Chapitre 5. Situation de crise

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- J’espère que vous avez conscience de ce que vous me demander, Duc

- Si j’avais le choix, vous pensez bien que je ne ferais pas cette demande, Joseph

L’Administrateur et le Juge envoyé par le Roi étaient tous les deux dans le bureau du premier. La pièce se trouvait dans un bâtiment de la ville haute où, en général, la plupart des grandes décisions se prenaient. Elle se situait à l’étage et était isolée du reste du bâtiment, faisant de cet endroit un lieu calme, presque secret, où les décisions beaucoup plus sensibles étaient discutées. Au rez-de-chaussée, la guilde des marchands s’était réuni exceptionnellement avec les artisans et des juges qui servaient d’arbitre. Ils discutaient de la situation actuelle en essayant de trouver des accords favorables pour les différents partis. Des résidus de violents débats pouvaient être entendus à travers les murs du bureau sans porter atteinte à la quiétude environnante. Il était éclairé par une grande fenêtre qui donnait sur la rue principale. Des étagères et des bibliothèques remplies de livres l’ornaient et une grande tapisserie accrochée au mur donnait des couleurs au décor.

Le Juge Rowan était debout en face d’une bibliothèque et scrutait les différents ouvrages et traités que possédait le Duc tout en réfléchissant à la doléance que ce dernier avait fait. Quant à son hôte, il était assis derrière le meuble qui lui servait de bureau et rédigeait des ordres qu’il transmettrait plus tard. Il déposa sa plume après avoir apposé sa signature et scruta le visage du Juge qui présentait une expression grave. Il vit que ce dernier réfléchissait grandement avant de donner une réponse

- Vous voulez que je retarde mon départ de la ville, Duc et du même coup mon rapport à sa Majesté, dit-il sur un ton solennel

Le silence retomba juste après. Abraham Belone avait perdu son air jovial que beaucoup de gens lui connaissait. Dans d’autres circonstances, il aurait fait servir une boisson pour détendre l’atmosphère et aurait entamé une riche conversation avec le Juge, il se serait surement vanté du récent mariage de sa fille ainée. Mais la situation était différente et plus le temps passé, plus l’idée qu’un danger imminent menaçait la ville, l’accablait. Il n’aurait pas pu prédire que des démons attaqueraient la ville mais clairement les signes d’une attaque s’étaient présentés à lui et il n’avait pas réussir à les interprétés à temps. Maintenant la priorité, c’était d’éviter que cela ne se reproduise et agir au plus vite.

- J’ai de bonnes raisons de croire que l’assaut que nous avons subi ne soit pas le premier et que plus de gens seront en danger si je ne prends pas la bonne décision immédiatement, répondit-il en croisant ses doigts

- Vous savez que vous n’avez pas le droit de prendre des actions sans le consentement du Roi, ce dernier suit cette affaire de près et m’a fait charger de vous dire qu’il est disposé à soutenir Mirona de tout son possible. Si vous pensez que la ville est sur le point d’essuyer un second assaut, vous avez tout intérêt à me laisser partir le plus tôt possible. Je lui transmettrais vos inquiétudes.

Un appuie des troupes du Roi était nécessaire et il était évident qu’il enverrait des soldats pour aider à la reconstruction et garantir la sécurité de la ville dès qu’il aura posé les yeux sur le rapport. Mais en ce moment son pire ennemie était le temps. Laisser Joseph rejoindre la capitale et attendre les renforts lui amputerait deux jours précieux.

Il ouvrit l’un des tiroirs de son bureau et y saisit ce qui ressemblait à une lettre qu’il déplia et tendit à son interlocuteur qui se rapprocha pour la saisir

- Chaque deux semaines, j’envoie un coursier visiter les différents monastères et couvents pour recueillir leurs doléances. En examinant l’une des lettres qui me sont parvenues, j’ai remarqué que celle-ci était différente. Tenez, voyez par vous même

