Chapitre 11

7 minutes de lecture

14 août 2020

Ça fait presque un mois jour pour jour que j’ai commencé à écrire ce carnet. À ce moment-là, je n’aurais jamais pensé que toute cette histoire irait aussi loin. Comment aurais-je pu deviner que l’esprit dans ma cave était en réalité celui d’une petite fille ? En plus de ça, j’avais aussi appris l’origine de la règle « sonner puis allumer ». Tout tourne autour d’Adélie. Enfin, quand j’y pense, c’est Hector l’élément déclencheur. Sans lui, il n’y aurait pas eu cette maison, ni l’accident, ni toutes les expériences sur la pauvre Adélie. Ça me fait vraiment de la peine pour elle. Toute sa famille l’a abandonné -hormis Charlotte. Cela a dû être affreux pour la petite fille qu’elle était.

À l’heure actuelle, je me fiche totalement de ce qu’il lui est arrivé. Elle m’a menacé de mort. Rien qu’en pensant à sa peau froide sur la mienne, ça me donne envie de vomir. Je n’ai pas pu fermer l’œil de la nuit. Dès que je fermais les yeux, l’image de son ombre revenait au galop. Heureusement que ma sœur était avec moi. Sans elle, je pense que je ne me serais pas remis aussi vite. Au final, le sommeil et la fatigue de la journée l’ont emportés. Je ne me suis rendu compte que je dormais que quand Julie m’a réveillé en sursaut.

« Grand frère, grand frère, j’ai perdu mon doudou. »

J’avais ouvert les yeux avec peine. Il était à peine neuf heure. Mon bras gauche me lançait. Les bandages étaient couverts de sang mais les draps étaient intacts. La douleur était moins dense qu’hier mais je savais qu’il faudrait du temps pour que je guérisse. J’en garderais certainement des cicatrices.

Je n’avais pas tout de suite compris ce que Julie voulait dire. J’avais d’abord pensé qu’elle l’avait perdu dans sa chambre. Mais mon hypothèse tomba à l’eau lorsqu’elle ajouta :

« C’est Adélie qui me l’a pris. »

Un frisson m’avait parcouru le dos. La dernière rencontre avec elle avait été terrifiante. Descendre à la cave était la dernière chose que je voulais faire. Mais je devais y aller. Comme dit mon grand-père, lorsqu’on tombe à cheval, il faut remonter le plus vite possible. Je ne veux pas laisser un esprit me faire peur. Et puis qu’est-ce que je risquais ? Si je continuais de lire, tout se passerait bien. Avec cet état d’esprit, je m’étais levé.

J’avais quitté la chambre. Mes parents prenaient leurs petits déjeuner. Je ne me suis pas attardé. Ils m’auraient posé des questions à propos d’hier. Des questions auxquelles je n’avais aucune envie de répondre. Leur expliquer qu’un esprit voulait ma mort était la pire chose faire ! Je n’avais pas fait un bruit lorsque j’étais passé devant la cuisine. Lorsque j’avais été hors de vue, j’avais poussé un soupir de soulagement. Pas de question pour le moment. J’avais retardé l’inévitable.

J’ai allumé l’escalier. En voyant les marches s’étendre devant moi, le cœur me manqua. Tout mon corps me disant de ne pas descendre. Une violente secousse me parcouru. Mon corps refusait de mettre un pied devant l’autre. Je ne l’ai pas écouté et j’ai posé mon pied sur la première marche. Mon bras blessé s’est mis à trembler quand je me trouvais au milieu de la descente. J’essayai de ne pas en tenir compte. ″Tout va bien se passer, tentais-je de me rassurer. Elle ne te fera rien. ″ Mais je repensai soudainement à ce que m’avait dit Adélie.

« … continue de lire… ou meurs… »

Elle voulait me tuer. Elle voulait juste que je lise, pas que j’aille encore une fois la voir. Elle voulait que je connaisse la vérité, pas que j’aille chercher le doudou de ma sœur. Si j’entrais dans la cave… Je m’étais arrêté d’un seul coup. Mon corps étaient pris de tremblements. Impossible de dire quoi que ce soit, comme hier. D’ailleurs, la scène se rejouait dans mon esprit. Je la voyais m’agripper le bras et me le tordre de douleur. Je la voyais en train de me chuchoter des mots avec sa voix malsaine. J’étais tombé sur mes fesses, sur la marche où je me trouvais. J’étais terrifié, complétement pétrifié. Julie apparut en courant en haut des escaliers.

« Papa ! Maman ! »

Mes parents arrivèrent presque immédiatement. Au départ, mon père crut que c’était Julie qui avait allumé la lumière dans les escaliers. Il s’apprêtait à la gronder mais ma mère le tourna dans ma direction. Il avait juré dans sa barbe avant de venir vers moi. Il m’avait pris dans ses bras pour me porter. Je n’avais pas vraiment conscience de ce qu’il se passait. Dans ma tête, plus rien n’avait de sens. Il m’emmena au salon. Pendant ce temps, ma mère descendit récupérer le doudou de ma sœur.

