Chapitre 5

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Le combattant s’exécuta et fondit sur son opposant. Son poing s’abattit sur Kilian, mais le coup s’arrêta, bloqué par l’armure de vent. Léo s’acharna sur la protection de son mentor, déployant toute sa force physique, mais rien n’y fit. Désappointé par l’obstination de son apprenti, le détective déclencha une puissante bourrasque qui repoussa Léo aux limites du ring. Le vent continua de souffler, clouant le jeune homme sur place.

─ Tu sais ce que tu dois faire pour m’atteindre Léo ! Cesse de te refouler, affronte ta peur, tu peux le faire !

Il avait raison, le combattant iridescent le savait bien. Léo avait peur, terriblement peur de ce qui arriverait s’il perdait le contrôle. Mais il ne pouvait plus repousser l’échéance, il ne pouvait plus se cacher. Alors il fit ce qu’il aurait dû faire depuis plusieurs années. Il libéra son feu, bien plus qu’il ne l’avait jamais fait. Une colonne de flammes jaillit de son corps. Il sentit le flux de chaleur le parcourir comme l’eau parcourt la rivière. Puis il se concentra, il visualisa son pouvoir, et en canalisa l’énergie vers sa main. Le pilier de flammes argentées se divisa en plusieurs courants avant de se condenser dans son poing qui se mit à irradier comme une étoile. Il y était, et comme il l’avait appris depuis huit ans, il frappa en direction de Kilian, mais cette fois il joignit le feu et le mouvement. Les flammes blanches et le poing de Léo s’abattirent de concert. Un déferlement incandescent fonça sur l’irlandais, qui leva sa lame. Aussitôt son armure de vent s’amplifia et le bouclier gagna en épaisseur. La tornade et le poing embrasé se percutèrent dans une explosion cataclysmique. Le mur de vent fut brisé et le Parle-Sylphe envoyé au tapis.

Léo était épuisé et brûlant, son poing endolori était couvert de plusieurs brûlures superficielles qui disparaissaient à vue d’œil. Son corps n’était pas accoutumé à projeter ses flammes, du moins pour l’instant, il allait devoir pratiquer. Kilian se redressa, certes secoué mais heureusement sans blessures.

─ C’est un très bon début Léo, dit-il un large sourire aux lèvres.

Le souffle court, le jeune homme répondit :

─ Je…l’espère…sensei.

Des bruits de moteur se firent entendre, Léo se releva et observa la route. Il soupira à la vue des voitures et van d’où sortaient journalistes, caméramans et photographes. Le cuisinier se félicita d’avoir rentré son camion dans le garage, il était à présent sûr qu’il ne serait pas vandalisé ou photographié à outrance.

─ Les rapaces sont arrivés, dit alors Amata.

Comme s’ils avaient entendu, plusieurs journalistes levèrent la tête.

─ Il est là-haut, s’exclama un photographe qui se mit aussitôt à mitrailler avec son appareil !

Le flash agressa les yeux de Léo qui recula par réflexe. Kilian posa une main rassurante sur son épaule.

─ Je crains que nous devions rester avec toi un peu plus longtemps que prévu, cher disciple.

─ Cela vaut mieux sensei, cela vaut mieux en effet.

***

Quelques heures plus tôt à Avalyon (équivalent de la ville de Lyon), Sélène Li suait à grosses gouttes dans le dojo. Sa mère, Li Xiong Mao se dressait face à elle. Les deux femmes étaient vêtues de leurs tenues de Flamendo, un mélange de kimono et de robe fendue aux niveau des deux hanches permettant ainsi une grande liberté de mouvement. Dans le dos de la mère on pouvait voir un grand tatouage coloré représentant un panda-roux et sur celui de sa fille ainsi que ses bras s’étendait un grand serpent aux écailles bleues. La mère et la fille se mirent en position de combat.

─ À toi d’engager Sélène, lui intima Xiong Mao.