Le Juge examina la lettre avec attention en replaçant soigneusement ses binocles sur son nez. A première vue elle était tout ce qu’il y avait de plus normal, la couleur jaune du papier et celle de l’encre utilisé ne sortait pas de l’ordinaire, mais en passant ses doigts sur la surface de celle-ci, il reconnue la qualité du papier. Réalisant la nature de celui-ci, il passa derrière le bureau et se dirigea aussi vite que possible vers la fenêtre. Il passa la lettre sous un rayon de soleil. Son expression décontracté s’évanouie faisant place à une mine plus sévère face à ce qu’il venait de voir

- Vous me comprenez maintenant, dit-il d’une voix grave sans se retourner vers le Juge

- Quand est-ce que vous l’avez reçu, demanda Joseph en lui rendant la lettre

- La veille de l’assaut

C’était un procédé très peu connu qui consistait a utilisé un papier spécial qui permettait d’habilement cacher des messages. En surface la lettre était banale et faisait état des différents besoins du couvent qui l’avait envoyé mais en l’exposant à une source de lumière intense comme un feu ou les rayons du soleil, un message écrit avec une encre spéciale apparaissait. Une personne utilisant un tel stratagème pour dissimuler un message devait être retenue prisonnier, en danger de mort ou avait tenté de prévenir de ce qui allait se passer. Le Juge Rowan avait lu de ses yeux « A L’AIDE » écrit à la hâte sur toute la feuille

- J’ai bien évidement envoyé un groupe pour enquêter sur la situation le jour suivant avant l’attaque, renchérit le Duc

- Et personne n’a donné de signes de vie depuis, je suppose

L’Administrateur ne répondit pas, la réponse étant plus qu’évidente.

Le Juge retira son béret qu’il déposa sur le meuble et ses lunettes avant de passer sa main dans ses cheveux. Il était clairement cerné. En dehors de Mirona la situation n’était pas bien mieux. Le seigneur d’une petite ville aux alentours avait cessé de donner signes de vie depuis un moment. La première hypothèse qui surgit fut que celui-ci fut capturé par une bande de brigands où de mercenaires. Mais les jours avaient passés et aucune demande de rançon n’avait été faites. Plusieurs rapports stipulaient qu’elle n’a été ni rasée ni brulée. La seule chose qui semblait revenir souvent c’est qu’une atmosphère singulière planait autour de celle-ci et pour une raison inconnue, il était impossible de s’en approchait.

- Je ne vous apprends rien en vous rappelant la situation à Telven, reprit le Juge en fixant son interlocuteur à travers ses lunettes rondes

- J’ai moi-même envoyé des soldats sur les lieux pour s’assurer de ce qui se passe, répondit le Duc Belone, selon eux les habitants des petits hameaux autours de la ville sont tous d’accord pour dire qu’ils n’arrivent plus à approcher la ville sans tomber malade.

Le Duc s’adossa sur son siège et se mit à fixer le plafond comme s’il ne participait plus à la conversation, perdu dans ses pensés

- Ils disent aussi, continua-t-il, que les monstres attaquent plus souvent la zone

- Et avec ce qui vient de se passer ici, il est dur de croire que tout cela ne soit qu’une coïncidence et de nier que la magie n’y est pour rien

Le silence venait de se réinstaller dans la pièce alors que ces mots tombaient lourdement. Le Juge Rowan comprenait toute l’étendue de la situation et comprenait aussi la demande du Duc. Il n’était pas rare de voir des monstres se coordonner et organiser une attaque. Mais il était facile de les arrêter avant qu’ils ne se lancent. Cependant toutes ces actions posées étaient bien trop méthodiques pour être l’œuvre de vulgaires démons. Dans ce cas, cela sous-entendait qu’une personne était à l’origine de tout ça et comme le Duc l’avait fait remarqué, il n’était pas impossible qu’elle retente le coup. Une deuxième attaque mettrait à genou la ville et serait plus dévastatrice.

- Où est Dame Valto, demanda le Juge, que pense-t-elle de toute cette histoire ?

- Elle est en ce moment en train de vérifier l’état des barrières de la ville et celle de son Université, cette histoire l’a mise à cran. Elle aussi soutient l’hypothèse d’une attaque coordonnée

Le Juge Rowan devant l’importance de la situation fut obligé de prendre une décision

- Bien, je vous accorde un jour, je partirai demain à la même heure, dit-il d’un air déterminé en remettant son béret, je sais que c’est peu, mais c’est tout ce que je peux vous offrir

Le Duc avait réussi mais il espérait glaner plus de temps. S’il n’avait qu’un seul jour à partir de maintenant cela voulait dire qu’il devait commencer à agir dès ce soir. Il n’était même pas sûr de pouvoir aboutir à un résultat dans ces conditions. Toutefois il était reconnaissant et se résigna à accepter ce qu’on lui proposait.

