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L’homme fait un signe de la main. Un homme élégant de haute taille, bâti en athlète, avec de larges épaules musclées, portant l’assurance d’un champion et l’allure d’un prince, le visage énergique et buriné les rejoint. Quand il approche, Gaspard peut voir son regard clair, à l’ironie tranquille, des cheveux châtain coupés très court. Un véritable aventurier, comme dans les livres qu’il avait lus, s’il n’avait pas eu un sourire un peu niais qui lui traversait le visage.

— Mon cher Gaspard, je peux vous appeler ainsi ? Je vous présente Hubert Bonisseur de La Bath, un de nos meilleurs agents. Il va vous accompagner pendant votre trajet de retour. Sur ce, je vous laisse.

Il se lève et part, sans un mot d’au revoir.

— C’est Francis Coplan, un de nos meilleurs agents, indique le bellâtre.

Gaspard reconnait bien ce trait de caractère si caractéristique des Français : se croire être les meilleurs en tout.

— Mais, dites-moi, cher Gaspard, vous avez fait la connaissance de Barbara ?

Gaspard, encore une fois, rougit. Se peut-il qu’« ils » sachent ce qui s’est passé entre eux ?

— J’ai effectivement croisé une femme de ce nom…

— Ah ! Racontez-moi ! Cette femme est un mythe dans notre profession. C’est le navire amiral de la flotte russe. Elle « chaloupe », m’a-t-on dit ! Ils ne la sortent que pour les grandes occasions. Je ne l’ai jamais vue et on raconte tout à son sujet. Vous savez, en confidence, j’ai tellement de charme qu’elles me tombent toutes dans les bras sur un claquement de paupière. Elles sont si charmantes et si utiles. En leur faisant croire qu’elles sont uniques, elles vous racontent tout sur l’oreiller. Essayez ! Vous pouvez en croire un homme d’expérience. Bien sûr, il ne faut pas les décevoir ! Alors, comment est cette Barbara ?

— Oh, vous savez, nous n’avons eu que des rapports… euh… de professionnels, en quelque sorte.

Si Gaspard n’aime pas parler de lui, il aime encore moins parler de sa sexualité, qui, jusqu’à la veille, se réduisait à rien.

— Mais encore ? Blonde ? Rousse ?

— C’est une vraie blonde ! Je peux vous l’assurer !

Gaspard se mord la lèvre. N’en a-t-il pas trop dit ? L’autre n’a pas relevé le détail.

— Et la carrosserie ?

— La carrosserie de quoi ?

— Nous sommes entre hommes, mon cher. On se comprend. Comment est-elle foutue, cette garce ?

Gaspard est un peu choqué par la trivialité des propos, mais en même temps flatté d’être vu comme un homme à femmes, celui qui a remporté le trophée.

— Elle a de jolies formes, bien rebondies. Enfin, je pense, car elle avait un gros manteau de fourrure.

— Alors ses yeux, sa bouche…

Gaspard ne se sent plus. Évoquer ce corps qu’il ne toucherait jamais plus déclenche à nouveau cette irrépressible tension.

— Elle a des yeux verts magnifiques, avec ses petites pommettes. Une petite bouche toute rouge qui ressort sur sa peau blanche et des lèvres…

— Mais vous me décrivez une vraie gravure Pirelli !

— C’est ça ! C’est le nom que je cherchais depuis que je l’ai vue !

— Quelle chance, mon ami ! Des femmes, j’en ai eu autant que j’ai voulu ! C’est un petit avantage de notre métier !

Le clin d’œil était-il utile ? se demande Gaspard.

— Mais Barbara, c’est un mythe ! Si je la croise, je prends ma retraite après ! Avec elle !

Son rire est désagréable. Gaspard préférerait parler du voyage à venir, car Coplan lui a fait peur.

Entre deux saillies sur les femmes, Hubert livre quand même ce qui a été prévu. Gaspard acquiesce, car il n’a aucune échappatoire. D’abord rentrer sain et sauf avec le trésor, ensuite, il verra pour ces grands frères un peu trop envahissants.

Bonisseur de La Bath l’accompagne jusqu’à son hôtel, par sécurité. Les rues sont calmes, malgré le nombre de femmes qui prennent l’air sur le pas de la porte, chacune les saluant d’un gentil mot. Hubert commente chacune d’entre-t-elle comme s’il s’agissait de marchandises. Gaspard est choqué par son manque de respect. En arrivant devant l’hôtel, à nouveau son sourire niais s’affiche.

— Eh bien, mon vieux, vous avez bien choisi ! Si c’est pour dormir, ça va être difficile !

Après lui avoir souhaité, goguenard, une bonne nuit, il lui donne rendez-vous au pied de la passerelle. Gaspard est irrité par son ton légèrement supérieur, tout en ayant hâte d’avoir son expérience.

Dans cette chambre minuscule, aux odeurs nauséabondes et aux draps sales, le luxe partagé avec Barbara parait bien loin. L’hôtel n’était pas offert par les Américains et son pécule est minuscule. La prochaine fois, il se promet de négocier les frais annexes. Les allées et venues incessantes, les cris et les soupirs de femmes troublent son sommeil. Pourquoi n’arrêtent-elles pas de faire du bruit ? C’est épuisé qu’il part vers le port.

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