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François Vergnier a été invité pour le repas du samedi midi chez les parents de Jules, histoire que ce dernier se fasse pardonner la vitre brisée. Un peu aussi par curiosité, et puis, un peu par compassion.

— Pauvre homme avait dit la mère, et si on l’invitait ?

— Pourquoi pas ? Avait dit le père.

Tu seras sage, hein Jules ?

Jules avait fait la moue, acceptant sans un mot, au grand contentement de Claude, dite Nine, qui était encore à l’âge magique où les histoires racontées par les grands sont toujours merveilleuses. Elle en avait la preuve, car son propre frère tenait un rôle épique, quasi-chevaleresque, dans cette histoire de vitre brisée, de monsieur pas content qui a des malheurs parce que la maman est morte et que la petite fille aussi elle est morte, il y a longtemps. Alors, y’a plus que lui.

Bientôt se fait entendre le moteur de la Peugeot.

La voiture s’arrête non loin de la porte d’entrée et la vitre s’abaisse laissant apparaître le visage inquiet de François Vergnier.

— Je ne suis pas trop près de la maison au moins ? Vos fleurs ne risquent-elles rien ? Je ne gêne pas dans l’allée ?

— Mais non Monsieur Vergnier ! Et voilà que vous arrêtez votre voiture à l’emplacement exact qui devait être le vôtre. N’est ce pas extraordinaire ?

Cela fait sourire François, de ce sourire qui fend le regard de petites lumières qui cherchent à danser.

- Vous êtes aimable de partager ma situation, que tout le monde tient pour un drame, à voir, comme qui dirait, en biais. Les gens me croisent et se détournent, ça murmure.

Il est vrai que depuis l’épisode de la méditation où on l’a cru mort, renversé la tête en bas dans sa voiture, le quartier oscille entre une indifférence polie et une forme d’agressivité chuchotante.

— Laissez dire Monsieur Vergnier. Vous avez reçu un choc. C’est bien normal d’être bouleversé par la mort. Jusqu’à passer cul par dessus tête ! Ha ha !

— Nathan ! Tu ne peux pas rire comme ça ! C’est de très mauvais goût !

— Laissez rire, madame Leyre ! Je trouve ça très drôle, cul-par-dessus-tête ! Ha oui, c’est tout à fait ça, j’étais dans la voiture, cul par dessus tête, c’est sûr, ça fait drôle au petit matin dans la rue. Mais voyez-vous, je me suis endormi.

— Tout le quartier a pu le constater.

— Etre tâté par un boucher au petit matin, il y a mieux comme réveil.

— Nathan !

— Laissez, madame Leyre ! Ha ha ! Tâté par un boucher ! J’en pleure. Regardez, je pleure, alors que je n’ai pas pleuré pour la mort de Nathalie.

— En tout cas, nous tenions à vous présenter nos sincères excuses pour la vitre. N’est-ce pas Jules que tu es désolé ?

— Laissez monsieur Leyre, vous savez, les enfants veulent apprendre, c’est pour ça qu’ils font des bêtises.

Le repas se passe agréablement, dans le jardin.

— Ha bien ! Voilà Bandit ! On l’appelle Bandit, c’est un nom de chien vous allez me dire, mais c’est une chatte. Elle a toujours faim. Ses caresses sont intéressées. Elle vient d’avoir des petits, elle a faim. Cinq chatons, vous vous rendez compte ! C’est beaucoup trop.

— Vous voulez dire ?

— On va devoir les noyer.

— Ha non ! Non non, enfin, pardonnez moi, mais ce que je veux dire c’est que voyez vous j’ai toujours aimé les chats, vous savez c’est ma bestiole préférée avec les oiseaux même c’est sûr c’est pas facile mais je leur donne du lait. Voilà. Et des graines pour les oiseaux.

— Ha. Bon. Dans ce cas. Alors vous pouvez en choisir un.

— Un seul ?

— Rassurez-vous les autres sont retenus, je ne sais pas lesquels, on m’a dit « j’en prends un » ou j’en prends deux ». Heureusement, car ils sont déjà bien grands. Ce que c’est que les enfants, ils s’attachent. Enfin voilà, personne n’est encore venu.

— Votre jardin est plus beau que le mien.

— les parterres de fleurs sont secs.

— C’est difficile de choisir.

— Il faut arracher. On plantera à l’automne. Peut-être des gerberas, ou des glaïeuls, c’est facile, ou encore des azalées j’aime bien aussi les iris et les myosotis c’est un peu fragile il faut la bonne exposition. Enfin pour ce que j’en dit. Je n’aime pas le jardinage.

— Alors au hasard ?

— Peut-être.

— Pourquoi pas.

— Alors celui-là.

— Les enfants vous l’amèneront tout à l’heure, qu’en pensez-vous ? Le pauvret, si jeune et déjà sans sa mère.

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