Précieux cadeau (2)

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   Une bonne demi-heure s’était déroulée alors que les trois hommes se réchauffaient au coin du feu. Il faisait à présent bon derrière les caisses qu’ils avaient déplacés et pouvaient discuter sur la suite des opérations. Ogard proposait de trouver un escalier ou n’importe quel type de passage vers la surface. Sibjorn avait évoqué qu’une fois plus haut et de retour à l’entrée du bâtiment, ils seraient dans l’incapacité de reprendre le chemin par lequel ils étaient venus. Orm, quant à lui, se demandait s’ils ne devrait pas explorer les alentours pour trouver une trace de son petit frère. Il était persuadé qu’il était passé ici, une étrange sensation de picotement lui revenait sans cesse et lui donnait une étrange impression familière. C’est Sibjorn en proposant une idée qui sorti son ami de sa réflexion :

 – Et pourquoi pas partir par-là ? disait-il en pointant du doigt la crevasse dans la roche où s’engouffrait l’océan. On éviterait beaucoup d’ennuis…

 – Tu sais donc naviguer et tu ne me l’avais jamais dit ? répliqua Ogard qui avait reprit des couleurs. Plus sérieusement : t’as vu quelque chose qui pourrait servir d’embarcation et je précise : solide ? Se jeter en plein océan sur une planche nous mènera pas loin… Et pour ma part, j’ai déjà donné suffisamment aujourd’hui pour la noyade.

 – Et il y a des falaises presque partout, on accosterait où ? questionna Orm.

 – Oh ça, c’est pas le problème ! J’te rappel qu’il y a un port en ville et j’sais où il est. Le plus compliqué serait surtout d’y parvenir.

 – D’accord, c’est mort, conclu Sib. N’empêche que ça aurait été pratique.

Le grand gaillard poussa un long soupir, son idée lui avait semblé si bonne sur le moment. Il leva les yeux au plafond en espérant y voir une solution toute faite pour sortir de là. De son côté, Ogard secoua les braises avec un bout de bois, plus pour s’occuper les mains que par nécessité. Ils avaient beau se triturer les méninges, aucun d’eux ne parvenaient à imaginer comment sortir d’ici. Orm qui avait senti un élan d’espoir gonfler en lui commençait à se dire qu’il avait été trop optimiste. Il songea que pour l’instant encore, ils n’avaient pas faim ou soif mais leur moral en pâtirait quand ça sera le cas.

  Il se leva alors sans prévenir et fit sursauter ses deux compagnons. Sibjorn avait déjà tendu une main vers sa hache par réflexe alors qu’Ogard resserrait sa couverture contre lui comme s’il avait espérer se fondre dans le décor. Orm tourna sur lui-même pendant que les deux autres l’observaient en se demandant quelle mouche l’avait piqué. Le jeune chef se passa une main dans la nuque et semblait agacé voire frustré. Quelque chose n’était pas normal, cette impression ne le quittait pas et commençait même à l’irriter. Il regarda le lac sans rien y voir de particulier, puis observa les caisses qu’ils avaient entassé pour se protéger du vent, non plus… Désireux de comprendre, il commença à faire les quatre cents pas autour du feu de camp en espérant trouver ce qui provoquait en lui ce sentiment familier.

 – Et si tu nous disais ce qu’il t’arrive ? questionna Ogard dont le rythme cardiaque s’était enfin calmé après cette surprise.

 – Je sais pas… il y a un truc qui cloche. Quelque chose de bizarre ici, comme si… Comme s’il y avait de l’électricité dans l’air !

 – Tu as eu une vision ? poursuivit le quarantenaire.

 – Non…

 – Sûrement ton imagination alors. Tu veux tellement retrouver ton frère que tu penses qu’il n’est pas loin ou qu’il est passé ici.

 – Non mais ça, j’en suis même sûr ! Déjà : il est tombé lui aussi ici ou dans ce coin-là. Ensuite j’ai eu une vision de lui et d’une femme. Il est forcément passé ici !

 – Et si c’était bel et bien le cas, pourquoi serait-il parti ? Pourquoi ne nous aurait-il pas laissé un mot ou quelque chose pouvant indiquer où il est parti ? répliqua Ogard non par méchanceté mais pour essayer de raisonner son ami.

 – Si j’ai cette sensation, c’est sûrement car il a laissé un message. Il a peut-être utilisé son truc d’anguille électrique mais je n’arrive pas à déterminer pourquoi ni où !

 – On le retrouvera, Orm. Tu te tracasse pour rien…

  Les mots ne suffisaient pas pour dissiper cette impression au jeune chef des chasseurs, il continua son inspection et s’éloigna un peu du camp espérant trouver un objet ou un mot qui traînerait sur le sol. Un craquement de bois attira son attention mais ce n’était que Sibjorn qui avait brisé une caisse pour récupérer un tube métallique qui servait autrefois d’armature. Ne se souciant pas trop de ce que faisait son compagnon, Orm continua de chercher. Il vit des traces de pas dans la boue mais impossible d’en déterminer quelque chose : il y avait les siennes et celles de ses compagnons, il était même probable qu’il n’y ait que les leurs.