La jeune femme aux cheveux châtain, hocha la tête et s’élança. Elle attaqua avec le tranchant de la main droite vers la nuque de sa mère. L’héroïne eurasienne, aguerrie aux cheveux noirs dévia l’attaque d’un mouvement aussi fluide que l’eau. Sa fille attaqua à nouveau et un véritable balai martial s’engagea alors sur le tatami. Les mouvements des deux femmes étaient aussi acérés que les plus tranchantes des lames, et souples comme le courant de la rivière.

L’élève assaillait le maître de toutes ses forces avec une vitesse effrénée malgré cela son aînée gardait l’avantage. L’artiste martial quadragénaire avait une longue carrière d’héroïne derrière elle, sa fille bien que talentueuse avait encore du chemin à parcourir. Xiong Mao ne se reposait pas sur ses lauriers pour autant, car son élève ne comptait pas la laisser souffler, au contraire elle l’obligeait même à se montrer sérieuse.

─ Bien, ma fille reste concentrée et surveille ton jeu de jambes.

Joignant le geste à la parole, l’instructrice tenta de faucher les appuis de la jeune femme. Mais Sélène esquiva la feinte avant de répliquer d’un coup de paume qui toucha Xiong Mao en plein torse. Sa mère fut projetée en arrière, mais elle effectua une pirouette absorbant ainsi la puissance du coup.

─ J’ai gagné la première manche maman, dit Sélène un large sourire aux lèvres.

Sa génitrice souriait également, elle était fière de sa fille. Âgée de vingt-trois ans, cette dernière avait un niveau supérieur à celui de sa mère au même âge. Oui, elle était fière.

─ En effet ma chérie, maintenant on passe à la vitesse supérieure. Invoque ton tatouage-totem et ton pouvoirs.

Sur ces mots les tatouages des combattantes prirent vie et jaillirent de leur peau. À présent un grand panda-roux et un serpent de mer de la taille d’un anaconda, tous deux bien vivants se tenaient sur le tatami aux côtés de leur maîtresse.

─ Voyons voir ce que le Panda-roux peut faire face au Léviathan, dit Sélène sur un air de défi.

Xiong Mao ne répondit pas et c’est elle qui attaqua cette fois-ci. Chacun de ses coups étaient synchronisés avec ceux de son totem panda. Sélène n’était pas en reste, Léviathan tourbillonnait autour d’elle. Les deux animaux spirituels se livraient à un affrontement tout aussi féroce que leur maîtresse. En dépit de la vitesse de son serpent, la fille ne parvenait pas à prendre l’avantage sur sa mère.

─ Tu ne pourras pas m’atteindre en n’utilisant que la moitié de ta force, l’avertit-elle.

Sélène la prit au mot. Alors, l’air ambiant se chargea d’humidité, elle se concentra en gouttes d’eau de plus en plus grosses qui formèrent une spirale aqueuse autour du totem Léviathan. Le Flamendo de la jeune femme se métamorphosa, atteignant un niveau plus élevé encore. À chaque mouvement que la combattante effectuait, le totem frappait et l’aura aqueuse libérait des lames et des projectiles. Grâce à ses capacités « d’hydromancie », comme on l’appelait, Sélène augmentait sa puissance de frappe de façon exponentielle.

Pourtant cette déferlante d’attaques n’ébranla pas Xiong Mao, avec son totem elle esquivait et bloquait chaque attaque, physique comme hydraulique. Sélène sentait ses réserves d’énergies baisser dangereusement, si elle voulait remporter le duel, la jeune devait renverser la vapeur immédiatement. La guerrière sortit alors son va-tout : d’un pas vif comme la foudre elle se rapprocha de sa mère et déclencha une vague d’eau et de vapeur qui l’aveugla. Alors son totem ophidien s’enroula autour du panda-roux et l’immobilisa. Profitant de la cécité provisoire de Xiong Mao, Sélène acheva son enchainement. L’eau se concentra dans ses mains et elle frappa sa mère de ses deux paumes en visant l’abdomen. Décuplée par l’hydromancie, la double frappe provoqua une secousse qui fit trembler les murs du dojo.

