Chapitre 1 . Une nouvelle vie (pt - 1)

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Le milieu de la journée était le moment durant lequel les rues boueuses et larges de la ville de Mirona étaient les plus actives. Les trois cents cinquante mille âmes de cette ville évoluaient dans un surprenant mélange hétérogène composait de mendiants en haillons, toujours en quête de quelques piécettes pour subsister, assis sur le bord des rues ; de marchands, concentrés sur la place du marché, tentant de vendre leurs produits venus des quatre coins du monde en vantant leurs mérites ; d’ouvriers, s’affairant et s’acharnant dans leurs ateliers et ne se laissant jamais distraire par l’atmosphère ambiante et palpable de la ville ; de nobles, s’accompagnant toujours d’un petit cortège de serviteurs durant leur promenade ; de gardes avec leur plastron de fer blanc, patrouillant la main sur le pommeau de leurs épées assurant ainsi la sécurité des habitants et enfin de voyageurs et autres étrangers, venant des royaumes aux alentours, attiraient dans la deuxième plus grande ville du royaume de Kalrédan par sa bibliothèque de renommé mondiale, ces prestigieuses universités ou par la promesse d’une meilleure vie.

Parika Tenzo faisait partie de la catégorie des voyageurs. Elle venait des terres gelées du Nord et avait voyagé pendant plusieurs semaines en suivant un convoi de marchands. Ils avaient été assez gentils pour la laisser s’incruster en échange de quelques services rendus comme l’entretien de leurs bivouacs et la préparation des repas. C’était la seule solution qui s’était présentée à elle, ne pouvant pas s’offrir les services d’une caravane de transport, devenu beaucoup trop cher ces derniers temps. Son visage était creusé par la fatigue du voyage mais il s’éclaircit soudainement quand, après des jours passés à traverser une forêt réputée dangereuse, ils étaient enfin arrivés devant les grandes murailles de la ville. C’étaient d’immenses remparts gris dont on pouvait apercevoir au sommet de ces derniers, pour peu qu’on y prête attention, des canons pointés vers l’entrée de la forêt qui encerclait la grande ville. Assise à l’avant du chariot qui l’avait transporté durant tout le voyage, ces yeux s’étaient illuminés devant la splendeur de la ville qui se découvrait peu à peu après avoir passé les grandes portes. Elle avait traversé de nombreuses villes pour venir jusqu’à Mirona mais elle n’avait jamais vu de pareil cité. Les quartiers de la ville basse étaient dessinés par de hautes maisons à pans de bois avec plusieurs étages, serrées les unes aux autres, possédant pour la plupart une peinture décrépite. Elles avaient quelques fois des boutiques à leur rez-de-chaussée. Les rues étaient tantôt boueuses, tantôt pavés avec quelques touffes d’herbes qui poussaient çà et là. C’était à cet endroit que l’essentiel de l’activité était concentrée. Au loin, on pouvait apercevoir de magnifiques tours fièrement dressées et quelques maisons bien plus ornées que les autres sûrement localisées dans la ville haute là où vivaient sans aucun doute tous les notables de la ville de Mirona. La caravane se frayait un chemin à travers la foule pour rejoindre la place centrale où était installé le marché. Parika profita de ce moment pour admirer les différentes personnes qui s’approchaient assez prêt des chariots, tentant de repérer quelques articles intéressants. Elle fut surprise par la diversité des gens qui habitaient cette ville. L’homme qui était assis à côté d’elle et qui tenait les rênes des chevaux remarqua l’étonnement de sa passagère et ne manqua pas de le lui notifier

- Alors, c’est beau, hein ! Mirona, çà c’est une ville, s’exclama-t-il, c’est vraiment la première fois que tu viens ici ?

- Oh oui, répondit-elle avec entrain, j’en avais déjà entendu parler mais je ne pensais pas qu’elle ressemblerait à ça.

- Hum, si tu voyageais plus tu verrais que le Continent regorge de villes aussi spectaculaires que celle-ci.

Après plusieurs minutes de manœuvres à travers les rues de la ville, le convoi atteignit enfin le marché, une grande place au centre de la ville où d’autres caravanes avaient déjà pris leurs marques. Les chariots furent arrêtés, leurs occupants posèrent le pied à terre et sans tarder ils commencèrent à s’installer. Parika, prise dans le mouvement général, aida les marchands à décharger leurs marchandises et à installer leur échoppe. Cependant elle ne pouvait pas se concentrer pleinement à sa tache tant elle était distraite par l’ambiance et les gens affluant des différents horizons du Continent qui sillonnaient le marché.

