Chapitre 2

6 minutes de lecture

13 avril

Une désagréable sensation, semblable à une décharge électrique, tira le jeune homme de son sommeil. En ouvrant les yeux, Léo constata que l’aube pointait. Il n’était que cinq heures vingt du matin, bien trop tôt pour qu’un camion restaurant se mette en service un mercredi. Bien que son cerveau soit encore en manque de sommeil, l’énergie débordante qui dévorait ses muscles ne lui permettrait pas de se rendormir. Le crâne de Léo l’élançait comme si un joueur de djembé y avait élu domicile. Le jeune homme traîna sa carcasse jusqu’à sa salle de bain au deuxième. Celle-ci était composée d’un lavabo et d’une douche tout à fait correcte. Léo se débarrassa de ses frusques et tourna le robinet de la douche. Un jet d’eau glacée jaillit du pommeau de douche et il s’aspergea le corps sans pour autant se savonner. Le froid dissipa le poids du sommeil et de la migraine qui pesaient sur le jeune homme. Petit à petit la migraine cessa et en sortant de la douche, Léo se sentait bien mieux.

Il se vêtit d’un survêtement propre, chaussa ses pieds d’une paire de chaussures de sport et quitta sa demeure. Aussitôt dehors, Léo se mit à courir et s’enfonça à travers la forêt vers l’ouest. Filant comme une locomotive sur le chemin de terre, le jeune homme provoquait une certaine agitation au sein de la faune locale encore très active en cette heure matinale. Un daim détala dans les broussailles au passage du joggeur, qui ne tarda pas à atteindre le bout de la forêt. Il déboucha alors sur un large plateau, couvert d’herbe et d’immenses rochers, qui s’achevait sur une falaise donnant sur l’océan.

L’énergie de Léo n’avait en rien diminué, malgré son sprint de plusieurs minutes. Il savait bien qu’il allait devoir faire bien plus, pour endiguer le surplus d’énergie qui tentait de le submerger. Le jeune sportif s’approcha d’un rocher haut d’environ deux mètres et le saisit de ses deux mains. Il tira sur ses bras et souleva la rocaille de plus d’une centaine de kilos du sol comme un sac de pommes de terre. Plaçant son chargement au-dessus de sa tête, Léo exécuta une centaine de flexions-extensions. Il bascula ensuite sur son dos et se mit à soulever le rocher à la force de ses jambes. Une dizaine de minutes plus tard, le sportif repoussa la rocaille et se releva. La pierre atterrit lourdement sur l’herbe. À présent sur pieds, Léo se mit en position de combat et se concentra. Du plus profond de son être il l’appela, il invoqua cette énergie vorace et dévastatrice qui sommeillait en lui.

Les veines du combattant s’illuminèrent d’une lueur blanche et ses yeux s’enflammèrent du même éclat. L’herbe sous ses pieds se mit à noircir, et l’air s’emplit d’une odeur d’ozone. Avec une précision et une grâce mortelles, Léo frappa la pierre. Son poing nu fracassa la roche comme si c’était de la porcelaine, dans un craquement brutal. Le jeune homme enchaîna les coups, comme il l’avait fait la veille sur son mannequin de bois. Des fragments de pierre éclatèrent en tous sens, et lorsque Léo s’arrêta après une demi-heure d'entraînement, le rocher était creusé par de nombreux cratères où l’on voyait les traces de ses poings.

Ruisselant de sueur, l’artiste martial expira profondément. Peu à peu la lueur argentée qui irradiait de ses veines et de ses yeux s’atténua jusqu’à disparaître. Après avoir étiré soigneusement chaque muscle de son corps, Léo repartit au pas de course vers son domicile. En arrivant devant sa porte, le sportif sentait enfin refluer le flux d’énergie qui emplissait son corps. Ses séances d'entraînements matinales n’avaient pas perdu leur efficacité. Constatant qu’il était presque dix heures, Léo prit un petit déjeuner composé de tranches de pain grillé et d’un grand verre de jus de fruit. Une fois rassasié, il se rendit dans sa salle de bain. Retirant ses frusques imbibées de transpiration, il ouvrit le robinet de sa douche et laissa couler l’eau chaude sur sa peau.

Une dizaine de minutes plus tard, Léo ressortit de la douche, propre comme un sou neuf. Il se regarda alors dans la glace posée au-dessus de son lavabo. Le miroir lui renvoya l’image d’un jeune homme au corps athlétique, dont le torse était couvert de cicatrices à la teinte rosâtre. Ses cheveux étaient argentés et ses yeux d’un bleu ciel foncé étaient marqués par de profondes cernes.