- Ce ne sera pas assez mais je ne peux pas non plus abuser. Sa Majesté attend votre rapport, répondit le Duc en se levant de son siège. Je vous remercie Joseph pour votre compréhension

Joseph Rowan se dirigea vers la sortie après avoir fermement serré la main du Duc et mit au point certains détails. Complètement au courant de la situation, il était maintenant sur ses gardes.

- Je ne sais pas ce que vous comptez faire, Abraham, mais je vous conseille de faire le plus vite possible

- J’aurais au moins un coupable à présenter, j’en suis certain, rassura le Duc d’un grand sourire, mais que comptez-vous faire de votre côté ?

- Ce ne sont pas les tâches qui manquent. Je vais essayer de me renseigner sur la situation à Telven, au moins avoir une idée claire de tout cela. Le Roi saura que faire ensuite.

Le Juge sortit de la pièce laissant l’Administrateur seul. Descendant les marches d’un escalier, il se rappela des dernières paroles du Duc qu’il avait agrémenté d’un grand sourire. Il avait promis de trouver le coupable. S’il prétendait cela c’est qu’il avait d’immenses soupçons sur quelqu’un où qu’il avait à sa disposition des moyens suffisant pour arriver à ce résultat et la seule chose dont il avait besoin était du temps. La deuxième hypothèse était la plus probable car s’il avait eu un véritable suspect, il l’aurait déjà appréhendé. Le Juge Rowan questionnait ces moyens et leur nature. Il connaissait le Duc Belone, il savait que ce dernier était un homme pragmatique pouvant utiliser un grand nombre de tactiques et stratagèmes pour arriver à ses fins. Il espérait juste que ceux-ci ne feraient pas de victime inutile. Quoiqu’il en soit une chose était sûr et certaine, il reprendrait à coup sûr le contrôle sur le chaos qui s’était installé et le dominerait.

La jeune mercenaire Parika et le chevalier errant Elian avaient été escortés à travers les rues de la ville haute par un soldat. On les avait certes libérés mais d’après celui qui les guidait le Duc Belone voulait leur parler. Ils ignoraient de quoi celui-ci voulait s’entretenir avec eux et Parika espérait qu’il n’était pas revenu sur sa décision de les libérer. Quant à Elian, il ne se faisait pas de soucis. La seule chose qui le préoccupait était de savoir comment allait-il faire pour récupérer l’équipement qui lui avait été confisqué.

Les rues n’étaient pas plus bondées que d’habitudes. Des servants accompagnaient leur maître où effectuaient le chemin entre ce qui restait de la ville marchande et la ville haute. Parika marchait en baissant la tête. La seule chose qu’elle redoutait c’était qu’on la reconnaisse. Même s’ils n’avaient plus leurs chaines, l’état de pouilleux dans lequel ils étaient dénotait gravement avec l’ambiance générale de cette partie de la ville. De plus le fait qu’ils étaient tous les deux escortés par un soldat n’arrangeait pas la situation. Tous les regards étaient braqués sur eux. Elle espérait de tout son cœur ne pas tomber sur Clarissa où l’un des servants de la maison Splendor.

Après plusieurs minutes de marches, pieds nus à travers les rues ordonnées et pavées, ils étaient enfin arrivés devant un bâtiment surélevé dont la configuration extérieure laissait présager que ce dernier possédait de grandes pièces. On y entrait par une grande porte en montant trois marhces. Depuis l’extérieur l’on pouvait entendre des débats furieux se tenir. Plusieurs voix s’élevaient dans les airs et formaient un tumultueux brouhaha qui les accueillit alors que les portes s’ouvraient. Ils furent reçus par un soldat à qui on expliqua la situation et qui se chargea de prendre la relève dans l’escorte. Le hall sur lequel donnait la porte d’entrée était spacieux avec des portes de chaque côté donnant sur des amphithéâtres. En son centre se trouvait un escalier qui menait à l’étage. Ils les empruntèrent en ignorant totalement les amphithéâtres et le désordre qui y régnait. Ils furent ensuite guidés à travers un long couloir à l’écart de tout. Plus ils s’y enfonçaient plus les discussions se faisaient lointaines. Le petit groupe arriva en face d’une porte. Le soldat toqua la porte et l’ouvrit quelques secondes ensuite.