Après que ma crise de panique soit passé, mon père s’était assis à côté de moi :

« Raconte-moi. Ta mère a été incapable de m’expliquer la situation d’hier. Qu’est-ce qui s’est passé ? D’où venait tout ce sang ? Et pourquoi tu étais si blessé ?

- Ad… L’esprit était dans ma chambre. J’étais parti boire à la cuisine. Quand je suis revenu, il était devant la porte. Il m’a agrippé le bras. C’est quand je me suis débattu que je me suis blessé.

- Mais pourquoi a-t-il fait ça ? Il peut donc nous atteindre en dehors de la cave, c’est pire que ce que je pensais…

- Je pense que je suis arrivé alors qu’il prenait un objet dans ma chambre, mentis-je. J’ai dû l’interrompre dans le vol et l’énerver. C’était une suite de coïncidences malchanceuses. Ça ne va pas se reproduire.

- Je l’espère Grégory. Je ne veux pas que ma décision d’habiter ici ait des conséquences sur vous. »

Il était reparti dans la cuisine pour me faire un chocolat chaud. Il ne m’avait plus rien demandé, même s’il devait avoir un tas de question à me poser. Il s’était juste assis à côté de moi, le regard rivé sur la télévision.

Je n’étais pas fier d’avoir menti. Je n’aime pas mentir à mes parents, surtout sur un sujet comme celui-là. Mais la petite voix dans ma tête me disait de ne rien faire. J’ignore si Adélie accepterait que quelqu’un d’autre sache la vérité à propos d’elle. Je me suis promis de tout leur dire si jamais cela arrivait à se reproduire. Je ne veux pas mourir en emportant le secret dans la tombe.

Après toute cette agitation, je suis retourné dans ma chambre. Il faut que je lise tout le plus vite possible. Sinon, je ne sais pas ce qu’il pourrait m’arriver.

*

Journal,

Adélie me manque de plus en plus… Papa passe tout son temps en bas. Parfois, il y dort même. Maman est bizarre. Je crois qu’elle n’aime pas le savoir à la cave. Elle passe son temps dans sa chambre, à écrire en boucle la même phrase sur son journal intime. Je crois que maman est devenu folle… En plus de ça, Germaine est vilaine avec moi. Elle dit que je passe trop de temps toute seule. Que je vais finir par disparaître si je ne l’écoute pas. Je n’aime pas ma sœur. Elle est méchante.

Cet après-midi, papa est enfin parti. Il a dit qu’il allait acheter des outils spéciaux. Je n’ai pas aimé son ton. Il y avait quelque chose dans sa voix qui me faisait peur. Je m’étais précipité dehors pour rejoindre les souterrains. Malheureusement, Germaine m’a suivi à l’extérieur. J’ai dû zigzaguer entre les arbres pour la perdre. Enfin, quand je m’étais assurée qu’elle n’était plus là, j’ai emprunté le passage. Papa était parti depuis un moment maintenant. À cause de Germaine, je ne pourrais pas rester très longtemps. J’ai enfin émergé du sol. Cette fois-ci je n’ai pas eu le temps de sonner. Adélie m’attendait devant la porte, caché dans l’obscurité. Elle me pressa de la rejoindre :

« Charlotte ! Vite, viens ici !

- Qu’est-ce qu’il y a ?

- C’est papa… Il est devenu totalement fou…

- Pourquoi tu dis ça ? Il a fait quoi ?

- Il… Il a dit qu’il en avait fini avec moi… Avec mon sang… Je ne l’intéresse plus…

- Tu veux dire que…

­- Il veut vous étudier vous ! Il prépare tout depuis des jours. Hier, il a installé trois nouvelles chaînes. Il veut vous attacher ici. Il faut que tu partes d’ici ! Préviens maman et Germaine, dis leur tout. Il compte faire ça ce soir. Vite ! »

Je suis remonté à la maison le plus vite possible. Il fallait que je prévienne maman. Je suis entrée dans sa chambre en criant :

« Maman ! Maman !

- Charlotte ne crie pas, s’il-te-plaît. Si tu as quelque chose d’important à dire, dis-le calmement.

- Mais maman, c’est grave ! C’est papa, Adélie m’a dit qu… »

Clac. Je me suis tenue la joue. Maman m’a fait vraiment mal. Elle était debout, le regard fixé sur moi comme lorsqu’elle me gronde. Mes larmes avaient commencé à couler.

« Adélie est morte ! Alors ne parle plus jamais d’elle.

- Non… Je l’ai vu…

- Elle est morte tu m’entends ?! Ce n’est que la carcasse animé par un démon, elle n’existe plus !

- Mais…

- STOP ! VAS DANS TA CHAMBRE ! »

Maman me faisait peur alors je me suis dépêchée de partir. Je pleurais quand je suis arrivée dans ma chambre. Germaine m’y attendait. J’avais l’espoir qu’elle, au moins, m’écouterait :

« Tu me crois toi, hein ?

- Maman a toujours raison. C’est toi la menteuse. »

Elle est ensuite partie dans sa propre chambre.

Personne ne veut comprendre… Pourquoi personne ne veut croire Adélie ?

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