Tablette Vallia

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Hypnotisé par l’angélique visage de Vallia, Ashron resta muet. La réminiscence de leur première rencontre enlaça son être d’une douce étreinte. Face à lui, l’eraiéé reculait doucement, par un réflexe qu’elle ne pouvait contrôler.

« Que… commença-t-elle prudemment, ne sachant comment s’adresser à lui, Que faites-vous ici ? »

— J’ai trouvé ce garçon, perdu dehors. Alors je l’ai raccompagné.

— Merci… Cet enfant n’a vraiment pas le sens de l’orientation, répondit Vallia en regardant Filius. Mais je voulais dire, que faites-vous ici ? A Yvalis ?

— La Komunozhra me traque et je n’ai nulle part où aller, répondit simplement Ashron, espérant effacer le ton révérencieux et craintif de Vallia à son regard.

Les yeux azurés de l’eraiéé s’ancrèrent dans ceux de l’ancien Exetra Prime. Elle cherchait à y déceler quelque chose. En réponse, Ashron alternait les coups d’œil fuyant. Un frisson lui chatouilla le ventre, comme pour lui signifier une peur de rejet ou l’excitation de l’inverse, il n’arrivait pas à interpréter.

— Alors tu as vraiment trahi la Komunozhra ? changea de ton Vallia, tout en gardant ses distances. Tu souhaites trouver refuge ici ?

— Je marche depuis nombre d’acec’hwelds et j’aimerai trouver du repos. Si je peux rester, je t’en serais reconnaissant.

— Ai-je vraiment le choix ? Puis-je m’opposer au souhait de l’Exetra Prima d’Adrais ?

— Rien ne t’est imposé, répondit Ashron en tournant les talons. Merci de m’avoir écouté »

La rupture du lien visuelle qu’elle avait entrepris d’établir avec le regard d’Ashron perturba Vallia. Elle savait qui lui faisait face et ce qu’il représentait. Pourtant, elle ne pouvait se résoudre à la laisse partir, à le quitter une fois encore.

« Attends ! Jamais je ne refuserai le gîte à quelqu’un dans le besoin. Tu sembles épuisé. Installe-toi dans la pièce à droite du couloir, je te rejoins. »

Précédé par Filius qui remercia Ashron, Vallia s’éloigna dans le couloir silencieux pour rejoindre l’étage. De son côté, l’eraié suivi les instructions. À peine le pas de la porte passé, une douce quiétude l’envahie. L’endroit, surchargé de vitrines exposant des œuvres enfantines, était d’une chaleur apaisante.

Les pas d’Ashron le menèrent sur un des deux divans au milieu de la pièce. Assit, il scruta les dessins, l’œil curieux. Y figuraient Vallia et une autre eraiéé, toujours accompagnées d’enfants. Chacun des dessins peignaient d’espiègles moments, bien loin des atrocités de l’époque actuelle.

Cette pensée lui saisit l’abdomen au point qu’il y porta sa main. Skyva ne guidant plus sa conscience, l’horreur du génocide qu’il avait accompli enserrait son être, l’étouffant à mesure qu’il y repensait. Que pouvait-il faire pour ne plus ressentir ça ? se demanda-t-il en serrant la main sur son ventre, comme pour faire partir cette insoutenable douleur.

Rapidement, Vallia apparut sur le pas de la porte. A sa vue, le mal-être d’Ashron s’évapora, ne laissant place qu’au réconfort de la revoir, comme il l’avait toujours souhaité. En entrant dans la pièce, elle observa l’eraié de bas en haut.

« Dois-je te craindre ? lui lança-t-elle.

— Non, je t’assure que non. Tant de choses se sont passés depuis notre rencontre.

— Alors pourquoi ne pas me raconter ? lui demanda-t-elle en s’asseyant sur le deuxième divan. »

Ashron dévisagea Vallia qui lui faisait maintenant face. Le ton de sa voix avait changé, il ne tremblait plus. Ses yeux cessèrent de traquer les signes de danger et cherchaient maintenant à comprendre.

« L’histoire risque d’être longue.

— J’ai le temps. »

Ashron prit soin de narrer son histoire depuis l’hweld’acec de leur rencontre. Absorbé par le récit, Vallia l’écoutait sans dire un mot. Tantôt, elle ne pouvait refréner la peine qu’elle éprouvait pour lui. Et parfois, c’était la colère qui prenait le pas, lui donnant l’envie de le gifler. Mais à la fin de son histoire, une empathie incontrôlable la poussa à accepter.

