Chapitre douze. Premiers doutes

6 minutes de lecture

Alice s’écrie alors :

- Nous descendons dans quelques instants, maman.

Léa verse, rapidement, le contenu d’une cruche dans une cuvette, se déshabille et entreprend de faire une toilette rapide.

Une fois propre et fraîche, elle met de nouveau sa robe, prête à descendre.

Toutes se réunissent dans la cuisine. Léa retrouve sa mère, vêtue d’une simple robe en lin brut, elle s’exclame.

- Tu es superbe maman!

- Merci, ma chérie, à toi aussi cette robe te va bien.

Coleen tousse légèrement :

- Je vous demande pardon de vous interrompre mes amies.

Elle se tourne vers sa fille :

- Ma chérie, pourrais-tu accompagner Marina à sa chambre ? Nous allons laisser nos invités se reposer un peu. Ensuite, redescends, s’il te plaît. Je vais avoir besoin de toi pour préparer le repas.

- D’accord maman.

Alice, Marina et Léa gagnent l’étage, toutes les trois longent le couloir. Tout en progressant, Alice leur explique la fonction de chacune des pièces devant lesquelles elles passent, chambre, laverie, séchoir… Alice s’arrête, se tourne vers Léa et sa mère pour expliquer :

- Voici la chambre de maman et juste à côté voici la tienne, Marina.

Sans le laisser paraître, Léa est soulagée de constater que les chambres des mères, respectives, sont assez éloignées de celle des deux jeunes femmes.

Les filles laissent Marina s’installer et gagnent discrètement la chambre de Léa. Elles échangent un rapide baiser.

- Je dois y aller, ma mère a besoin de moi en bas.

- OK je vais essayer de dormir un peu.

- D’accord, repose-toi bien, chérie.

- Merci, bon courage à toi.

Quand Alice redescend, sa mère lui demande :

- Peux-tu t’occuper des lièvres, pendant que je prépare les légumes, s’il te plaît ?

- D’accord.

Pendant qu’Alice s’occupe des animaux fraîchement tués du matin, son esprit est entièrement, tourné vers … Léa. Va-t-elle se plaire ici ? Quel accueil vont lui réserver les autres femmes ? Que vont-elles dire quand elles auront compris qu’Alice et elle sont en couple ?

À un moment, Alice sent une main se poser sur son épaule. C’est celle de sa mère qui lui dit, d’un ton un peu brusque :

- Viens avec moi, je dois te parler. Allons dans ta chambre.

Léa est en train de se reposer quand, des bruits de voix, en provenance de la chambre d’Alice, la pousse à se lever, son ouïe, fine, lui permet d’identifier immédiatement les voix de Coleen et de sa fille.

- Ma chérie, j’aimerais te poser une question … où en es-tu avec ton amie ?

- Qu’est … Qu’est-ce que tu veux dire, maman ? Je ne comprends pas bien le sens de ta question ?

- Tout à l’heure, vous vous êtes embrassés devant Marina et moi. D’où ma question, êtes-vous en couple, ou est-ce une sorte de jeux entre vous ?

Rien qu’au son de la voie de sa petite amie, Léa comprend qu’elle est mal à l’aise.

- Non … Non, maman, ce n’est pas ce que tu crois … Léa et moi sommes en couple, nous nous aimons.

Coleen reste pensive un long moment. Elle reprend :

- C’est bien ce que je pensais … Je dois te dire que je m’en doutais déjà. Depuis que tu pars comme cela au petit matin, seule, j’ai chargé Wendy de te suivre discrètement. Au cas où il t’arriverait quelque chose… Au fil des jours, elle m’a raconté votre histoire d’amour naissante.

- D’accord ! Tu aurais pu m’informer, tout de même, que je sortis accompagné d’un chaperon.

C’était pour ton bien, ma chérie. Et puis, si je te l’avais dit, tu aurais refusé.

- Ça, c’est sûr ! … Bon maintenant maman, où veux-tu en venir avec cet interrogatoire ?

Coleen prend une grande inspiration :

- Je ne veux plus que tu continues dans cette voie-là.

- Pourquoi ? C’est ma vie, je fais ce que je veux, avec qui je le veux !

- Écoute ma chérie, répond Coleen d’un ton apaisant, laisse-moi te parler de quelque chose. C’est d’une certaine façon, un secret de famille.

- Je t’écoute, maman.