Hélas, Xiong Mao avait réussi à bloquer l’attaque, d’une seule main elle avait contré la frappe. Sans perdre un instant, elle brisa la garde de sa fille et avec souplesse et légèreté la repoussa de sa paume. Une puissante onde de choc fut libérée par le coup pourtant si léger, Sélène fut éjectée du ring et atterrit sur le plancher du dojo, les muscles en compote et les articulations endolories.

Une aura incandescente émanait du corps de sa mère, à présent. Elle venait de montrer à sa fille la pleine puissance du Flamendo, les flammes originelles de cet art-martial. Xiong Mao descendit du tatami et s’assura que sa fille n’avait rien de grave, puis l’aida à se relever avant de l’enlacer.

─ Je suis vraiment fière de toi Sélène, je t’aime ma fille.

La jeune femme rendit son étreinte à sa mère, bien qu’elle fût frustrée de ne pas avoir touché sa cible, elle savait que ces paroles étaient sincères.

─ Moi aussi je t’aime maman.

Environ deux heures plus tard, Sélène était rentrée à son appartement pour se vautrer sur son canapé afin de surfer sur internet et se renseigner pour ses études supérieures. La jeune fille comptait entrer dans une université de héros à la rentrée suivante. Il y en avait beaucoup à travers le monde, mais celle que voulait Sélène c’était la FEAH, celle où sa mère et son père Ombre avaient fait leurs études et obtenu leur master de héros. Ses parents étaient des crafters-heroes, des héros artisans. Sa mère était une forgeronne dont le savoir-faire et les créations étaient mondialement connues et son père, Ombre de Loup, était un cuisinier des plus compétents en plus de ses grandes capacités de pisteur et de combattant.

Sélène pour sa part n’avait aucune passion ou affinité avec l’artisanat, elle était plus attirée par le journalisme ou bien la médecine, en adéquation avec son « hydromancie » qui au-delà des applications martiales permettait également de soigner. Elle envisageait donc de devenir une writer-heroes, une journaliste ou détective internationale, ou bien un genre de médecin sans frontière capable d’aller dans les zones les plus dangereuses du monde.

Alors qu’elle faisait une énième recherche au sujet des différentes carrières de héros, elle reçut un message de Léa, sa meilleure amie : « Sélène, mate vite la chaîne 5, c’est totalement fou ! ». Perplexe, Sélène alluma sa télévision sur la chaîne que son amie lui avait indiqué. Le titre du flash-info était le suivant : « RÉVÉLATION CHOC SUR UN JEUNE CUISINIER DE BRETAGNE ! LÉO MERCIER, ÂGÉ DE 22 ANS, POSSÈDE DES SUPER-POUVOIRS ! SON IMPLICATION DANS LE CRASH DU VOL 317 ». Les caméras montraient une habitation à l'architecture originale : elle semblait avoir été taillée dans un immense dolmen. Intrigué, elle monta le son et écouta ce que disait la reporter :

─ Nous voici à Bois-Cor, devant la maison de Léo Mercier. C’est dans cette petite maison isolée que vit le jeune cuisinier propriétaire d’un food-truck maintenant. Pour le moment nous n’avons pas pu apercevoir monsieur Mercier, mais il est certain qu’il est bien chez lui avec plusieurs personnes, ajouta-t-elle en montrant les deux véhicules garés devant la maison.

Dans le même temps, plusieurs photos du jeune Mercier s'affichaient à l’écran. Sélène étudia attentivement les images du jeune homme un peu plus jeune qu’elle, aux cheveux blancs et aux yeux bleus bordés de cernes prononcées. La jeune fille ne put ignorer sa morphologie, elle y percevait de grandes capacités athlétiques, voire guerrières, mais cela n’était encore que théorique.

