Tablette Serath

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Telle une de ces statues des anciens rois d’Aliard, pensives et immobiles, je fixais mon skrammia depuis bien trop longtemps. Malgré cette hypnotique fascination que mes yeux subissaient, je sortis de ma léthargie pour péniblement détourner le regard. Quel ennui, pensais-je en regardant la pénombre qui s’installait doucement dehors. Heureusement, ce sombre voile signifiait la fin de l’acec’hweldro et le début des fêtes animées d’Adrais, la Cité des Cieux.

Mais avant, mes fastidieuses tâches de responsable des stocks d’amatia m’attendaient. Travaillant pour le compte du transporteur le plus important d’Aliard, je devais en assurer l’approvisionnement, afin de parcourir les étendues du plus vaste continent d’Era. Et les aerliestr étaient gourmand en amatia.

L’opacité de l’hweld’acec déborda des rues pour lentement envahir l’espace m’entourant, me tirant ainsi de mes pensées.

Il était temps de rentrer.

Excité, je suspendis mon fastidieux travail pour rentrer chez moi. Guidomex Louedec, mon ami à l’insouciance fêtarde, m’attendait en trépignant. Sans perdre de temps à lui conter mon insipide acec’hweldro, j’attrapais une lale, ma marque houblonnée préférée, pour me délecter de son délicieux goût amer. Puis d’autres suivirent, en nombre, avant de sortir pour une fête qui promettait d’être longue.

Dans le flot animé des rues d’Adrais, Rouxen Jin et Adony Vitrius, deux amis d’enfance, attendaient dans notre etavarna favorite, lale à la main. Cet endroit nichait dans l’une des nombreuses allées aux insomnies causées par les lumières éclairant l’hweld’acec et le brouhaha qui jamais ne s’estompait.

La capitale d’Aliard était notre fief. Cette ancienne cité, sculptée à travers le temps et reconnue pour son train de vie dynamique et nocturne, s’animait constamment par son incroyable nombre d’habitants entassés. Chaque district la façonnant modelait une mégalopole démesurée, autorisant toutefois la proximité des adraisés. Le surnom de Cité des Cieux lui venait des immeubles sans fin, qui toisaient le ciel azur, et de son airways l’entourant, comme protégée par ce mode de transport rapide à l’amatia.

Au sein de ce tumulte, de multiples rencontres arrosées de lale ponctuèrent notre hweld’acec. J’adorais l’ambiance chaude et surchargée de notre etavarna, même si parfois la musique bien trop forte nous empêchait de nous comprendre.

Ça et la lale.

Tandis que je commandais une nouvelle tournée, une eraiéé au regard perdu capta mon attention. Adossée au bar, elle tenait son verre en faisant semblant de s’intéresser à son interlocuteur. Sa chute de rein marquait sa fine taille et les pointes de ses longs cheveux bruns et soyeux. Ses yeux bleus intenses m’hypnotisaient, même si l’un des saphirs se cachait derrière une mèche rebelle.

À ma vue, elle inclina la tête pour me fixer de ses iris électriques. Un discret sourire illumina davantage son visage. C’était pour moi ou l’Eraié derrière? pensais-je. Qu’importe, cette attention me poussa à aller la voir.

D’un courage que je ne soupçonnais pas, je me glissais entre elle et l’embarrassant eraié. Au prétexte d’une raison improbable mais dont son obligeance était requise, je l’invitais à me suivre. Et aussi bête que ce subterfuge fut, il fonctionna. Après un nouveau sourire, l’eraié fut congédié et elle me précéda jusqu’au bar.

La fin de l’hweld’acec se poursuivi par des échanges, des rires et la découverte de l’autre, jusqu’à ce que l’aube n’éclairât son angélique visage. Nom et apelligomzi en poche, je rentrai de mon côté, mes pensées tournées vers une seule idée, une seule envie : revoir au plus vite Vallia Bianca.

L’acec'hweld suivant, mon difficile réveil tardif écourta mon acec’heldro. Le travail m’imposait d’aller sur Isyliard et le départ approchait. Seul Eratos savait à quel point je détestais ça.

Eratos, songeais-je en préparant mon voyage. Cette divinité ayant façonné Era et aux préceptes aveuglément suivis par beaucoup d’aliardiés. Ce folklore m’ennuyait particulièrement mais j’aimais bien le citer dans mes jurons. Ça leur donnait du poids.

Mon sac prêt, je partis pour le nijvame afin de débuter mon périple. Les formalités intercontinentales remplies, je m’installais dans le nijve pour rapidement sentir les vibrations indiquant le décollage imminent. Et ce n’est que lorsque nous toisâmes les nuages gris du ciel huileux d’Adrais que je m’endormis, paisiblement.

Tout allait pour le mieux.

Soudain, un fracas déchira mes tympans et interrompit mon sommeil. Une force inconnue comprima l’ensemble de mon corps, et s’en suivirent d’énormes vibrations qui l’ébranlèrent. Un puissant vent fouetta mon visage et m’empêcha d’ouvrir les yeux.

Je me sentais tomber.

Pris d’une indicible panique, j’obligeais mes iris à distinguer une partie du nijve enflammée et chutant. Affolé, mon regard se baisa machinalement pour voir la terre ferme se rapprochant à vive allure. Ce sol se précipitant sur moi serait la dernière chose que je verrais de ma courte vie, pensais-je avec regrets.

Tout à coup, une forte décélération écrasa tous mes organes. Puis, un magnétisme inconnu m’étreignit d’une douce accolade pour délicatement me poser sur mes jambes. Autour de moi, un déluge de débris et de feux peignait le paysage de ma destination de fortune.

J’étais sous le choc.

Tentant de me ressaisir, je mis péniblement un pied devant l’autre. Les corps calcinés qui jonchaient le sol parmi les débris du nijve scintillaient d’un rouge cramoisi. Partager cette expérience avec quelqu’un semblait compromis, pensais-je en humant l’odeur de cadavre brulé. Soudain, la nausée me fit rendre mon dernier repas, puis mes yeux se perdirent dans un tourbillon et je ne vis plus rien.

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