Pendant un long moment, Coleen ne dit rien, hésitant toujours à révéler ce lourd secret de famille. Puis, sur une profonde inspiration, elle commence :

- Marie, ta grand-mère, ma mère, aimait elle aussi les femmes. Elle avait une folle envie d’avoir un enfant. Mais, la loi ne lui permettait pas de bénéficier de la procréation médicalement assistée. Comme elle était riche, elle a réussi à convaincre un gynécologue de l’inséminer.

Après un autre silence, Coleen poursuit :

- C’est ainsi que je suis née. J’ai été élevée dans un univers exclusivement féminin.

- Tu sais ma chérie, poursuit Coleen, toute sa vie Marie a dû cacher sa relation d’avec celle qu’elle aimait profondément. Vivant en permanence dans la peur d’être dénoncée … Tu ne t’es jamais douté de quelque chose ? Tu ne t’es jamais demandé pourquoi tante Karine, comme tu la nommais, était toujours chez mamie Marie, quand nous allions la voir. … Elles passaient leurs journées ensemble parfois la nuit, mais vivaient séparément, avec chacune leur maison.

- Mais maman, les temps ont changé, l’homosexualité est mieux acceptée de nos jours.

- Le crois-tu vraiment ?

- Oui maman ! Réponds Alice d’un ton véhément.

Mère et fille se taisent un instant. Léa tend l’oreille à l’affût du moindre bruit en provenance de la pièce d’à côté. Elle brûle d’impatience de connaître l’issue de cette conversation.

Alice reprend, d’un ton assuré :

- Et puis, dis-toi que, dans le contexte actuel, qui sait de quoi sera fait le lendemain ? … Tu sais maman, quand j’ai rencontré Léa, moi aussi je me suis posé des questions. Est-ce que je ne vais pas trop vite… La réponse a été vite trouvée, si je dois mourir bientôt, au moins j’aurai connu le bonheur d’aimer et d’être aimé en retour.

- D’accord je comprends, mieux, ce que tu veux dire, ma chérie, mais je suis ta mère, tu n’as que seize ans, tu es mineure, tu feras donc ce que je te dis !

- … Je ne vois pas comment tu pourras m’empêcher de faire ce que je veux, maman ! Rétorque la jeune fille, d’un ton calme.

Un long silence s’installe entre mère et fille. Coleen conclue la conversation d’une phrase, pleine de sous- entendus :

- Ma fille, ne me fais pas regretter ce que j’ai fait pour toi !

Coleen quitte la chambre en refermant bruyamment la porte.

Sans faire le moindre bruit, Léa se lève. Toujours, le plus silencieusement du monde, elle traverse la pièce, et vient gratter du bout des ongles à la porte qui communique entre les chambres.

- Chérie ? … C’est moi, Léa, je peux entrer ?

Elle entend un oui étouffé, comme-ci le mot avait été prononcé à travers un tissu.

Elle ouvre la porte, celle-ci fait un bruit à réveiller un mort.

Léa trouve son amie couchée à plat ventre sur son lit, le corps agité de lourds sanglots.

Doucement, elle s’assoit à ses côtés et entreprend de lui caresser très tendrement le dos et les cheveux, tout en lui murmurant des paroles apaisantes. Alice finit par se calmer peu à peu. Elle se tourne vers son amie. Le visage baigné de larmes, elle adresse un faible sourire à Léa tout en murmurant :

- Si … Si … Si, tu savais tout ce que ma mère vient de me dire !

- … J’ai tout entendu, ma chérie, la cloison entre nos chambres n’est pas si épaisse que cela.

Un silence s’installe entre les deux jeunes femmes. D’un ton toujours hésitant, Alice demande :

- Et … Qu’envisages-tu de faire ? Pour nous deux, je veux dire.

- Moi, je t’aime et je continuerai à t’aimer, ma puce. J’aimerai que nous fassions, un bout de chemin ensemble, dans la vie. Je ne veux pas te perdre, mon amour.

Alice se redresse, sèche ses larmes et dit en souriant :

- D’accord, chérie, pour vivre heureuse, vivons cachée. Telle sera notre devise désormais. … Nous allons faire semblant de rester bonnes copines, rien de plus, d’accord ?

- Oui, chérie, mais il faudra aussi comprendre le sens de la petite phrase de ta maman, au sujet de tout ce qu’elle a fait pour toi. Ça me trotte dans la tête depuis qu’elle l’a prononcé. Je ne sais pas pourquoi, mais cela m’inquiète.

- Je vais essayer de lui tirer les vers du nez en discutant avec elle.

À ce moment-là, Léa entend quelqu’un frapper doucement à la porte. Elle tend l’oreille, au bout de quelques secondes le son recommence, mais cette fois-ci, elle en est certaine, le son provient de sa chambre à elle.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire domi59143 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0