Chapitre 15

7 minutes de lecture

16 août 2020


Avec ce que j’ai appris hier, je n’ai plus envie de rien faire. Toute cette histoire est tellement dingue. En commençant mon enquête, je n’aurais jamais imaginé le passif de mes ancêtres. C’est dingue. Dire que tout ça s’est passé ici, il y a plus de cent cinquante ans… Je n’arrive toujours pas à y croire. J’avais longuement hésité à en parler à mes parents. J’avais pesé le pour et le contre avant de prendre ma décision : mieux valait garder tout ça secret. Je ne pense pas que leur dire qu’il y a eu un triple homicide suivi d’un suicide dans leur chambre soit une bonne idée. Ni que l’esprit dans la cave est une petite fille qui a le même âge que Julie. Et encore moins que sa tombe est cachée dans la propriété.


Par contre, j’en avais parlé à ma sœur. C’était grâce à elle que l’enquête avait fait un bond. Si elle n’avait pas parlé à Adélie, je n’aurais sans doute pas continué à lire les carnets. Je ne lui avais pas tout raconté. C’est une enfant, je ne veux pas la traumatiser. Je lui avais compté les événements principaux, et encore, dans les grandes lignes. Elle sait juste qu’Adélie avait été enfermé par son père dans la cave, et que, seule une de ses sœurs avait survécu assez longtemps pour devenir adulte. J’avais ajouté qu’Adélie ne pouvait pas s’éloigner de la cave très longtemps. Ses yeux reflétaient sa peur lorsque j’avais commencé. Mais à la fin, la lueur apeurée n’était plus là. Elle semblait contente que tout ça soit dernière nous.


« Maintenant que tu sais tout, elle te laissera tranquille ? Elle ne te fera plus de mal ?


- J’imagine qu’elle ne s’en prendra plus à moi. Tu n’as plus à t’en faire.


- Ne le dis pas à papa et maman. Ils nous gronderaient. Et je pense qu’Adélie ne sera pas d’accord. Sinon, elle leurs aurait montré les carnets, non ? »


Julie soulevait un point important. Pourquoi Adélie m’avait choisi moi ? Pourquoi elle avait placé la poupée de Julie pile à côté des carnets ? Je ne peux pas penser une seconde que cela soit une coïncidence. Il devait forcément avoir une explication à cela.


J’avais pris ma petite sœur dans mes bras pour lui faire un bisou sur le front. Elle m’avait alors agrippé pour me faire un câlin. J’avais sorti mon téléphone pour prendre une photo de nous deux. Julie avait un grand sourire. Derrière, on me voyait faire la grimace. Cette photo respirait la joie de vivre. Je l’avais mise en fond d’écran, remplaçant ainsi une photo de nous qui datait de l’an dernier. J’avais fini par la lâcher. Midi approchait et je devais aller faire à manger. J’aime cuisiner avec ma mère le dimanche. On trouve toujours de bon petits plats à cuisiner qui plaisent à tout le monde. Juste avant de franchir le seuil de la porte, Julie m’avait dit :


« Je t’aime grand frère.


- Je t’aime aussi Julie. »


Ma sœur représente tout pour moi. C’est grâce à elle que j’ai pu tenir le coup. Elle est ma force. Je l’aime bien plus que personne d’autre. C’est pour ça que je comprends pourquoi Charlotte a agi ainsi. Elle ne pouvait se résoudre à abandonner sa sœur. Quand bien même ses actions, même si elle avait tué son enfant, même si sa présence lui était douloureuse. Elle l’aimait.


J’avais refermé la porte. Julie avait déjà pris ses poupées pour jouer. Avec enthousiasme, j’étais allé dans la cuisine. Ma mère préparait un poulet rôti. Elle était en train d’étaler de la moutarde sur la peau. Elle avait arrêté son geste lorsque j’étais entré dans la pièce :


« Tiens donc, que me vaut l’honneur de cette visite ?


- Je viens aider la cuisinière ! »


Elle avait rigolé et m’avait tendu les haricots verts :


« Equeute les s’il-te-plait. Ensuite il faudra les faire cuire. »


Je m’étais efforcé d’effectuer ma tâche avec application. Il y avait longtemps que je ne l’avais pas aidé à faire la cuisine. Ma mère est souvent absente la semaine. Pouvoir passer du temps avec elle le week-end faisait du bien. En plus, elle cuisine vraiment bien. Grâce à tous ces conseils, je m’améliore un peu. Il faut dire que je n’ai pas hérité de son talent. Sur ce point, je tiens de mon père !


Lorsque je ne pouvais rien faire de plus, j’étais sorti de la cuisine. Mon père taillait la haie devant la porte du garage. Le jardinage, c’est son passetemps favoris. J’allais retourner dans ma chambre en attendant le repas, mais j’eu une autre idée. En fixant les escaliers, je m’étais redu compte du pourquoi Adélie m’avait choisi, moi. Pour laisser cette histoire définitivement derrière moi, je devais descendre une dernière fois.