- Mirona peut-être assez déroutante dés fois, lui lança un des marchands, quand on en a pas l’habitude, voir autant d’étrangers au même endroit …

En effet la place du marché de Mirona avait le privilège de pouvoir concentrer toutes les populations du Continent en un seul endroit. A cause de la Loi des Royaumes qui contraignait les personnes à ne portaient uniquement que les couleurs de leur pays d’origines, le marché de Mirona avait la particularité d’être un festival de couleurs. Les hommes à la peau foncé venant des contrés désertiques de Dahara avec le haut de leur tête enroulé dans des tissus de couleur jaune, déchargeaient des paquets de leur de montures bossus ; Les femmes venant du royaume d’Helréina à l’ouest, reconnaissable par leurs écharpes et leurs robes baignés dans les teintes de rouges, négociaient avec fureur les prix de leurs marchandises , les libraires itinérants, venus de Shan à l’est, vêtus de tuniques où de vestes couleurs marron et beige, disposaient sur leurs étales leurs différentes acquisitions faites aux cours de leur voyages et les marchands fraîchement arrivés du Valkerham au nord, tous vêtus de bleu, discutaient déjà avec de potentiels clients tout en installant leur commerce. Tout ce beau monde se confondait parfaitement aux natifs de Kalrédan reconnaissables grâce à leurs vêtements de couleur vert qui se frayaient un chemin à travers le marché bondé. Une des marchandes du convoi continua sur cette lancé

- Moi ça doit bien faire un an que je n’ai pas remis les pieds ici, mais je ne crois pas avoir le souvenir qu’il y ait autant de voyageurs.

- C’est normal, renchérit une de ces collègues, récemment ils viennent d’ouvrir une Université d’apprentissage magique, résultat : pleins de p’tits magiciens ont fait la route jusqu’ici !

- Une université de magie ! répondit-elle effrayée

Parika commença soudainement à prêter attention à la conversation tout en descendant du chariot un tas de peaux animales

- Ha ! c’est bien un coup à s’attirer les monstres si vous voulez mon avis, continua l’un d’eux, ces bêtes vicelardes sont excités par la sorcellerie.

- Mais ils ont expliqué qu’il n’y avait aucune chance que les monstres puissent la détecter, répondit l’un d’eux, et que même s’ils la ressentaient, ils ne pourraient jamais traversés les murailles.

- J’y crois à moitié à leurs histoires, tout ça c’est pour endormir les gens.

La jeune fille descendait les derniers coffrets du chariot tout en écoutant la conversation qui suivait son train. Il n’avait pas tort. La forêt qu’ils venaient de traverser pour atteindre Mirona avait mauvaise réputation. Par le passé, plusieurs chasseurs s’y étaient perdus en traquant leur gibier et n’avait été retrouvés que des mois plus tard, complètement mutilés, méconnaissables. Certaines nuits on pouvait entendre raisonner à travers toute la ville des rugissements de chimères. Plusieurs explorateurs qui avaient aidés à tracer les routes les plus sûrs et les cartes de cette forêt ont recensé l’existence de goules, d’esprits maudits et de wargs à plusieurs endroits. Parika avait conscience que les monstres se trouvaient sur la totalité du Continent et le simple fait de se savoir encerclé par ces derniers ne la réjouissait guère mais de toute évidence elle n’avait pas l’intention de se promener dans les bois.

