Chapitre 3

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2031

Le garçon hurle, hurle de douleur, hurle à la mort. Il rampe, ses jambes ne répondent pas, il glisse entre les décombres enflammés. Les cadavres des autres passagers jonchent le sol ravagé par le crash. Les flammes blanches dansent sur le corps du garçon, pourtant il n’a pas mal. Il monte une pente, enfin, il sort du cratère. Alors qu’il se hisse, un bruit de pas précipités se fait entendre. Couvert de sang, les vêtements en lambeau, le garçon se dresse sur ses genoux et lève les yeux. Face à lui, la silhouette d’un homme court vers lui. Léo le distingue peu à peu, c'est un homme aux longs cheveux noirs qui s’approche, et dans sa main gauche il tient un caméscope. Léo Mercier regarde cet homme éberlué par ce garçon, seul survivant, dont le corps est constellé de flammes blanches.

14 avril

Une fois encore, Léo fut arraché à son fragile sommeil dans un sursaut désagréable. Huit ans, huit ans s’étaient écoulés depuis cette tragédie. Durant les vacances d’été de 2031, Léo, alors âgé de treize ans, était parti en voyage scolaire avec sa classe de quatrième aux États-Unis où ils avaient passé deux semaines. Le jeune Léo avait adoré ce voyage, il avait pu voir la Maison Blanche, le Capitole et l’Empire state-building. Avec cela, était venu tout un tas de villes et de paysages devant lesquels le petit collégien avait été en totale admiration. Hélas, lors du voyage de retour, alors que l’avion survolait les côtes irlandaises, il fut frappé de plein fouet par un missile sol-air, surgi de nulle part. Étrangement ce fut ce jour-là que les pouvoirs de Léo se manifestèrent pour la première fois. Mu par une sorte de sixième sens, il généra un champ de force qui atténua la puissance du projectile. D’après les enquêteurs d’Interpol grâce à cela l’avion avait pu atteindre la terre ferme avant de s’écraser. Malgré tout, lors du crash de l’appareil, Léo fut le seul à survivre et ses nouveaux pouvoirs ne l’empêchèrent pas de souffrir le martyr. Il fut transféré à l’hôpital de Dublin où il resta trois jours avant de finalement être rapatrié chez lui.

Un horrible bruit de tuyauterie jaillissant de ses entrailles fit réaliser à Léo qu’il était déjà onze heures du matin, et qu’il n’avait rien avalé la veille au soir. Le jeune homme devait se nourrir. Il quitta donc son hamac et descendit à la cuisine située au rez-de-chaussée. Toujours vêtu d’un simple t-shirt et d’un survêtement, il se prépara une fournée de pancakes, accompagnés de toasts et de confitures. Il n’avait pas pour habitude de manger ainsi mais à situation particulière, alimentation particulière. Léo mit moins d’une demi-heure pour préparer son brunch et placer toutes ses victuailles sur la petite table placé face à son écran plasma. Il zappa sur une chaîne purement au hasard. Comme il s’y attendait, c'était un reportage qui parlait du crash et par extension de lui. « Léo Mercier est-il responsable du crash ? » questionnait le titre. Le jeune cuisinier se félicita de n’avoir communiqué son adresse qu’à peu de monde, ralentissant ainsi les journalistes. Mais il savait que ça ne durerait pas. Léo se mit à engloutir sa nourriture, espérant endiguer l’angoisse et la peur qui montaient en lui. Il en était à sa troisième assiette de pancakes, lorsque quelqu’un sonna à sa porte.

Léo se leva et s’approcha lentement de la porte, inquiet de qui se trouvait derrière. Il jeta un coup d’œil dans le judas et ce qu’il vit le fit sourire. Le jeune homme ouvrit la porte. Devant lui se tenaient ses parents, Julia et Iashida, et Kenzo son petit frère de douze ans.

 ─ Bonjour Maman, Papa, Kenzo.

Les trois protagonistes ne répondirent pas, tous les trois enlacèrent Léo dans un lourd silence. Julia était une femme aux cheveux ocre et aux yeux verts dans la quarantaine. Iashida, le père de Léo, lui était un homme d’origine asiatique du même âge, ses cheveux étaient noirs et ses yeux noisette. Kenzo avait les cheveux de son père et les yeux de sa mère.

Les quatre protagonistes restèrent enlacés pendant de longues secondes avant de finalement prendre place autour de la petite table. Léo alla prendre des assiettes et des couverts supplémentaires dans la cuisine et en profita pour faire une fournée supplémentaire de pancakes, avant de finalement reprendre sa place sur le canapé et de poursuivre son brunch.

 ─ Mangez pendant que c’est chaud, dit-il à sa famille.

Kenzo ne s’était pas fait prier et avait déjà commencé à se remplir la panse avec tout ce qui était à sa portée sur la table. Après quelques secondes de silence, Iashida brisa le silence

 ─ Yumi est au courant de ce qu’il s’est passé. Elle arrivera d’ici deux jours.

En entendant le nom de sa sœur, Léo cessa de manger. Il n’avait pas échangé avec elle depuis des mois.

 ─ Vous êtes fâchés, demanda Julia ?

 ─ Non, c’est juste que l’on a encore du mal à discuter, on a chacun nos vies maintenant.

Léo soupir, il réalisait à peine que sa jumelle lui manquait. Quelques minutes plus tard, Julia visiblement rassasiée, posa son assiette et prit la parole :

 ─ Il faut que l’on parle de la situation Léo.

 ─ Je veux bien, mais pour en dire quoi, répondit le jeune homme ?

 ─ Interpol est venu te voir ?

La réponse était non, et cela surprenait Léo justement. Il s’attendait à voir les inspecteurs débarquer chez lui dans la nuit pour l’interroger.

 ─ Je pense qu’ils ne devraient plus tarder, ils savent qui est responsable de la fuite, ajouta-t-il.

 ─ À voir si ce n’est pas un des leurs qui est derrière ça, maugréa Iashida.

 ─ Chéri, s’exclama Julia !

Cette discussion ramena Léo aux événements qui avaient précédé le crash de l’avion. Il y a huit ans, après qu’il fut rapatrié en Gaule, les choses avaient été difficiles. Le crash et la survie de Léo avaient fait les gros titres pendant des semaines. Le jeune collégien avait été la victime des violents reproches des familles des victimes du drame. Des gens en colère qui voulaient se défouler sur quelqu’un pour ce qui c’était passé. Environ une semaine après la catastrophe, les enquêteurs déclarèrent officiellement qu’il s’agissait bien d’une attaque, mais avant tout, que Léo n’était en rien responsable de cette tragédie. Cela ne calma pas tous les détracteurs bien entendu, mais le gros de la troupe lâcha l’affaire.

 ─ Et tes mentors, demanda Julia, ils t’ont contacté ?

À ce moment-là, on sonna à la porte. Léo se leva, regarda à travers le judas et le sourire aux lèvres, ouvrit la porte. Devant lui se tenaient trois individus : une femme d’origine africaine vêtu d’un tailleur, une seconde d’origine hawaïenne dont l’allure trahissait sa vocation d’experte en arts martiaux et enfin un homme à la barbe et à la toison rousses vêtu d’un imperméable porté sur un costume trois pièces.

 ─ Agent Martel, sensei Kylian, sensei Amata soyez les bienvenus chez moi.

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