Les deux guerriers furent invités à entrer dans la pièce qui à première vue ressemblait à un bureau. Ils furent accueillis par deux silhouettes qu’ils connaissaient maintenant bien. La magicienne Péyé Péye Valto et le Duc Abraham Belone. Ils étaient tous les deux en plein milieux d’une vive conversation que les deux nouveaux arrivants avaient interrompu. A cause de l’atmosphère générale qui régnait dans le Temple de la Justice et de la distance qui les séparait, Parika n’avait pas eu l’occasion de voir la magicienne de plus prés. De tout le conseil, elle devait être la plus jeune. Le métissage de sa peau et les traits de son visage indiquaient qu’elle était kalrédanienne mais que l’un de ses parents étaient daharéites. Son accoutrement la faisait ressembler à une rebouteuse. Elle faisait partie de la classe noble de cette ville mais contrairement aux femmes aisées qui se pavanaient dans les robes les plus somptueuses faites des tissus les plus chers, la magicienne ne portait qu’une simple robe qui découvrait ses épaules et lui tombait jusqu’au tibia dévoilant ses pieds nus. Des bracelets de perles ornaient ses chevilles et elle avait attaché à sa taille, à l’aide d’une corde qui lui servait de ceinture, une peau brune d’un animal tacheté du sud. Se tenant au côté de l’Administrateur qui était habillé de manière plus conventionnelle, il était facile de voir qu’ils n’avaient rien en commun et qu’ils avaient tous les deux vécus des expériences différentes et dans des mondes différents. Et pourtant la première chose qui frappait de plein fouet en entrant dans la pièce, c’était l’ambiance décontractée qui dominait en dépit du fait qu’ils essayaient activement de régler les différents problèmes qui leur avait été soumis. Ils travaillaient en équipe pour trouver au plus vite les meilleures solutions.

En remarquant les deux nouveaux arrivants, la magicienne se précipita soudainement vers la jeune fille et saisi son visage entre ses mains. Même avec les joues qui comprimaient sa bouche lui donnant une grimace de poisson, il était facile de voir l’embarras et la gêne de Parika qui ne savait pas quoi faire.

- Quel magnifique surprise Abraham, dit-elle avec un immense sourire lui donnant un air hautement sinistre, quand vous disiez que nous aurions des invités, je ne pensais que vous parliez d’eux. Voilà une parfaite opportunité pour moi d’étudier le pouvoir de la Nordique

« Etudier mon pouvoir » pensa la jeune servante tétanisée par la peur alors qu’elle voyait dans les yeux de la magicienne des étincelles

- Alors quel est ce fameux « Jour dans les Abysses », est-ce un pacte démonique ? une malédiction peut-être ?

Confuse, Parika était impuissante face à l’assaut surprise de son adversaire qui avait instantanément pris le dessus sur elle.

- Vous semblez ne pas savoir vous-même, c’est dommage. Je vais devoir vous empruntez vos yeux dans ce cas. Restez immobile pendant l’opération, vous risqueriez de vous blesser

Complètement terrifiée, la jeune fille se débâti de toute ses forces pour se libérer de la magicienne qui relâcha son emprise. La servante, sur ses gardes, fit instinctivement des pas en arrière, presque en position de combat, tout cela sous le regard indifférent du chevalier qui donnait l’impression d’être étranger à tout cela. Devant l’expression de la jeune fille, Péye Péye qui garda un visage sérieux pendant tout ce temps éclata soudainement de rire

- On dirait que je vous ai bien eu, s’exclama-t-elle en reprenant son souffle, si vous voyez votre tête !

Parika ne comprit pas sur le moment, mais n’était toujours pas convaincu par le rire chaleureux de la magicienne qui avait aimé se jouer d’elle.