L’image à l’écran changea brusquement, montrant à nouveau la maison de Mercier et une voix s’exclama :

─ Il est là-haut sur le toit !

Aussitôt la caméra fit un mouvement brusque, floutant l’image avant de se stabiliser, montrant le bord du sommet de la maison aux allures de dolmen. Au niveau de la rambarde, Sélène put voir le visage de Léo et ses cheveux argentés, avant qu’il ne recule précipitamment.

Sa curiosité piquée au vif, la jeune femme pianota sur son ordinateur, cherchant la moindre information au sujet de cette affaire. Des informations elle en trouva beaucoup, un peu trop même. En élève studieuse et rigoureuse, elle veilla à trier soigneusement les sources narrant la tragique histoire du vol 317. Deux heures plus tard, Sélène avait réuni l'essentiel des informations et avait également fait la distinction entre le vrai et le faux dans cette histoire.

En 2031, huit ans auparavant, un avion de ligne faisant la liaison entre les États-Unis et le pays de Gaule avait été abattu par un missile sol-air. Miraculeusement Léo Mercier alors âgé de quatorze ans avait survécu au crash, il en était le seul rescapé. Les preuves récoltées sur la carcasse de l’appareil, permirent d’incriminer Dusan Markovitch, un puissant chef mafieux désireux de se débarrasser de l’un de ses ennemis sans éveiller de soupçons. Il espérait que le crash de l’avion passerait pour une attaque terroriste, mais cette ruse avait échoué, et Dusan avait été jeté en prison. L’enquête de l’époque avait disculpé Léo de toute charge, mais aujourd’hui une source anonyme avait dévoilé publiquement que le jeune homme possédait des pouvoirs qui auraient joué un rôle dans le crash.

Si certaines personnes crédules ou capables de se satisfaire des premiers ragots croyaient sans peine que Léo était coupable de quelque chose, Sélène, elle, ne voyait aucune preuve qui confirmerait ce fait, sauf le fait qu’il ait dissimulé ses pouvoirs au public.

Alors qu’elle poursuivait son investigation, Sélène sentit ses paupières se fermer toute seule, elle réalisa qu’il était déjà vingt-deux heures passées. Il fallait vraiment qu’elle aille se coucher. La tête encore pleine de questions, le jeune femme alla se glisser sous ses draps. Son amie Léa avait raison sur un point : cette histoire était complexe. Exténuée par sa journée, Sélène s’endormit très vite, mais les songes qu’elle fit cette nuit-là furent étranges.

Elle flottait au milieu d’une infinité océanique. Sélène ne voyait pas la surface, et pourtant elle y voyait comme en plein jour. Soudain une colonne de flammes perça les flots, les deux éléments contraires se mirent à bouillonner, à fumer puis à s’entremêler. Dans les flammes, la jeune femme perçut une silhouette, puis un visage, et elle ne mit pas longtemps à le reconnaître : c’était Léo Mercier. Alors la silhouette est iridescente parla :

─ Qui es-tu ? où suis-je ?

Sélène voulut répondre, mais d’un coup la vision onirique se brisa et elle se réveilla en sueur dans son lit. Les premiers rayons du soleil filtraient à par les interstices des volets.

─ Qu’est-ce que c’était, pensa-t-elle aussi paniquée qu’excitée par cette expérience onirique.

Au même instant à Bois-Cor, Léo fut lui aussi arraché à son sommeil. Pour une fois, le rêve qu’il avait fait n’était pas lié à son traumatisme. Il avait vu l’océan depuis le ciel, puis comme une comète qui chute il avait plongé vers l’étendue salée en une langue de feu. Le pilier incandescent s’était engouffré dans les eaux sans s'éteindre et s’en était suivi un étrange équilibre entre l’eau et les flammes du ciel. Léo s’était alors retrouvé face à une silhouette féminine. À la vue de cette naïade le jeune homme avait alors dit les mots suivants :

─ Qui es-tu ? où suis-je ?

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