Le déchargement terminé, l’homme qui l’avait transporté durant tout le voyage et les autres marchands la remercièrent chaleureusement pour sa précieuse aide et son agréable compagnie. Elle les remercia à son tour car sans eux elle aurait sûrement mis plusieurs mois avant d’atteindre sa destination. La regrettant avant même qu’elle ne s’en aille, on lui proposa même de rester et de faire partie du groupe. Cela aurait était une occasion en or pour elle, elle aurait eu la chance de découvrir d’autres endroits tout aussi merveilleux que Mirona mais elle dut décliner l’offre. On lui avait donné des instructions, elle devait venir à Mirona et y restait si elle ne voulait pas avoir d’ennuis. Munit de sa sacoche qui contenait ses affaires et d’une cape sur le dos, elle s’éloigna donc du marché pour se diriger vers une autre partie de la ville, le quartier des ouvriers. Elle ne connaissait personne dans cette grande cité. A son départ de Valkerham on lui avait juste donné une maigre bourse et une lettre à remettre au lieutenant Clarissa. On lui avait dit que dans cette ville elle pourrait sûrement l’aider. Le temps commençait à changer, des nuages s’amoncelaient dans le ciel et cachaient déjà le soleil. Un vent doux souffla et fit se soulever sa cape. Parika fit passer une de ses mèches de cheveux derrière son oreille. Ce vent avait charrié avec lui une douce odeur qui retenu l’attention de la jeune fille. Elle provenait d’une boutique d’où un pâtissier sortit tenant un plateau garnit dont il disposa le contenu sur une table en face de sa boutique. Parika s’en approcha pour admirer les gâteaux. Ses yeux pétillaient d’envie et d’excitation, elle en bavait presque. Elle n’avait jamais vu autant de pâtisseries au même endroit. Elle voulut toutes les achetés mais elle déchanta rapidement en se rendant compte qu’elle n’aurait pas assez d’argents et qu’elle le regretterait amèrement si elle laissait son addiction s’emparer d’elle.

- Vous devriez essayer la spécialité de la boutique, mademoiselle, les beignets fourrés ! dit le pâtissier en lui présentant un beignet gros comme un poing

Elle n’avait qu’une envie, c’était de le croquer à pleine dent. Mais elle dut refuser l’offre, déçut, et s’en aller à grande vitesse avant de commettre une bêtise.

Parika avait atteint le quartier des ouvriers après avoir demandé son chemin à plusieurs reprises. Ce quartier était séparé du reste de la ville par la rivière qui la traversé de part en part. Pour le rejoindre il fallait traversait un pont de pierre que les piétons partageaient avec les charriots transportant diverses fournitures. Ce quartier se distinguait par son activité particulière. On aurait dit une seconde ville composait uniquement de fourmis n’étant concentrées que par leur seule tâche. C‘était à cet endroit que la plupart des boutiques du marché et de la ville avait leurs ateliers. Les boutiques ne servaient que de vitrines quand une grande partie de leur travail s’effectuait dans cette partie de la ville. Cependant c’était aussi ce côté de la ville qui était réputé le plus malfamé. Les agressions et les vols y étaient monnaie courante et les raquetteurs et autres brigands pouvaient se promener à l’air libre sans se soucier des gardes. Si l’on n’était pas un habitué des lieux, extrêmement méfiant où bien accompagné de gardes du corps on pouvait facilement se retrouver dans une ruelle, nu, la tête dans la boue. Et ça Parika l’avait bien compris en y posant le pied. La jeune fille avait remarqué que dès son entré dans le quartier, trois hommes, devant qui elle était passée et qui l’avaient sifflée, la suivait. Elle essaya de les semer en pressant le pas et en passant entre des porteurs de tonneaux et des coursiers, mais ils étaient coriaces et ne semblaient pas vouloir la lâcher. Sa robe bleue ne l’aidait pas vraiment à se cacher. Quand l’opportunité se présenta, elle bifurqua soudainement dans une rue étroite et sombre, dans une dernière tentative pour disparaître de leur champ de vision. Elle y resta pendant quelques minutes, dos contre le mur, cachée par des caisses en bois et attendant patiemment que son souffle revienne à la normale. Ces poursuivants semblaient l’avoir perdu de vue et c’était bien. Le plus important pour elle c’était d’éviter de se faire remarquer, ce qu’elle avait réussi à faire jusqu’ici et ce n’était pas trois rapaces qui allaient tout gâcher. Mais à peine fut-elle remise de cette course que deux autres hommes, qui l’observaient depuis le moment où elle avait tourné, se rapprochèrent d’elle. Ils étaient un peu plus grands que la jeune fille et l’un d’eux avait un visage de renard avec un air malicieux gravé dessus et un sourire fait de dents jaunis. Mais le plus important c’est qu’ils étaient armés et donc bien plus dangereux que ceux qu’elle avait rencontré en premier.

- Alors gamine, on se promène, lui lança l’un des gaillards tout en s’avançant de plus en plus, ou bien t’es perdus c’est ça.

- Non, non …

Il avait bloqué Parika contre le mur et avait posé sa main contre ce dernier pour avorter toute tentative de fuite. Une sensation de malaise grandissant s’était vite installée.

