Chapitre 1

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Chapitre 1

Sans se quitter des yeux, sans prêter attention à ce qui se passe autour d'eux, ils sont là, face à face. Il sourit exagérément, sa main caressant la délicate peau de son cou. Ses gestes trahissent son attirance. Dans un élan instinctif, leurs mains s'unissent et s'enlacent. Leurs lèvres s'effleurent, se cherchent. Il goûte la douceur de sa bouche gourmande.

Ce baiser m'arrache un frisson. En ce jour de rentrée, je ne vois rien des retrouvailles qui se déroulent dans la cour du lycée. Je n'entends pas les cris de surprise des adolescents heureux de se découvrir dans la même classe. Je ne sens ni l'euphorie ni la tristesse de certains à démarrer une nouvelle année scolaire. Je me focalise sur Marion et Jimmy qui s'embrassent sous mes yeux.

Je rage de les voir me narguer ainsi et décide, sans hésiter, de foncer détruire leur conte de fées. Je tapote fermement l'épaule de Marion pour rompre le charme de leur galoche endiablée.

— Faut qu'on discute !

Quand leurs lèvres humides se séparent, je suis aussitôt soulagé. Les orbites globuleuses de Jimmy me dévisagent en attendant que je parle, tandis que Marion me tourne toujours le dos.

— Qu'est-ce qu'il y a ? m'interroge Jimmy.

Je n'en crois pas mes yeux. Sous mon nez, il l'attire contre lui, une main sur sa taille et à mon grand désarroi, celle-ci se laisse faire. Je prends tout mon temps pour digérer la déception que je ressens. Ma meilleure amie, si pure, qui n'avait jamais embrassé d'autre garçon que moi, est désormais souillée par la salive chargée de tabac de mon pote camé.

L'amertume et le dégoût laissent place à la colère qui monte au plus profond de moi. Lorsque je vais enfin me décider à ouvrir la bouche, ils vont voir à qui ils ont affaire. Je déverserai toute ma rage et je ne pourrai plus m'arrêter. Je vais les faire souffrir comme ils me font souffrir. Ils ne peuvent même pas imaginer que je suis capable de balancer leurs pires secrets, juste pour le plaisir de leur faire mal.

— Alors ? insiste Jimmy.

Je serre les poings et l'assassine du regard avant de leur cracher à la figure ce que j'ai sur le cœur :

— Marion, c'est à toi que je voulais parler, mais a priori, tu sais plus rien faire sans ton clébard...

— Bon, si tu veux pas parler calmement, c'est même pas la peine de m'approcher ! me coupe Marion sèchement.

Elle tourne aussitôt les talons suivie de son... je ne sais pas comment qualifier Jimmy, mais jamais je n'emploierai le terme de "petit ami" !

— Non, mais calme ou pas je vous emmerde avec votre couple à deux balles ! Allez vous faire voir ! Et toi Jimmy, je vais te péter la gueule !

En entendant mes mots, ce dernier s'arrête pour me faire face et balance :

— Ça fait mal ? Bah, tu t'y feras... Tu te souviens : « elle est bonne et j'adore sa paire de nibards » ...

Un large sourire aux lèvres, il fait allusion aux propos que j'ai eus envers Dakota, sa sœur.

La sonnerie me surprend et me stoppe net dans l'élan de réponse que je rumine au plus profond de moi...

Assis en classe, au dernier rang, j'observe le manège des lycéens qui s'installent. Je me balance sur les pieds arrière de ma chaise en me tenant d'une main à mon bureau. J'adore me projeter contre le mur et faire taper le dossier contre la peinture bleu ciel.

Je me suis mis tout seul à cette table. Si Marion n'avait pas été en couple avec Jimmy, elle serait automatiquement venue s'asseoir à côté de moi... Mais elle a choisi d'être à l'autre bout de la pièce, le plus loin possible et elle prend soin de ne pas jeter un seul regard dans ma direction. Je n'arrive pas à ignorer les caresses qu'ils se font et leur débordement d'affection me rend malade. Je n'adresse la parole à personne, préférant ressasser ma jalousie dans mon coin.

Le prof entre en même temps que Dylan qui a eu l'excellente idée de se faire la coupe de cheveux de Tommy Shelby, le personnage principal de la série Peaky Blinders : crâne rasé avec une longue mèche sur le devant de la tête. Le résultat est tout simplement affreux. Il se dirige naturellement vers la place vide à côté de moi. Je lui barre aussitôt le passage. Je n'ai aucune envie de partager cet affront avec qui que ce soit, et encore moins avec celui qui va commenter tous les faits et gestes de notre ami commun.

— Dégage ! Je veux personne, ici !

— Non, mais Speed, ouvre les yeux ! Y a pas de place ailleurs !

— M'en fous ! T'as qu'à t'asseoir par terre !

— Oh putain, tu vas pas me casser les couilles parce que Jimmy se tape Marion ! lâche-t-il en retirant mon sac de dessus le bureau.

Il est vraiment mal tombé parce que je suis extrêmement contrarié et incapable de me raisonner. Je suis fou de rage ! Je n'arrive pas à me faire à l'idée que je vais devoir supporter ce spectacle toute la journée, sans pouvoir m'y soustraire. Je suis énervé. J'ai envie de chialer à l'idée que Marion puisse être heureuse dans les bras de quelqu'un d'autre. Je ne suis pas du genre violent, mais j'ai tout bonnement envie d'arracher la langue de Jimmy pour qu'il arrête de la fourrer dans la bouche de ma meilleure amie.

