LXXXIX.

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360.

Dans l'actualité récente des attentats et autres agressions qui a occupé la France , il y a quelque chose qui est revenue à plusieurs reprises, de la part d'un des journalistes rescapé, d'un rescapé qui a perdu son épouse au Bataclan et de l'enseignant juif victime d'une agression antisémite, c'est l'absence de haine.

Si cette réaction force l'admiration, il me semble qu'il convient toutefois d'être prudent.

Si c'est bien de le penser, peut-être que le dire publiquement est une erreur.

Si on renvoie une absence de haine à ces personnes ignobles qui ne respectent pas une loi aussi simple que de ne pas tuer, vont-elles comprendre qu'elles doivent changer ?

Faire ce qu'elles font est la meilleure façon pour elles de trouver la reconnaissance qu'elles cherchent. Sauf qu'il existe d'autres façons beaucoup plus louables d'atteindre la reconnaissance.

A force de chercher à comprendre ce que les bourreaux ont dans la tête, peut-être ne faisons-nous que légitimer leurs agissements.

La haine est peut-être finalement le seul sentiment qui s'impose dans de telles situations.



361.

J'ai une passion pour les mondes intérieurs, silencieux, introspectifs.

Mes préférences vont vers les endroits où il y a peu de gens, aux églises romanes, aux monastères déserts, aux courants mystiques.

Les religions ne m'intéressent pas tant pour les règles (que parfois, je suis capable de respecter) que pour son essence profonde, sur laquelle, si on est un peu attentif, toutes les philosophies orientales et occidentales se retrouvent.

Parfois, je me sens comme une humaniste, au carrefour entre plusieurs cultures, langues, systèmes de pensée, si différents et si semblables à la fois.

Je me sens comme l'Homme de Vitruve, au centre de l'Humanité et j'ai une passion pour la Kabbale, qui renferme les mystères de l'Univers.



362.

Le lycée est pour moi un immense laboratoire, celui de l'observation et de mon étude des rapports humains.

Et après quinze ans d'expérience, j'arrive à la conclusion que le monde se divise en deux catégories.
Celle des élèves qui, quoiqu'il arrive, trouveront TOUJOURS une solution et celle des élèves qui, quoiqu'il arrive, quoique l'on fasse, quoique l'on propose ne trouveront JAMAIS de solution à leur problème.

Du coup, maintenant, j'arrête de tortiller, améliorer ma pratique, ma pédagogie, blablabla, c'est du pipeau, puisque ceux qui trouvent toujours une solution en trouveront toujours une, quelle que soit ma pratique et quelle que soit ma pédagogie, et les autres ne seront jamais contents quelle que soit ma pratique et ma pédagogie.

Donc, voilà, maintenant, je suis moi-même, je fais au mieux et c'est parfait.

La même transposition est valable aussi au niveau de la société qui se divise aussi donc en deux catégories et là aussi, j'arrête de prendre sur moi, je suis moi-même, je fais au mieux et c'est parfait.



363.

Le bruit est ce que je supporte le moins au monde.

Le bruit est invasif, c'est un manque de respect, le signe que la personne est dans le trop.

Parfois, je me demande ce que peut bien faire mon voisin pour être aussi bruyant. Mais qu'est-ce qu'il fait toutes les cinq minutes ? Il peut être tranquille, silencieux, concentré sur un truc ?

Moi, j'ai besoin de silence.

C'est l'unique condition pour me retrouver moi-même.



364.

Je ne comprends pas cette tendance naturelle ou plutôt pas naturelle du tout qu'ont les gens de se couper systématiquement de ce qu'il y a de plus positif pour eux, pour je ne sais quelle raison, enfin prétexte plutôt.

Tout le monde a un talent, mais non, il y a toujours autre chose à faire, autre chose à penser, autre chose à exploiter.

Et bien sûr, comme personne ne peut exploiter son talent comme il le voudrait, ou que personne ne s'en donne les moyens plutôt, surtout, il faut empêcher le voisin d'exercer le sien, surtout qu'il n'aille pas montrer à la face du monde qu'exploiter son talent et en vivre est tout à fait possible et même essentiel pour son épanouissement.
Alors lorsque le voisin persiste, on cherche à le dissuader, à lui dire que "c'est pas bien", que "non, il n'y arrivera jamais". Finalement, cette politique de dissuasion de découvrir, explorer et faire éclater en pleine lumière ses talents est celle qui est menée à l'école et plus généralement par l'éducation reçue.

Lorsque le voisin est assez fort pour dire "merde" à tout le monde, parfait, mais lorsqu'il manque d'amour et de reconnaissance, dur dur de "se détacher" du jugement d'autrui et de voler de ses propres ailes.

C'est ainsi que je vois le monde, comme une immense toile d'araignée où nous sommes englué-e-s dans des vies que nous n'avons pas choisies et que nous étouffons à chaque fois que ce pour quoi nous sommes destiné-e-s pointe le bout de son nez.

A la recherche de nos talents cachés, parviendrons-nous à nous libérer?



365.

Hier, sur la plage, une scène a attiré mon attention.

Un homme donnait à manger aux mouettes, quelques miettes de sa socca par ci par là.
Du coup, des millions de mouettes étaient là.
Ah, c'était beau à voir!
Elles allaient et venaient, dans une danse virevoltante autour du type.
Moi j'étais là, à côté et j'ai pu voir les mouettes de près.
Joli spectacle.

Sauf que évidemment, le type, un peu débordé par la situation et harcelé par les mouettes, qui, oui s'habituent très vite à ce qu'on leur donne à manger et qui pour le coup, invitent leurs copines a commencé à vouloir s'en débarrasser à coups de pied et en leur faisant peur.

Ah voilà! La belle histoire!
Combien d'êtres humains attirent dans leur filet d'autres êtres humains en leur donnant à manger, de la socca, des compliments, ce qu'ils ont envie d'entendre, pour après leur dire: "ben, ma belle, maintenant tu dégages!"?

Ah la belle histoire!

Moralité: que l'on soit mouette ou être humain, rien n'est jamais acquis, et si on te propose de la socca ou un compliment, fais attention à ce que ce geste en apparence désintéressé ne se transforme pas en un vulgaire coup de pied.



366. Spécial année bissextile.

Et si c'était possible ?

Et si je choisissais que cela soit possible ?

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