- Qu’est-ce que … qu’est-ce que vous me voulez ? réussit-elle à articuler avec ce qui ressemblait à un sourire embarrassé, si vous me détroussez, vous serez bien déçu, je n’ai pas un sou vaillant

Le deuxième homme qui était resté en retrait se mit à ricaner, avant de répondre

- Tu te fais des idées, nous on veut juste t’aider. Tu es une étrangère n’est-ce pas ? T’as un p’tit accent mais tu causes bien notre langue. On peut te donner autant d’argents que tu le désires, et même un bon travail.

- Et que dois-je faire, demanda-t-elle

Une main s’approcha de son visage et le saisit par le menton.

- T’es plutôt mignonne, tu sais, dit-il en constatant les traits fins de son visage, il te faudra juste passer du bon temps avec nos clients, rien de compliqué.

Des proxénètes. Parika soupira un coup à l’entente de la proposition. Elle savait qu’il n’y avait qu’une seule issue à tout cela et c’était cette idée qui lui faisait peur. Elle voulait leur parlait et avec un peu de chance elle pensait pouvoir leur faire entendre raison et les faire renoncer

- Je suis désolé, mais je ne peux pas vous accompagner. Les gens me disent souvent que je suis de mauvaise compagnie, paraîtrait que je porte malheur, dit-elle avec un rire nerveux, si vous m’engagez je ferais couler votre affaire en un rien de temps

Les visages de ses interlocuteurs changèrent du tout au tout comme s’ils attendaient à une réponse positive de sa part. Celui qui avait utilisé son corps en guise de barrage pour piéger la jeune voyageuse rapprocha son visage du sien et dit d’un ton plus grave et menaçant.

- Ce n’est pas comme si tu avais le choix alors tu vas nous suivre gentiment et sans faire d’histoire, compris. Je …

Il n’eut pas le temps de terminer phrase qu’un cri de douleur s’échappa de sa bouche. En un mouvement rapide et fluide Parika avait d’une main saisit celle du bandit pour la tordre et de l’autre avait dégainé une dague cachée sous sa cape dont elle posa la pointe sous le menton de sa proie.

- ARGH !!! lâche-moi salope !

A ces mots elle relâcha son emprise avant de faire passer sa main derrière la nuque de son assaillant et sans hésiter frapper la tête de ce dernier contre le mur derrière elle, dans un mouvement énergique. Un bruit sourd se propagea dans l’air avant qu’il ne s’effondre sur le sol. Le second, pris de surprise tenta de dégainer son épée mais Parika, en une fraction de seconde, avait déjà comblé la distance qui les séparait l’empêchant de se saisir de son arme. Il voulut se débattre et la repousser mais il remarqua, bien trop tard, qu’il était dos au mur opposé et que la jeune fille avait pointé sa dague sur son ventre. Il tremblait comme une feuille

- Un geste et je répands tes tripes sur le sol, dit-elle d’un ton plus sérieux.

Il commençait à transpirer à grosses gouttes. Il n’imaginait pas que cela pouvait se passer comme ça. Ils avaient déjà eu affaire à des filles belliqueuses et rebelles mais pas à ce point-là.

- Range ton jouet gamine, tu risques de blesser quelqu’un avec, dit-il en essayant de se rassurer, tu n’oserais pas faire ça

- On parie, répondit-elle automatiquement, combien vaut ta vie et celle de ton compagnon ?

L’intonation dans la voix de cette fille qu’ils avaient piégée avait changé. Elle était bien différente des autres filles qu’ils avaient rencontrées, et cela il put le constater quand il plongea son regard dans celui de Parika. Ces yeux trahissaient le sang-froid d’une vraie machine à tuer. Il s’y voyait mourir en se vidant complètement de son sang et par moment il jurait les voir s’illuminer. Devant la pression qui s’exerçait sur lui, il abandonna. La voyageuse s’assura de la décision de son assaillant avant de reculer ensuite d’un pas et de rengainer sa lame. Elle observa alors l’homme qui semblait menaçant quelques minutes auparavant devenir aussi inoffensif qu’un agneau, se précipiter vers son ami et le porter avant de s’éclipser. Parika eut un petit sourire presque bienveillant au coin de la lèvre avant de mettre sa capuche sur la tête et de rejoindre la grande rue. Se fondant dans la foule comme une ombre, elle leva les yeux vers un ciel remplis de nuages tout en repensant à ce qui venait de se passer « Moi qui devait rester discrète, c’est raté ! » pensa-t-elle.

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