- Vous êtes cruel Dame Péyé Péye, s’exclama le Duc Belone sur un ton moqueur

- Je vous en prie Abraham, de nous deux, vous êtes le plus farceur, rétorqua-t-elle sur le champ

Elle essuya une larme après s’être calmé et replacé l’une de ses tresses derrière son oreille.

- Calmez-vous jeune fille, je rigole.

La jeune servante se décrispa petit à petit et se calma en voyant la magicienne reculer.

- Il faut bien rire dans des temps comme ceux-ci, dit-elle en se retournant vers le Duc, ce sont bien vos mots

- Mais effrayez cette pauvre demoiselle n’était pas nécessaire, rétorqua-t-il en guise de défense

Les deux nobles se lancèrent dans une petite discussion un peu plus légère, différente de celle qui avait été interrompu. L’ambiance environnante devenait plaisante et réconfortante, bien différente de la tension électrisante du Temple de la Justice. Une certaine chaleur douce et agréable planait au-dessus d’eux et la jeune servante fut obligé de se détendre, oubliant presque toutes les appréhensions qu’elle avait en venant à cet endroit. Elle ne savait toujours pas pourquoi ils avaient été convoqués et s’attendait pratiquement à tout. Elle n’eut pas le temps d’enchainer les questions dans son esprit que le Duc Belone se tourna vers ses invités pour s’adresser à eux sans tarder

- Dame Péye Péye peut être taquine par moment, excusez-la, dit-il en se tournant vers les deux guerriers, mais elle a bien raison, je dis toujours que dans les moments les plus sombres un bon rire allège toujours le cœur

Un sourire bienveillant décorait son visage, témoignant de sa bonne volonté et de son humeur. Parika ne savait pas si cette expression était un masque pour les rassurer ou si l’Administrateur était comme cela tout le temps.

- Vous vous demandez surement pourquoi je vous ai convoqué, dit-il sur un ton un peu plus sérieux, je préfère aller droit au but

L’atmosphère chaleureuse tomba en un instant. La pièce qui avant était rythmée par les rires de la magicienne était aussi silencieuse qu’elle ne l’a surement jamais été. Parika et Elian saisirent que ce qui allait être dit était d’une telle importance que cela n’avait pas pu être dit au Temple de la Justice

- Je veux que vous nous aidiez à mettre un terme à ce chaos

Ces mots s’écrasèrent comme un coup de masse dans la pièce. Le Duc les avait prononcés d’une voie déterminée et sans faillir. Il avait parfaitement conscience de son action. Il demandait à deux adolescents de les aider à mettre un terme à tout ce qui se passait en ce moment. Il avait l’intention d’envoyé des jeunes gens dans une situation où il avait perdu de nombreux soldats et dont il ne connaissait même pas la nature. Dans d’autres circonstances, il n’y aurait même pas pensé, ce serait juste inhumain. Mais il était à court d’options et il n’avait qu’une seule journée pour reprendre le contrôle des choses avant que quelque chose de pires ne se produisent. Son choix s’était porté sur eux dans l’immédiat, clairement ces deux jeunes gens n’avaient rien d’ordinaires adolescents. Il le voyait dans leurs façons de se tenir de scruter les gens. Selon les termes du Juge Falga « ils avaient réussi là où les soldats d’élites avaient échoué » et c’est pour cela que leur fait d’arme relevait du miracle à première vue. Quand il entendit lui-même les récits des différents témoins il n’y avait pas cru au début. Il ne savait pas comment les convaincre d’accepter mais il devait réussir. S’ils demandaient de l’argent, ce ne serait pas un problème, ils en auraient autant qu’ils le souhaitaient. Il fixa les deux guerriers qui n’avaient pas réagi à ce qu’il venait de dire. La magicienne décida de prendre la parole

- Nous pensons que la ville est encore en danger, dit-elle d’une voix calme et audible, et que l’attaque qu’elle a subie est le résultat d’un complot. Nous avons de sérieuses preuves qui le confirment

Le Duc Belone et Dame Valto commencèrent leur exposé des faits sans tarder. Ils dévoilèrent les informations qu’ils avaient réuni et jugeaient utiles et exposèrent leurs préoccupations. Une éternité semblait s’être écoulée et Parika essayait de suivre, du mieux qu’elle pouvait, ce qui se disait, même si elle manquait les parties qui étaient un peu trop techniques. D’après ce qu’elle avait compris, la barrière qui encerclait la ville et empêchait les monstres de ressentir la pratique de la magie avait été entrouverte et avait donc attiré les démons vers la ville. La magicienne répara immédiatement cette dernière pour éviter que d’autres ne s’en approchent.