« Donc toi aussi, tu es victime.

— Je n’irais pas jusque-là, répondit Ashron, interloqué.

— Lorsque j’ai su pour toi, après l’Exetranen, je ne pouvais y croire. L’Exetra Prime d’Adrais ne pouvait pas être l’eraié que j’avais rencontré cet hweld’acec.

— C’était pourtant bien moi.

— Les choses ne sont pas aussi simples. Ton récit en est la preuve. D’autres eraiés ont succombés à ces entités dont tu parles, les forçant à faire des choses… atroces.

— C’est là où tu te trompes. Je n’ai jamais eu l’impression d’aller contre ma volonté. Tout ce que j’ai fait, je l’ai voulu. C’est juste que… répondit Ashron en marquant une pause, maintenant j’en ressens toutes les conséquences.

— Donc tout est de ta faute et tu es un monstre ?

— Je ne sais pas… Non... Je… Enfin peut être »

Tout était confus, Ashron n’arrivait pas à lui répondre. Depuis sa rébellion, le poids de son passé l’écrasait comme l’aurait fait un bloc de béton. Rejeter l’entière faute sur Skyva lui semblait trop simple, trop facile, même si son influence avait pesée. Mais il n’arrivait pas à accepter d’avoir mené l’Exetranen et les purgats.

« Mes parents… reprit Vallia la voix tremblante, ils ont rejoint la Komunozhra après l’Exetranen. Il y a dié heoles, ils m’ont demandé de les rejoindre mais à mon arrivé, je me suis faite arrêtée pour avoir transgressé l’axiome dié… Par eux ! »

Ashron se remémora cette période. Cié acec’hweld exactement après la fin de l’Exetranen, la Komunozhra lança le purgat de dié entié illéié aliardés pour transgression de l’axiome dié. L’objectif était d’insuffler la peur de l’exetra dans les esprits.

La soumission fut immédiate.

« J’ai été enfermé dans les geôles dans l’attente de mon purgat. Je leur criais dessus et les implorais. Mais ils me regardaient, impassibles, répétant inlassablement: Tu as transgressé l’axiome dié, ton purgat te sauvera. Heureusement, l’Harzerezh m’a sauvé. »

Cette action marqua les débuts de l’Harzerezh, se souvint Ashron. Plusieurs prisonniers s’étaient évadés grâce à une explosion de l’aile ara des geôles. La réminiscence de sa rage qu’il avait éprouvé en apprenant la nouvelle le mit mal à l’aise. Pourtant, se rappeler de cet évènement maintenant le soulageait. L’Harzerezh avait sauvé Vallia.

« Depuis lors, j’appartiens à l’Harzerezh et je recueille tous les enfants ayant perdus leur parents à cause de la Komunozhra ici. Ils sont ma nouvelle famille.

— Tu combats pour l’Harzerezh ?

— L’emzivaded est ma priorité. Mais selon les besoins, je peux participer à des raids.

— Tu dois me haïr maintenant. demanda Ashron en parcourant les dessins l’entourant. C’est ma faute si ces enfants ont…»

— Tu dois être fatigué, coupa Vallia en retenant ses larmes. Je te prépare une chambre, tu peux rester cette nuit.»

L’eraié voulut répondre pour ne pas qu’elle pleure. Voir ses yeux rougis de chagrin lui était insoutenable, mais il devait l’accepter. Qui était-il pour espérer consoler Vallia ? se dit-il en se résignant à la suivre sans dire un mot.

L’eraiéé le conduisit vers une des portes du couloir et invita Ashron à entrer. La petite chambre, sommaire mais fonctionnelle, disposait d’un lit et un bureau.

« Fais comme chez toi. dit doucement Vallia.

— Merci.

— Evites de t’étendre sur qui tu es ici. Et laisse ça dans la chambre, dit Vallia en fixant Ragnarok maladroitement caché sous son tissu. L’influence de la Komunozhra est faible mais on ne sait jamais.»

Puis Vallia tourna les talons pour le laisser s’installer. Mais à l’instant où son visage quitta ses yeux, Ashron cru déceler un faible sourire. Bien que ce fusse certainement son imagination, l’ancien Exetra Prime décida de s’endormir avec cette image gravé dans son esprit.

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