J’avais pris mon courage à deux mains et avais descendu les marches. En les franchissant, j’avais imaginé tous les pieds qui l’avait foulé jusqu’ici. Toutes les générations depuis Charlotte, jusqu’à Julie. J’étais devant la cave à présent. Je n’avais pas envie de rentrer à l’intérieur. Cela m’oppressait plus que de raison. Je m’étais placé devant la porte et avais frappé trois coups :


« Adélie, je suis venu pour te parler. »


Je ne sais pas trop à ce que je m’attendais. Je dirais que je voulais sans doute qu’elle me réponde. Mais il y avait qu’un grand silence et un froid à peine perceptible. Autrefois, j’aurais eu peur. Autrefois, j’aurais détallé les jambes à mon cou. Maintenant, ça n’était plus le cas. J’étais très serein, calme et maître de mes émotions. Il n’y avait aucun signe de réponse, me signifiant qu’elle m’écoutait. Je m’apprêtais à m’en aller quand j’avais perçu un bruit de respiration. Elle était là, derrière la porte. Seul un morceau de bois nous séparait l’un et l’autre.


« Je sais tout. J’ai tout lu. Je voulais te dire que je suis désolé pour toi. Tu ne méritais pas qu’on te traite ainsi. Tu ne méritais pas de te faire enfermer ici. Je sais que tu perds la mémoire. Tu ne te souviens plus de ta sœur et de qui tu étais. Tu ne veux pas oublier. Alors tu t’accroche aux objets de la maison. Tu t’accroche à eux et tu essayes de te souvenir.

Et je sais aussi pourquoi tu voulais que je lisse. Tu voulais que quelqu’un n’oublie pas ce qu’il est arrivé ici. Tu voulais que tous sachent ce que toi et ta sœur avez vécu. Alors tu m’as plus ou moins obligé à savoir. Tu m’as choisi, moi, parce que la maison m’appartiendra plus tard. Tu m’as choisi parce que je l’ainé. Je suis la prochaine génération.

Je serais là pour te rappeler ce que tu as oublié. Je t’aiderais comme je peux. Je te parlerai de Charlotte, ta sœur que tu aimes tant. Tu es prisonnière mais j’espère que cela te donnera un peu de liberté. »


Ce fut ensuite le silence. Je me trouvais un peu con d’avoir parlé à une porte. Surtout que je ne savais pas si Adélie m’avait entendu. J’avais fait demi-tour pour retourner en haut. Quand mon pied s’était posé sur la première marche, j’avais entendu un murmure.


« … merci… »


Sa voix n’avait rien à voir avec le souvenir que j’en gardais. Elle était douce, comme la voix d’une enfant. J’étais resté un moment pour savoir s’il y aurait autre chose. Rien n’était arrivé. Je suis remonté au moment où ma mère nous appelée pour manger. Après l’excellent repas, je suis donc retourné dans ma chambre.


J’écris cela pour conclure le mystère de ma cave. Non, je n’habite pas dans une maison ordinaire. Il y a bien un esprit dans ma cave, un esprit qui a survécu aux siècles et qui y restera sans doute longtemps. Mais je sais pourquoi maintenant. Et ça ne me fait plus vraiment peur. Finalement, tout finit bien. Adélie n’est pas dangereuse. À condition, bien évidemment, de sonner avant d’allumer.


Je pose mon crayon sur mon bureau avant de m’étirer. Cette histoire est finie. Il faut que je profite de la vie, que je la vive au jour le jour. Plus question d’écrire sur mon journal. Je veux m’amuser pendant le reste de mes vacances.


Je prends mon portable et vais sur les réseaux sociaux. Je veux voir qui va venir à la fête. Mon meilleur ami a été le premier à commenter. Son message me fait rire ″Et comment ! Compte sur moi. Je vais ramener de la meuf mdrr″. S’il dit qu’il va ramener des filles, il le fera. J’en suis persuadé. ″Il ne changera jamais. ″ me dis-je intérieurement.


Je continue de lire les commentaires. J’ai d’autres confirmation de mes amis proches, comme de mes connaissance. Je soupire en voyant que Julien va venir. Ce gars n’a aucune modestie ni aucun respect envers les autres. Avec de la chance, il mourra avant la fête. Je suis heureux d’apprendre que Lia sera présente. J’apprécie beaucoup cette fille. Ça sera l’occasion de faire plus ample connaissance.


Finalement, je me lève pour prendre un peu l’air. Mes parents sont en train de faire à manger. Je me dirige à côté de la maison, là où un tilleul pousse. Cette espèce d’arbre peut vivre plus de mille ans. Il devait très certainement être là à l’époque de Brenda. Selon la description de Charlotte, l’entrée des souterrains doit être par là. Je pousse les feuilles mortes avec mon pied. Je ne compte pas trouver l’entrée. Je suis juste curieux. Plongé dans mes recherches, je n’entends pas mon père arriver :


« Tu cherches un trésor ?


- Aaah ! Papa ! Tu m’as fait peur !


- On va passer à table le pirate. C’était pour te prévenir. »


Sur ces mots, il s’en va. Je le suis en le maudissant intérieurement. Le connaissant, il ne va pas arrêter de se foutre de ma gueule pendant tout le repas. Et c’est ce qu’il a fait avec ses ″moussaillons″. Vraiment, mon père est un enfant. Le bon côté c’est que ça a fait rire maman et Julie. Il ne perd rien pour attendre, je finirais par me venger !


Après le repas, je vais dans ma chambre. Je compte faire une liste de ce qu’il faut acheter pour la fête. Je dois me concentrer sur ça pour l’instant.

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