Chapitre 2

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Le point de départ de mon changement fut une remarque qu'Ornella m'a faite. Je lui en ai voulu. Enfin je crois, je ne sais plus trop. Je me souviens que cela m'avait profondément choquée parce que c'était le genre de fille très gentille avec tout le monde, elle ne disait jamais rien qui aurait pu heurter la sensibilité de quiconque. Elle était très douce, très sensible autant dans son attitude que dans son physique. Oui, elle était assez insignifiante, j'espère qu'elle a pris du caractère avec l'âge.

Mais revenons à l'essentiel. Ce qui avait bouleversé ma vie, c'était une petite remarque, dite en passant sans que personne n'y prête attention. On discutait de choses et d'autres et, à un moment elle a laissé entendre que moi, sans eux trois, je ne saurais me trouver d'amis, sous-entendant que je devais prendre grand soin de notre amitié. Comme si on avait besoin d'amis pour vivre. Vous ne me voyez pas mais, même en écrivant ces mots, un rictus déforme ma bouche.

Elle ne l'avait pas dit méchamment, elle l'avait dit dans un contexte qui faisait que je n'aurais pas dû le prendre au sérieux. D'ailleurs, sur le moment, je n'y avais pas prêté attention, mais quelques jours plus tard, c'était revenu. Ce devait être mon inconscient qui tirait la sonnette d'alarme comme pour me dire « regarde, regarde ce que tes amis pensent de toi, tu veux vraiment continuer à être le boulet du groupe ? ».

Cela m'avait travaillée plusieurs jours. Enfin, plusieurs nuits. Puis, un matin, ce fut comme une révélation. Comme une nouvelle page, toute blanche. J'avais décidé de changer, et cette fois-ci, je n'allais attendre ni lundi ni le premier de l'an.

Je voulais commencer par mon aspect physique. Ce n'est pas ce qui avait le plus besoin d'être modifié mais, c'était le plus simple. Le plus simple, oui, mais aussi celui qui occupe la plus grande place dans notre société, n'est-ce pas. « No one will love you if you're unattractive* » comme disent les anglophones.

J'ai commencé par mes cheveux, il fallait qu'ils aient une couleur plus riche, qui se remarque davantage. Je me suis donc faite une couleur, pris un abonnement à la salle de sport. J'ai renouvelé ma garde robe, j'ai acheté des vêtements qui mettaient plus en valeur ma silhouette. J'ai appris à utiliser le maquillage d'une autre façon. Avant, je ne mettais que du fard à joues et du mascara. Désormais, mon maquillage relevait carrément de la chirurgie esthétique.

Les remarques ne se firent pas attendre longtemps. Mes amis remarquaient le changement. Je ne sortais qu'une fois que je ressemblais à une poupée. Il fallait que je sois parfaite pour sortir. Tout devait être parfait. C'était devenu une obsession. Une obsession qui ne s'est pas terminée là. Je voulais avoir des lèvres plus pulpeuses, des pommettes plus saillantes. Quelques mois après les premiers changements, je suis allée chez un chirurgien plastique qui m'a injecté deux millilitres d'acide hyaluronique dans les lèvres et deux millilitres et demi dans chaque pommette.

Ce nouvel aspect plaisait beaucoup et je pensais que cela m'avait aidé à avoir davantage confiance en moi. Avec du recul, non, cela ne m'a pas donné plus confiance en moi. Mesdemoiselles, tout le maquillage du monde ne vous rendra pas plus sûre de vous... Ce n'est qu'une façade bien repeinte qui finira par se craqueler.

Je me suis ouverte aux autres. Du moins, c'est ce que je croyais. En réalité, j'étais plus renfermée que jamais. Je cachais tous mes complexes et ma personnalité derrière ces yeux de biche et ces boucles. Les problèmes restaient là, derrière cette jolie devanture, enfouis au fond de moi-même. Mais peu importait. Grâce à tout cela, je m'étais faite beaucoup de nouvelles connaissances à la fac. Je rigolais tout le temps, je plaisantais sur tout, je ne pensais qu'à m'amuser, rencontrer de nouvelles personnes.

Les garçons, attirés par le physique, restaient pour la fille rigolote que je semblais être. Ils n'avaient d'yeux que pour moi, même lorsqu'il y avait beaucoup de filles dans le groupe. Cela me flattait. Me sentir désirée de tous comme cela... je me sentais au-dessus. Un jour, en soirée, une connaissance m'a dit qu'elle aurait bien aimé être moi, ma vie lui paraissait si simple, je lui semblais si parfaite, tout le monde s'intéressait à moi, voulait être mon ami. Quelle idée... « être moi ».

Qu'en savait-elle, elle, de ce que c'était qu'être moi ?

*Personne ne t'aimera si tu n'es pas séduisant(e).

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