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Le lendemain, à l’arrivée, Gaston guette Gaspard. Invisible ! Il attend que le dernier passager ait quitté le navire et remonte en trombe vers les cabines de premières. La 102, celle de Gaspard, a la porte battante. L’intérieur est dévasté, sa valise éparpillée sur le lit retourné. Les cloisons ont été démontées. Le hublot, ouvert, bat au vent, laissant supposer le pire. Difficile de dire s’il y a eu bataille ou simplement fouille dans ce désordre. Heureusement, aucune trace de sang ne semble visible.

Gaspard a disparu ! C’est avec tristesse et remords que Gaston franchit la passerelle. Il ne reste à Gaston qu’à aller porter le colis. Il le remet à Un, ignorant toujours son contenu.

Ainsi s’achèvent les aventures de Gaspard. Ce n’est pas ce qui était convenu.

Trois jours plus tard, à tout hasard, Gaston est attablé place Belcourt. Il est un des rares à se risquer dehors sous ce vent glacial malgré le soleil. Il n’est pas remis de la disparition de Gaspard. Finalement, ils avaient un peu fraternisé et vécu des aventures ensemble, même si son camarade avait été un taciturne, toujours méfiant et distant à son égard.

Il rumine sa tristesse, regardant en même temps un mendiant avancé de table en table, engoncé dans sa djellaba rapiécée. Au lieu de lui tendre la main en débitant sa psalmodie, il s’assied à côté de lui.

— Casse-toi, pauvre con !

Le mendiant tend l’oreille, comme pour mémoriser cette répartie cinglante.

— Alors, la Saucisse ! On ne reconnait plus les copains ?

— Gaspard !

Sa joie n’est pas feinte !

— Mais comment…

— Tu as porté la boite ?

— Oui, bien sûr !

— Ils ne vont pas être déçus !

— Qui ça ? Pourquoi ?

— Ah, Gaston, tu n’as rien compris ! Cette histoire ne te semble pas bizarre ?

— Ben non, pourquoi ?

— Reprends depuis le début. C’est quoi, ce service SOS, alors qu’il y a un service de renseignements qui a fonctionné pendant les luttes ? Tu as vu l’indigence de leurs bureaux ?

— Maintenant que tu le dis…

— Et cette mission d’envoyer deux gusses chercher on ne sait quoi ?

— Et qui le trouve !

— Quand nous sommes rentrés dans le bureau, Numéro Un avait un gros dossier devant lui, marqué Dubois, et en dessous « mission Araignée » !

— Tu as vu ça ?

— Oui, mais je ne m’en souvenais pas.

— Comment ça ?

— On prend depuis le début. Il nous envoie avec cette mission tordue. À mon avis, c’est pour vérifier que ce dossier Dubois est réel.

— Qui ça, il ?

— À mon avis, ils ne sont que quelques-uns à partager ce secret et ils ont voulu avancer seuls, pour avoir cet atout. Tu vas comprendre !

— Continue !

— Aucun moyen à engager. Deux ploucs pour le faire, plutôt un du reste, et l’autre pour surveiller le premier.

— Tu veux dire quoi, exactement ?

— Que depuis le début, tu ne sers à rien ! En fait, tu es un faire-valoir, le second rôle qui, normalement, met en valeur le héros, moi, et qui meurt habituellement dans ce genre d’histoire, pour sauver le personnage principal. Là, tu ne sers à rien, tu ne ressembles à rien et tu es là pour me surveiller en plus !

— Si tu le dis… mais ça me navre…

— C’est pour ça qu’aussitôt arrivés à Paris, je t’ai largué !

— Sympa, oui ! J’ai été perdu pendant des mois !

— Bon, j’ai dû aller à l’ambassade et tu es réapparu dans mes traces.

— C’était pour t’aider… Le fameux soir, j’étais là ! Le troisième du Mossad, c’est moi qui l’ai estourbi !

— Bravo. Tout seul ! Je dois te croire ? Je t’ai vu à l’œuvre…

— En tous cas, ils ne t’ont plus embêté après.

— Je dois te remercier ?

Gaston ignore la causticité de la remarque.

— J’avais ordre de te protéger, mais il y avait plus de monde à t’attendre qu’à la sortie des artistes pour Maurice Chevalier !

— Connais pas !

— Mais je ne savais pas s’il y avait des gentils ou des méchants. Je t’ai regardé faire, sans rien comprendre !

— C’est pour ça que tu n’as qu’un second rôle ! Tout le monde voulait son tube. J’en ai pris plusieurs et je les ai distribués ! Simplement !

— Son tube ?

— Gaston, tu es bête ou quoi ? Depuis le début, il s’agit d’une petite bête toxique, qui peut se transporter dans un tube en verre.

— Bon sang, mais c’est bien sûr ! (Il reprenait une phrase entendue à la télé qui montrait qu'on avait tout compris.) Mais je ne comprends pas. Tous les services secrets du Monde étaient au courant et les Français ne protégeaient rien. Ou si peu…

— Détrompe-toi ! Le secret était très bien gardé, puisque seules deux personnes le connaissaient : Dubois et Charles.

— Qui c’est ?

— Le professeur principal et son élève. Eux seuls savaient dans quel vivarium étaient telles bêtes. Les autres faisaient les expériences sans savoir ce qu’ils testaient.

— Habiles ! Mais comment les autres services connaissent-ils ce programme de recherches ?

— Les Américains, car ils savent tout ce qui se passe partout, surtout en France où beaucoup sont prêts à tout raconter, par conviction ou pour de l’argent. Les Anglais, car ils ont un très bon service de renseignements. Les Soviétiques, car ils ont infiltré les services britanniques.

— Comment tu sais ça ?

— Ils me l’ont dit ! Une histoire de conviction et d’invertis.

— Ça veut dire quoi ? Tu étais en relation avec eux ?

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