Tablette Ankoù

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Lentement, les yeux redoutant de le reconnaitre, Vallia s’approcha du noir cadavre de braise. Arrivé au-dessus, les contours du visage de Killei lui provoquèrent un dégout qu’elle réprima difficilement. Elle ferma un instant les yeux, puis les rouvrit en prenant soin de les détourner du défunt.

« Ashron ? demanda-t-elle en s’approchant. »

Mais aucun mot ne vint en réponse. Seul un regard vitreux la fixait.

« Que s’est-il passé ? dit-elle en regardant le cadavre chauve qui gisait au bout de Ragnarok. »

Mais elle questionnait le néant car aucune réaction n’apparaissait à ses interrogations. L’eraiéé se figea devant lui, cherchant à déceler l’état de son esprit, sans succès. Puis fermement, elle leva son poing pour l’écraser sur le visage et le faire tomber sur le côté.

« Mais tu vas réagir ?! cria-t-elle d’énervement »

Avec ses mains, Ashron se releva et Vallia s’approcha pour l’aider.

« Pourquoi m’as-tu frappé ?

— Tu te souviens de ce qu’il s’est passé ?

— Adony… commença-t-il en noircissant son regard. Le sang qui s’échappait de lui. Tout en embrumé depuis. Je ne me rappelle que des morts. »

Vallia le fixa bégayer et s’approcha de lui pour l’enlacer. De stupeur, l’ancien Exetra Prime n’osa pas l’entourer de ses bras, et resta figé à sentir le corps de l’eraiéé contre le sien.

« C’est fini, glissa-t-elle à son oreille, avant de desserrer son étreinte. »

Sans ajouter le moindre mot, Ashron et Vallia rejoignirent leurs compagnons. En chemin, les yeux de l’ancien Exetra Prime détaillèrent la fin des confrontations en faveur de l’Harzerezh.

Mais à quel prix ? se dit-il.

Tout autour d’eux n’était plus que ruine. Alaris ressemblait à un amas de gravats d’immeubles effondrés. Ses rues regorgeaient de cadavres calcinés, estropiés ou gisant dans des flots sanguin abondants. Même les survivants semblaient morts.

De retour à l’estemm vierge de son toit, sans attendre, Ashron alla à la rencontre de Sirux, le corps inerte de Killei dans les bras.

« Je suis désolé. »

Bloqués par la peur, Sirux dû forcer ses yeux à regarder le corps. A sa vue, ses jambes se dérobèrent et son corps tomba lourdement sur les genoux, dans un bruit sourd qui raisonna dans la pièce. Sans dire un mot, Ashron posa délicatement le corps et s’en alla vers celui d’Adony.

Puis un imposant silence envahit la pièce pour en emplir le moindre espace. Dérangeant et calme, l’atmosphère pesante était entrecoupée des intermittents sanglots de Sirux. Il fallut attendre l’irruption d’un Harzerezhié pour redonner vie à l’endroit.

« Nous avons repoussé l’armée des Exetras ! Ils cherchent à fuir! s’écria-t-il.

— Laissez-les, répondit Guidomex.

— Mais…

— Alaris est sauvée et les Exetras Primes d’Aliard sont tous morts. Un autre carnage est inutile. »

La dernière phrase de Guidomex poussa Ashron à le fixer. Elle lui était destinée, il le savait et les excuses mimés par son compagnon ne changèrent pas la portée de ses mots.

« Rassemblez tout le monde sur la grande place. Assurez-vous également que la population soit en sécurité et arrêtez tout Exetra. ordonna Guidomex.

— Oui memac’htiern! »

A grandes enjambées, l’eraié se précipita pour exécuter les directives qu’il avait reçues. Le précédent, Guidomex posa sa main sur l’épaule de Sirux qui était sur son chemin, puis franchit les portes. A l’inverse, Vallia s’approcha du corps d’Adony, tandis que les sœurs Nioménés entourèrent leur frère pour le réconforter.

Eloigné de ses compagnons, Ashron resta dans un coin de la pièce. Pendant un instant, chacun se perdit dans ses pensées à ressasser la sanglante bataille. Aucun mot ne vint perturber cette réminiscence collective.

Sirux fut le premier à se relever, Killei dans les bras, qu’il alla déposer auprès de la dépouille d’Adony. La douleur de sa perte ne devait pas lui faire oublier celle de ce dernier. Le regard emplis de larme, il fixa Vallia qui posa une main attendrie sur son épaule. A ses côtés, Mayelle et Haria s’accroupirent pour lui dire un dernier au-revoir.

Et Ashron en profita pour s’éclipser.

Dehors, l’ancien Exetra Prime s’était mis en quête de Guidomex. Etant introuvable, il mena ses pas en direction d’un brouhaha de voix agitées. En traversant la grande place, il vit les habitants ressortant prudemment de leurs habitations, le regard fuyant à sa vue, par peur.

Arrivé à destination, les yeux d’Ashron furent attirés par le débat qui s’était engagé.

« C’est forcément à cause de lui ! hurla un eraié.

— Il savait pour nos espions ! cria un autre.

— Nos sources ne nous ont rien dit ! Comment aurait-il pu lever une telle armada sans qu’ils ne s’en rendent compte ? continua un troisième. »

A sa vue, les eraiés le prirent à parti, en prenant soin de ne pas s’approcher de lui.

« C’est à cause de toi ce carnage !

— Traître. »

L’ironie d’un tel mot venant d’un harzerezhié fit sourire l’ancien Exetra Prime. La Komunozhra et l’Harzerezh le voyaient ainsi maintenant.

« Silence ! Vous ne savez pas de quoi vous parlez ! coupa Guidomex.

— Tout est de sa faute !

— Pourquoi sommes-nous obligés de supporter sa présence ? Pourquoi prendre le risque d’avoir un Exetra Prime avec nous ?

— Sans lui, nous serions tous morts ! Il n’est plus Exetra Prime, il est notre allié ! répondit Guidomex, excédé par les réactions de ses compagnons. »

La verve avec laquelle Guidomex le défendait allégea le malaise que ressentait Ashron. Mais ces tentatives étaient vaines, jamais l’Harzerezh ne l’avait accepté et ne l’accepterai.

« Vous avez raison, je n’ai plus rien à faire ici, annonça Ashron en tournant les talons»

La décision de l’ancien Exetra Prime était prise. Il était dangereux, et la peur des eraiés à son encontre était justifiée.

Lui–même avait peur.

Alors il se devait d’expier ces morts par un règlement de compte entre lui et la Komunozhra. Isyliard et Omiard serait ses prochaines destinations, et ce voyage devait se faire dans la solitude.

Les pas pressés d’Ashron s’enchainèrent vers la sortie de la cité, sous les hués des habitants mués en foule haineuse, qui se gardèrent bien de trop l’approcher.

Immobile, Guidomex le fixa s’en aller.

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