se repaître de leur chair cramoisie. En pleine crise existentielle, Moloch s’interrogeait sur son destin.

C’est à ce moment-là que Smog apparu dans un brouillard opaque charrié par un simoun bouillant. Timonier de mensonges et témoin de l’indicible, ses paroles s’immisçaient inexorablement. Engoncé dans un smoking mauve serti de mocassins monochrome, l’être conflictuel étirait constamment ses tentacules belligérants au sein même de l’esprit morbide du Roi Démon. Son procédé tumoral fonctionnait.

Pianissimo, Smog contrôlait Moloch. Il distillait ses vilenies avec parcimonie. Supprimant les trémolos habituels et combattant une spasmophilie extrême, le félon n’avait plus rien du morpion timoré qui se terrait dans les tréfonds. Ses mots blessaient mortellement. Il s’était émancipé.

Les vestiges des autres démons, preuve testimoniale de sa nouvelle puissance, parsemaient le sol rougeâtre autour du trône. Des bocaux traînaient aux alentours tels des Rollmops moroses et avariés. Des doigts, des yeux, des cœurs… tous les organes baignaient dans un liquide diaphane.

Les fidèles créatures et animaux du Seigneur de la Fosse dévoraient les restants de ses ennemis.

Smog, invisible, se tenait derrière l’omoplate de Moloch, lui cohobant ses machinations les plus mauvaises. Maître des maux et des mots, il domptait quotidiennement le Roi Démon.

Les Sycomores environnants au bois imputrescible exsudaient une mousse hyaline. La cérémonie mortifère synonyme de son hégémonie se déroulait en catimini dans un sombre recoin du Pandémonium pour ne pas éveiller les soupçons des suppôts de Satan. Satan … sa dernière cible.

En attendant, sa fidèle Berith, démone aux yeux anthracites et profonds fit son apparition accompagnée de sa prochaine victime. Ensorcelé par la beauté harmonieuse de la compagne de Moloch, un humain famélique la suivait.

  • Qui est-ce ?
  • Abaddon en personne.
  • Le démon de l'abîme dans un corps humain ? cracha-t-il.
  • Je m'appelle Marc. On me surnomme Momo. Je suis moniteur de mobylette dans le Morbihan, je ne comprends pas ce que je fais là, j’étais sur mon semoir …

Moloch incanta et le sort entourant son compère cessa. Abaddon, destructeur des mondes végétait. Atteint d’amaurose après avoir admiré Berith, il n’était plus que l’ombre de lui-même comme si son jumeau amorphe avait pris possession de son enveloppe.

Elle le jeta aux pieds de Moloch. Maugréant contre son frère devenu traître, Abaddon lui parla d’une prémonition qu’il avait entendu il y a quelques années au sein même d’un monastère austère.

  • Aucune moquerie dans mes paroles mon frère. Je suis déjà à ta merci. Je me trouvais au-dessus du corps d’un prêtre bedonnant que j’avais égorgé. J’étais sur le point de commettre un acte simoniaque afin de dérober les émaux divins choyés par les hommes d’église. Un moment de pur amusement. Aucun remord.
  • Cesse ton monologue. Viens-en au fait misérable vermine !
  • Sois patient mon frère. J’ai entendu ces mots…

Moloch ne le laissa pas finir et se jeta sur lui. Une fureur monumentale lévitait dans ses yeux. Il l’éviscéra purement et simplement. D’un coup d’un seul, ses entrailles putrides dégoulinaient. Le futur Roi-Démon s’avança, goûta et put lire les souvenirs du macchabé.

« En osmose totale avec lui-même, cloitré dans un hameau délabré, Moloch le Sublime accompagné de ses illustres animaux légendaires vaincra le Père Satanique. Aucun sermon brisera son abnégation et sur l’Enfer il règnera. Dans les rameaux fleuris de lys incandescentes, un orchestre philarmonique fait de cris et de douleurs suivra l’avancée du futur souverain. »

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