  Sibjorn s’attaqua ensuite à une couverture qu’il déchira pour ensuite tirer sur un fil avec ses dents. Il s’acharna ainsi plusieurs minutes alors qu’Ogard l’observait d’un œil intrigué. Il ramassa ensuite un petit bout de ferraille qu’il posa sur un rocher pour le frapper à plusieurs reprises avec une pierre. L’ancien marchand pensait avoir compris ce qu’il faisait : une canne à pêche. De temps en temps Orm aussi s’intéressait à ce que préparait le grand costaud mais il ne s’avouait pas vaincu dans ses recherches. Le chasseur progressait lentement, pieds nus sur un sol fait de pierres inégales et parfois glissantes, il serrait sa couverture contre lui par moment pour se préserver du froid. Il trouva d’autres caisses qui pourraient servir pour le feu quand il longea la paroi et arriva devant une petite étendue d’eau, une sorte de mare. En face, dans le mur, il y avait un trou qui remontait en pente douce dans la roche. Il l’inspecta en se disant qu’ils pourraient peut-être remonter par là mais la surface semblait trop lisse pour y trouver la moindre prise, ils risquaient de glisser et tomber lamentablement dans la flaque d’eau. Alors qu’il s’appuyait sur une caillasse pour se redresser, il fut prit d’un vertige.

  Il se vit debout en face de ce trou, juste un peu plus éloigné que sa position réelle. Une voix se fit entendre, quelqu’un hurlait et l’instant suivant il vit son jeune frère dévaler le toboggan pour s’étaler de façon ridicule dans l’eau croupie. Sven toussota, sûrement avait-il bu la tasse, cette vision arracha un sourire à son frère qui était si content de le voir en bonne santé. Une autre personne apparut et fonça rapidement pour percuter le jeune homme. Orm voyait à présent cette inconnue qui était à cheval sur son cadet alors que ce dernier était couché sur le dos dans la mare. L’instant suivant Sven fit un bruit proche du couinement avant que son visage ne vire au rouge. La vision se brouilla et le chasseur se senti revenir dans le monde réel. Il se releva lentement, la tête un peu confuse et se tourna vers ses amis proches du feu.

 – Je l’ai vu ! Il est passé par ici avec cette femme !

  Aussi étonnant que cela puisse paraître, personne ne lui répondit. Inquiet et en même temps heureux par ce qu’il venait de voir, Orm en oublia sa fatigue et courut pour rejoindre les deux autres. Il s’interrogea tout de même : pourquoi personne n’avait parlé ? Et s’il s’était passé quelque chose durant son absence ? À bien y réfléchir, il avait passé plus d’une heure à chercher un peu partout pour trouver quelque chose. Mais s’il y avait eu un problème, il l’aurait sûrement entendu ! Ou alors sa vision qui semblait si courte s’était allongé sur plusieurs minutes durant lesquelles il n’aurait rien entendu ?

 – Tout va bien ? J’vous dis que j’ai vu Sven ! Vous m’entendez ?

Il arriva au pas de course vers le feu pour y trouver Ogard qui somnolait et Sibjorn était assit plus loin, les pieds presque dans l’eau. Le grand gaillard tourna la tête et porta son index à ses lèvres :

 – Moins de bruit, tu vas faire fuir les poissons.

  Le vieux marchand qui venait de rouvrir un œil, éclata de rire en entendant la réplique de Sib. Orm resta figé, les yeux grands ouverts en se demandant s’ils n’étaient pas devenus fous tous les deux.

 – Calmes toi. Alors, tu as vu quoi ? Et parle pas fort sinon l’autre va râler qu’on fait trop de bruit et je ne pourrai pas critiquer sa canne à pêche de fortune. J’ai parié qu’il ne prendrait rien et si je gagne, Sib devra me payer une bonne bouteille de gnole à notre retour.

 – Vous… êtes pas croyable tous les deux, soupira Orm.

 – En voyant que tu t’efforçais de rester positif, on a décidé d’en faire tout autant. Bref, tu as vu quoi ?

 – Sven est descendu ici par une sorte de toboggan dans la paroi là-bas. Mais c’était bien après qu’il avait été séparé de nous car la jeune femme que j’avais vu dans ma précédente vision était avec lui.

 – Tu as vu quelque chose de notable dans les alentours ? C’était avant ou après le tremblement de terre ? interrogea l’ancien avec une lueur dans le regard.

Orm se senti alors stupide et baissa les yeux. Il avait été tellement heureux de voir son frère qu’il n’avait pas pensé à regarder autour de lui pour y trouver la moindre piste. Il hocha la tête, trop honteux pour répondre. Maintenant qu’Ogard le disait, ça semblait pourtant si évident qu’il aurait dû en profiter pour se renseigner sur les lieux !

 – Bon, au moins le gamin va bien et ça c’est le plus important. On cogitera sur ce qu’ils ont pu faire ici après un bon repas… n’est-ce pas Sib ?

 – Avec le boucan que vous faites, vous avez sûrement fait fuir tous les poissons sur des kilomètres à la ronde !

 – Vous aviez pas dit : essayer d’être plus positif ? taquina Orm.

Sibjorn se retint de rire alors qu’Ogard souriait à pleine dent. Cette simple vision semblait avoir remonté le moral de toute l’équipe.

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