- Même si ce problème est écarté, cela n’explique toujours pas comment des monstres ont pu être attirés, finit-elle par dire, où le fait qu’ils soient passé par les égouts de Mirona. La barrière qui entoure l’Université est restée intacte

Le Duc pensait qu’ils seraient beaucoup plus réactifs, mais ceux-ci restèrent de marbre face à ce qui venait de leur être dévoilé. Il aperçut cependant le chevalier serrait ses poings, tremblant presque. Ils devaient surement penser qu’on les utilisait pour faire le ménage et devaient être fou de rage. C’était totalement compréhensible, cependant c’était quelque chose qu’il fallait effectuer le plus vite possible et dans le plus grand secret.

- Ne vous inquiétez pas, dit-il en tentant de les calmer, je sais qu’une mercenaire et un chevalier errant ne travaillent pas à l’œil. Vous serez payé pour vos services. Dites-moi combien vous vous voulez ce ne sera pas un problème

Il espérait susciter une réponse de l’un d’eux au moins, mais ce fut encore le silence total. Le chevalier resta immobile. Avec son heaume sur la tête il était difficile de prédire à quoi il pensait. Tout ce qu’on distinguait c’était ses poings tremblant par moment. Quant à la jeune fille, elle semblait perdue dans une énorme bourrasque interne. La magicienne commença à sentir un malaise intense. Il ne provenait pas du silence gênant qui s’était trop longtemps installé mais plutôt d’une chaleur pesante qui avait soudainement fait irruption. Le changement de la température n’étant pas naturel, elle en déduit que cela était dut au chevalier qui bouillant de colère influait cette dernière. Elle avait cru comprendre qu’il était un guerrier de Lode pyrokinétique, un Croisé de la Flamme. Elle décida d’intervenir avant qu’il n’enflamme toute la pièce.

- Ne vous énervez pas, s’exclama-t-elle sur un ton réconfortant, puis en faisant apparaître un éventail dans sa main gauche. Calmez-vous Croisé, vous risquez de tous nous brûler. Nous avons parfaitement conscience que ce que nous vous demandons est irrationnel et dangereux, mais comprenez que vous êtes en ce moment les seules personnes à qui nous pouvons faire appel dans un moment pareil. Négociez votre prime avec le Duc et si nécessaire je m’engage à rajouter une bourse pleine pour chacun. Si l’argent ne vous convient pas, il y a …

- Etes-vous sur de ce que vous dites, quelqu’un est à l’origine de cet assaut ?

La question subite du chevalier déséquilibra la magicienne qui ne sut pas comment répondre. De plus la chaleur qui commençait à envahir les lieux se dissipa immédiatement, comme si le guerrier avait repris le contrôle sur lui-même. Elle en eu pour preuve ses poings qui s’étaient relâchées. Il avait posé sa question d’une voix calme et posée, métallisée par son casque. Le Duc reprit la parole, voyant que sa collègue restait muette

- Oui, il n’y a aucun doute sur la question. Vous êtes habitués à tuer des monstres, chevalier, vous l’avez surement remarqué

- J’accepte, répondit-il immédiatement

Sans hésitation, son comportement et sa réponse étonnèrent à son tour le Duc Belone qui s’apprêtait déjà à se lancer dans des négociations furieuses au cas où ils refuseraient. Un poids énorme se leva de sa poitrine alors qu’il remerciait la Providence pour son aide. Il s’empressa de le remercier pour son geste

- Ne vous inquiétez pas, votre récompense vous attendra à votre retour

- L’argent ne m’intéresse pas pour le moment, payez-moi ce que vous voulez, interrompit son interlocuteur, déterminé à traquer sa cible. L’important c’est de tuer les démons

Sa manière de parler et de penser étaient singulière, presque troublante. C’est comme s’il n’avait que cela en tête, tuer des monstres. En faire une profession n’était à la fin qu’un prétexte comme un autre pour défouler la colère qui émanait de lui quelques secondes plus tôt. La magicienne commençait à questionner la santé mentale du jeune homme qui se cachait sous le casque et maintenant émettait quelques réserves quant à son implication dans cette histoire. Même si, en y réfléchissant, rien ne l’aurait empêché de s’en mêlait dans le futur si l’on avait pas fait appel à lui. Le Duc en avait surement conscience depuis le début mais il se doutait bien qu’employer deux vétérans avait ses risques.