Il ne pouvait pas traîner davantage, il devait nettoyer son camion avant de se rendre en ville. Il entreprit donc de passer un coup d’aspirateur avant de dégraisser les plaques de cuisson du food-truck.

Une fois le véhicule nettoyé, il était temps pour le cuisinier de se mettre en route. Son bandeau rouge serré sur son front, Léo se dirigea à toute allure vers le centre-ville de Bois-Cor. C’était là qu’il trouvait le gros de sa clientèle de la semaine, composée de lycéens et employés de bureau en quête de nourriture pour leur pause de midi. La carrosserie stylisée du Mondial-Bouff se détachait sur le bitume et la verdure environnante. Le logo était un globe terrestre stylisé, sur lequel chaque continent était représenté par un plat local.

Comme chaque milieu de semaine, Léo se rendit sur la « Place du Grand Cairn ». Situé à équidistance entre les trois lycées de la ville et le quartier des bureaux, cet endroit était idéal pour un restaurant mobile. Le Mondial-Bouff se gara à l’emplacement accordé par la municipalité, à gauche du monument dont la place tirait son titre. Le jeune cuisinier alluma le groupe électrogène du camion et fit chauffer sa plaque de cuisson. Il était à présent un peu plus de onze heures, l’heure où les lycéens commençaient à affluer.

En effet, déjà un premier groupe d’adolescents arrivaient sur la place. La simple vue du camion eut sur eux l’effet d’une bombe, en quelques secondes les quatre lycéens étaient devant le comptoir :

 ─ Salut monsieur Mercier !

 ─ Salut les jeunes ! qu’est-ce que ce sera aujourd’hui ?

 ─ Alors on prendra deux menus double cheese avec frites et boisson, un wrap au poulet sauce algérienne et une mini-pizza raclette.

 ─ Ça marche !

Sans perdre une seconde, Léo se mit aux fourneaux, tandis qu’un membre du groupe partait s’asseoir à l’une des tables de la place. La viande, la pâte et les différents ingrédients se mirent à griller dans le food-truck et une alléchante odeur se répandit bien vite sur la place. Les mains du cuisinier bougeaient avec une grâce et une vitesse quasi surnaturelles. En moins d’une dizaine de minutes, la commande fut prête et placée dans deux doggy bags.

 ─ Voilà pour vous ! dit-il en tendant les plats à la jeune fille restée devant le camion-restaurant, ça  fera trente-six euros.

Les quatre lycéens payèrent le cuisinier en liquide avant de prendre leur repas et de rejoindre leur table. Pendant les deux heures qui suivirent, les clients affluèrent et les fourneaux du Mondial-Bouff tournèrent à plein régime. La clientèle de Léo se composait principalement de gens dont l’âge ne dépassait pas les trente-cinq ans. Certains, parmi les plus âgés de Bois-Cor se méfiaient de lui à cause de ses yeux cernés et de sa démarche énergétique et frénétique qui, à leur yeux, faisait de lui un toxicomane. Le jeune homme avait appris depuis un moment à ne plus se soucier de l’avis des inconnus, seuls sa carrière de cuisinier et le présent comptaient pour lui aujourd’hui.

Léo enchaîna les commandes pour les étudiants jusqu’à quatorze heure trente environ, puis ce fut la période creuse de l’après-midi. Il en profita pour déplacer son food-truck à un autre point de la ville, afin de prendre une pause. Léo conduisit son camion sur une terrasse à la périphérie de la ville. On y avait une vue imprenable sur la forêt environnante, qui s’étalait comme un immense tapis vert émeraude devant ses yeux.

Léo resta sur la terrasse jusqu’à ce que le ciel se couvre d'étoiles, c’était son instant favori de la journée. Un instant de pure sérénité, la fraîcheur de la brise nocturne et le silence qu’apportait la nuit, c’était la magie de Bois-Cor.

Mais alors qu’il contemplait paisiblement le tableau nocturne qui s’étendait devant ses yeux, son téléphone de sonna. Léo sortit son smartphone, c’était sa mère, Julia, qui appelait. Il en fut étonné car d’ordinaire, son travail de procureur l’occupait toute la semaine, ce qui l’empêchait de lui parler en cours de semaine.

Le jeune homme décrocha :

 ─ Allo, Maman ?

 ─ Léo c’est la catastrophe ! le ton de Julia trahissait une grande panique.

 ─ Qu’est-ce-qui se passe je ne comprends pas ?

 ─ Tu n’as pas regardé les infos ?

 ─ Pas aujourd’hui en tout cas.

 ─ Quelqu’un a dévoilé tes pouvoirs ! tout le monde va savoir ce qui s'est passé il y a huit ans !

Ces mots eurent l’effet d’un coup de marteau dans la poitrine de Léo.

 ─ Quoi ? articula-t-il à peine.

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