Je prends mon sac pour le poser sur la chaise voisine, en continuant de me balancer. Le reste de la classe se tait, tout le monde nous observe.

— Dégage, je t'ai dit !

Le jeune prof que je ne connais pas, est debout à côté de son bureau, les mains sur les hanches. L'air contrarié, il attend que je finisse mon cinéma pour enfin débuter le cours.

— Cela va durer longtemps votre cirque ? demande-t-il.

Il remonte ses lunettes sur son nez et se gratte le bouc en attendant ma réponse qui ne vient pas. C'est Dylan qui explique en ricanant :

— C'est ce que je lui dis, monsieur !

— Toi, ta gueule !

— Asseyez-vous ! Vous êtes trente-cinq élèves cette année, vous voyez bien que la classe est bondée et qu'il n'y a pas de chaises supplémentaires !

Dylan finit par poser délicatement mon sac à terre. Je le défie des yeux sans me soucier des regards désapprobateurs du reste des élèves qui s'impatientent.

Je suis énervé, terriblement vexé que Marion m'ignore comme elle le fait. Rien d'autre ne m'intéresse. J'ai très peu et mal dormi cet été. J'ai fait l'impasse sur tous les traitements et je me retrouve irritable, absolument incontrôlable et hypersensible. J'ai les genoux qui tremblent et me mords l'intérieur de la joue. Je n'ai pas envie de noter quoi que ce soit en cours. De toute façon, mon frère Max qui est dans ma classe me passera tout ce soir.

— T'écris pas ? m'interroge soudain Dylan en levant la tête de l'emploi du temps qu'il remplit dans son agenda.

— T'occupes !

— Tu vas faire comment si tu copies rien ?

— T'occupes ! je répète, plus agressif.

Je regarde droit devant en essayant de l'ignorer, mais cet imbécile insiste. Je n'ai vraiment pas besoin de ça. Je tapote nerveusement le bureau et soupire fortement pour lui faire comprendre qu'il me saoule. Mais il persévère.

— Ça y est, en fait t'es jaloux, car ça marche plutôt bien entre Jimmy et Marion ?

— Mais tu peux pas fermer ta gueule, bordel de merde ?

J'ai parlé un peu trop fort. Je savais que Dylan me pèterait les couilles avec Marion. Maintenant qu'il m'a chauffé et que je suis bien agacé, je vais avoir du mal à redescendre...

— Vous allez vous calmer, s'il vous plaît ! Je ne vais pas supporter vos impertinences longtemps ! me lance le prof binoclard au regard furieux.

— C'est bien pour ça que je voulais être tout seul !

— Oui, mais comprenez que ce n'est pas possible !

— Quand on veut, on peut !

— Si vous le dites ! Et arrêtez de vous balancer sur votre chaise ! Où en étions-nous ? reprend binoclard, sans prêter davantage attention à mon comportement. Donc le mercredi de dix heures à midi : sport !

Lorsque la cloche m'autorise à quitter la salle pour partir en récréation, je fonce vers la sortie du lycée. Je trace droit devant, je fuis le plus vite possible en évitant les niaiseries que peuvent se raconter les uns ou les autres.

Une fois passé le portail, je m'assois contre la grille de l'école pour m'allumer une cigarette, seul. Je m'amuse à faire des ronds en soufflant la fumée.

Je dois prendre sur moi et dégager Marion de ma tête. Elle connaît Jimmy depuis des années, bordel ! Elle n'a pas pu tomber amoureuse du jour au lendemain. Même si c'est vrai, ça lui passera ! Je suis cent fois mieux que lui. Déjà, je suis plus beau, plus grand et plus costaud que lui. Je suis aussi beaucoup plus drôle et plus intelligent. Non, c'est certain, Marion va ouvrir les yeux. Putain, il faut que je lui parle ! Seuls !

— Qu'est-ce que tu fous là, merdeux ?

Paulo, accompagné de son fan-club de lycéennes, me surprend alors que je ronchonne dans mon coin.

— Ça te regarde pas !

— On dirait un clochard qui fait la manche ! se moque-t-il.

— Oh, tu vas pas t'y mettre, toi aussi ! Vous me cassez tous les couilles, aujourd'hui !

Je bondis sur mes jambes pour reprendre la direction des cours. Le reste de la journée est un supplice. Je ne supporte rien. J'en veux à la terre entière.

Le soir, en descendant du bus, je m'accole à la grille de la place pour m'allumer une clope. Pendant que j'expire la fumée, j'observe Marion et Jimmy qui rigolent entre eux. Leur complicité attise mon exaspération. Plus ils se marrent, plus je tire sur ma cigarette. D'ailleurs, il faut que j'arrête cette merde. Ça devient complètement con de fumer autant. J'ai à peine quinze ans et je suis déjà accro ! C'est décidé, à partir de maintenant, la fume ce ne sera qu'en soirée !

Je jette mon mégot en direction de Jimmy, pour lui faire comprendre qu'il doit dégager. Je lui montre ma détermination de vouloir discuter avec Marion.

— Bon, tu veux quoi ? m'interroge-t-elle enfin en se tournant vers moi.

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