Cependant même si Elian avait déjà accepté la tâche ce n’était pas le cas de Parika qui resta immobile. Elle était prise dans un déluge de pensées qui inondait son esprit. Que devait-elle faire ? c’était une question qui revenait essentiellement dans son esprit. Depuis qu’elle avait saisi l’arc et les flèches, utilisé le pouvoir des yeux de saphir, elle n’avait fait que des cauchemars. Des souvenirs de son passé qu’elle avait préféré enfouir dans les sables du temps refaisaient surface et la hantaient continuellement à chaque fois qu’elle fermait les yeux. Ses vieilles habitudes refaisaient irruption et son comportement quelques minutes plus tôt avec la magicienne en était une preuve parfaite. Elle commençait à regretter de n’avoir aucune arme sur elle. Et pour couronner le tout, elle était sûr de rencontrer des monstres, ces bêtes horribles qui avaient presque eu raison d’elle durant l’attaque. Sur le long terme ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle ne puisse plus vivre à Mirona. Elle ne pouvait plus rentrer au Valkerham et elle n’avait aucun autre endroit où aller, Clarissa et sa petite famille étaient devenus les seuls sur qui elle pouvaient compter. Elle ne pouvait se permettre de les perdre, c’était inconcevable, inacceptable. Ces derniers mots résonnèrent dans son esprit tels de lointains échos alors qu’elle leva la tête vers l’assemblée. Parika sentait toute l’attention être porté sur elle en un instant, elle n’avait encore rien dit

- Alors jeune demoiselle, dit le Duc en s’adressant à la jeune fille, qu’en dites-vous. Je comprends que vous avez abandonné la voie des armes pour une bonne raison, ne vous sentez pas obligé d’accepter. Je ne vous en tiendrais pas compte

Néanmoins il fallait se décider et après plusieurs secondes de réflexions supplémentaires, la réponse qu’elle devait donner était plus qu’évidente

- Si les traces sont intactes, commença-t-elle par dire, il ne sera pas difficile de savoir ce qui est arrivé à vos hommes, messire. Je suis bonne pisteuse, ce ne sera pas un problème. Et si vous dites que quelqu’un est derrière tout ça, on pourra facilement le retrouver

Le visage du Duc et de la magicienne s’illuminèrent aussitôt. Tous deux étaient persuadés qu’elle refuserait. La servante avait mis longtemps avant de fournir une réponse et semblait réticente à l’idée d’accepter une telle tâche. En y pensant qui accepterait pour tout l’or du monde de se lancer aveuglément à la poursuite d’un tel ennemie sans y réfléchir préalablement.

Parika était convaincue, persuadée, que cette réponse était la seule qu’elle pouvait donner. Même si elle était sûr de faire face à des démons, l’idée que la ville et ses habitant soient toujours en danger et par la même occasion, Clarissa et les enfants, l’effrayait encore plus. Savoir qu’elle pouvait les perdre eux aussi la détruisait de l’intérieur plus que tout. Elle avait joué de chance la première fois quand elle tomba par hasard sur Germo et Luna durant l’attaque, dans d’autres circonstances, ils n’auraient jamais survécu. Si son aide pouvait prévenir que quelque chose de cette ampleur ne se reproduise, elle ne pouvait pas juste tournait les talons et s’en allait. Elle ne ferait pas honneur à son maître et à ses enseignements. La jeune fille tourna la tête vers le chevalier qui la regardait après qu’elle ait donné sa réponse. Elle savait qu’elle était en sécurité s’il l’accompagnait. Si elle se concentrait, elle pouvait, elle aussi être capable de le soutenir.

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