Tablette Gais

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Les moteurs d’amatia chauffaient depuis un moment à l’atteinte des frontières d’Altran. Situé sur le chemin de leur destination finale, ce petit état offrait un choix de halte restreint. Ce dernier se porta sur Gais, une petite cité peu peuplée vivant de ses propres cultures.

Contrairement à la Citée des Cieux qui importait toute sa nourriture, seul le fruit du labeur des gaisiés remplissait leur assiette. Et cette dernière n’était jamais très pleine, les prélèvements par la Komunozhra étant en partie utilisés pour Adrais.

Habitué des petites bourgades, Sirux invita ses compagnons à le suivre dans la seule etavarna ouverte. Personne ne se fit prier, le bruit des moteurs d’amatia bourdonnant encore dans leurs oreilles. Après un repos salvateur, chacun vaqua à ses occupations.

Vallia, Mayelle et Guidomex s’attelèrent à l’eskemman pour faire le plein de provisions, tandis qu’Adony et Sirux croisèrent l’acier pour s’entrainer, sous le regard lassé d’Haria. Ashron resta en retrait, ne sachant toujours pas ce qui guiderait ses pas lorsqu’ils atteindraient Alaris, là où Killei devait les attendre.

L’ancien Exetra Prime s’éloigna de Gais pour rejoindre un cours d’eau la contournant. Ses yeux se perdirent sur le translucide filet bleu qui s’écoulait dans un bruissement apaisant. Perturbés pas les mouvements de l’eau, il les ferma pour libérer son esprit.

« Tu vas te joindre à nous? demanda une voix derrière lui. »

Sans faire de bruit, Mayelle s’était faufilée à pas velouté. Elle le surprit tellement qu’il tomba dans le cours d’eau. Le voyant ainsi, complètement trempé, elle éclata de rire.

« C’est malin. lui rétorqua-t-il.

— T’ai-je fais peur ? »

En guise de réponse, Ashron lui attrapa le bras. Ne pouvant résister, Mayelle tomba dans le ruisseau, tête la première.

« Tu rigoles moins maintenant? »

Le visage joyeux d’Ashron l’empêcha de se vexer. Ses yeux si souvent taciturnes rayonnaient comme le sourire si rare qu’il dessinait timidement sur son visage.

« Je suis sérieuse, reprit Mayelle en s’extirpant du ruisseau. Pourquoi ne pas rester avec nous ?

— L’Exetra Prime rebelle qui rejoint l’Harzerezh ? Ça sonne creux je trouve.

— Alors quoi ? Tu vas reprendre ta route ? Seul ? Pour aller où ?»

Ashron fixa l’eraiéé, les mots ne parvenant pas à prendre forme dans sa bouche. Le regard émeraude de Mayelle l’hypnotisa l’espace d’un instant. Les formes de son visage si parfait caressaient ses rétines, au point de lui faire perdre la notion du temps.

Gracieusement, Mayelle s’approcha et, sans qu’elle n’y réfléchisse, laissa ses lèvres aller contre celles d’Ashron.

Mais ce dernier esquiva.

« Je…

— Ne dis rien, coupa Mayelle en tournant les talons. C’est assez gênant comme ça»

L’eraié refreina ses paroles, et préféra répondre favorablement à sa demande.

« Rentrons »

Les dié eraiés s’éloignèrent du sinueux cours d’eau pour rejoindre l’etavarna. En chemin, un gênant silence s’installa, vite brisé par Mayelle qui détestait ça.

« Je ne te laisserai pas d’autres occasions de m’embrasser tu sais ?

— Je…

— Je te l’ai déjà dit, ne dit rien, coupa-t-elle avant de laisser un espiègle rire enfin détendre le moment. »

Devant l’etavarna, Guidomex, Haria et Vallia attendaient, des sacs pleins de vivres posés devant les aerliestrs.

« Vous pensiez qu’ils allaient se charger tout seul ? demanda Haria en fusillant Ashron du regard. »

L’eraié ignora les yeux de cette dernière et aida Guidomex à mettre les sacs dans les engins. Ayant rejoint Mayelle, Vallia la fixait en train de scruter Ashron sous tous les angles.

« Que faisiez-vous tous les deux ?

— On a discuté.

— De quoi ? insista Vallia qui se sentait obligée de savoir.

— Rien de spécial, lui répondit-elle en s’éloignant vers l’etavarna »

Continuant à la fixer, Vallia se résigna à cette réponse évasive. D’un coup, son esprit s’interrogea sur les raisons de son interrogatoire. « Pourquoi avait-elle besoin de savoir ? » se demanda-t-elle en suivant Mayelle. Et surtout, quel était cette désagréable peur de perte qu’elle ressentait ?

Rapidement, l’Heolar déclina pour se cacher derrière l’horizon, incitant les ptié compagnons à passer l’hweld’acec dans Gais. L’etavarna commença à se remplir et l’ambiance se réchauffa à mesure que la lale s’échangeait.

Anonymes dans la foule de gaisiés qui mangeaient, buvaient et chantaient, Adony et Sirux donnèrent de la voix, Vallia et Mayelle les regardaient en se moquant, Haria et Guidomex disparurent fréquemment pour se retrouver et Ashron s’effaça sans dire un mot.

Durant toute l’hweld’acec, la réalité tomba dans l’oubli. Ensembles et insouciants, ils continuèrent à échanger, rires et partager, jusqu’à ce que la lale aient raison des plus aguerris.

Au réveil de l’Heolar, le mal de tête accompagna certains des harzerezhiés ayant surestimés leur capacité. Epargnée, Vallia se leva et sorti de l’etavarna. Le désagréable sentiment de la veille l’accompagnait toujours et le souvenir de leur rencontre s’y était ajouté pour la confondre dans ce qu’elle ressentait. « Pourquoi ne supportait-elle pas qu’Ashron passe du temps avec une autre ? » s’énerva-t-elle, seule dans la rue.

Incapable de répondre, elle retourna à l’etavarna.

A l’intérieur, Vallia retrouva Haria, Guidomex, Mayelle et Ashron attablées ensembles et dans l’attente des dié derniers.

Et elle fut longue.

Enfin au complet, un mal de tête accompagnants toujours Sirux et Adony, les aerliestrs se mirent en route et les moteurs crachant l’amatia les éloignèrent de Gais. Rapidement, la frontière avec Alaran, le plus grand état d’Aliard, fut atteinte.

S’enfonçant plus profondément dans les paysages sauvages, alternant plaines et forêts, Era avait rendues ces étendues sans cité pour les ciseler, à sa faune et à sa flore. Ce vide d’activité eraiéé était le vestige du Letranemen.

« C’est après la longue période de prospérité d’Alaris et d’Adrais, dié-xié-xié heoles après l’unification des cités préamatiennes, que le Letranemen éclata, commença Sirux sur un ton magistrale. Voulant stopper l’évolution de sa rivale, Adrais la provoqua pour en prendre le contrôle. Cette ingérence déclencha un conflit détruisant plusieurs villes d’Alaran et fauchant d’innombrables vies eraiés. Ce n’est que lorsque Udran et Altran, jusqu’alors neutres, s’allièrent avec Adrais qu’Alaran fut vaincu. Et c’est depuis ce conflit que la Cité des Cieux est le centre névralgique de tout Aliard et que son Gouarme garantit l’égalité entre aliardiés.

— Mais c’était avant que l’Exetranen ne vienne tout bouleverser, répondit Ashron en baissant les yeux. »

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