Tablette Rouxen

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Comme noyé dans un océan aux scintillements émeraude, Ashron déambulait dans les plaines d’Aliard. Depuis plusieurs acec’hweld, son bâton devenu frêle à la main, il terrassait les bêtes croisées et quêtait sa pitance. Le visage creusé, la réminiscence d’Ishria se lisait dans ses yeux.

Au loin, une sombre forêt se dressa sur son chemin. Rapidement, il traversa son orée pour se retrouver dans un lieu obscurci par la canopée filtrant les rayons de l’Heolar. Au milieu de l’agitation animale et végétale, Ashron progressa lentement sur le sol meuble quand soudain, il aperçut une faible lueur qui dansait à travers les feuillages. Prudemment, il continua et reconnut les frétillantes braises d’un feu.

Autour de cette source ardente, cié silhouettes s’afféraient. L’une d’entre elle préparait un tarlet, un oiseau dodu qu’Ashron adorait grillé au fumé de hierse, une plante aromatique assez répandue sur Aliard. Les krié autres semblaient aux aguets avec leur regard scrutant chaque recoin. Mais leur surveillance brillait par sa déficience, Ashron étant suffisamment proche pour distinguer le contour de leur visage.

Soudain, les flammes ardentes éclairèrent l’un d’entre eux. Les traits de Rouxen se révélèrent à Ashron, qui recula de surprise. Malgré sa présence, il préféra rester cacher à écouter les prémices de la discussion.

« C’est incroyable ce qu’il s’est passé, s’étonna le premier garde.

— L’Exetra Prime accusé de trahison. C’est une bonne nouvelle non ? demanda le deuxième.

— Ne nous réjouissons pas trop vite, répondit Rouxen, songeur.

— Ce n’est pas n’importe quel Exetra qui les a trahis. Ashron est considéré comme le plus puissant. Il a failli tuer les trois autres à ce qu’on raconte. ».

Rouxen marqua un temps de réflexion, serra son arme avec sa main droite avant de reprendre.

« Peut-être mais il ne les a pas achevés. Pourquoi ? Et maintenant, il est en fuite, traqué par la Komunozhra comme nous. Où peut-il bien être ?»

Ashron commença à reculer pour éviter le campement. Mais la faim stoppa ses pas, et il jeta un œil rapide à son ancien ami. Serait-il enclin à lui porter assistance ? se demanda-t-il en écoutant les gargouillements de son ventre affamé.

D’un pas décidé, l’ancien Exetra Prime se découvrit et laissa le feu révéler son visage au cié eraiés. A sa vue, tous brandirent leurs armes à projectile d’amatia, des nekarabs usés par le temps. Mais en le reconnaissant, Rouxen fronça les sourcils et le fixa, tout en réduisant sa menace.

« Baissez vos armes.

— Mais vous avez vu qui c’est ? rétorqua l’un des eraiés, les mains crispées sur son nekarab tremblant.

—Je ne suis pas ici pour me battre, je vous l’assure. J’ai juste besoin d’aide.

— De l’aide ? répondit Rouxen en tournant les talons. Viens avec moi. »

Ashron balaya du regard chaque eraié, les incitants à détourner les yeux de lui, à l’exception de l’eraiéé préparant le tarlet. Puis, ses pas précédèrent Rouxen jusqu’à une toile échafaudée en abri, non loin du brasier. A l’intérieur, une table et quelques chaises éclairées par une lanterne de fortune ornait l’endroit. Une carte représentant le continent d’Aliard et de quoi écrire reposait dessus.

« Tu as peur ? demanda Ashron en regardant la carte.

— Pourquoi ? Je devrais? lui répondit-il.

— J’ai l’habitude de provoquer ce sentiment, c’est tout.

— Et ça te surprend ?

— Non, ce n’est pas ce que je voulais dire.

— Pourquoi ? dit Rouxen en haussant le ton. Pourquoi es-tu devenu ça ?! »

Dans la voix de son ami, Ashron percevait une colère accumulée depuis longtemps. L’incompréhension guidait ses mots, tout comme son regard inquisiteur et implorant une réponse. Mais que pouvait-il bien lui dire ?

Lui-même ne savait pas.

« Cette question, je veux te la poser depuis le début et tu restes silencieux ? Tu mérites mon poing au visage, reprit Rouxen en le fusillant du regard. Mais je sais que c’est impossible.

— Je comprends, si ça peut te soulager.

— Me soulager ? Tu plaisantes ? répondit Rouxen en baissant les yeux, les poings serrés. Tant de morts à cause de la Komunozhra que tu as représentés pendant des heoles. Ce n’est pas moi que tu dois soulager !

— Je sais.

— Non, tu ne sais rien. Mais je n’ai pas de temps pour ça. Je sais ce que tu as fait pour Adony et Guidomex. Peut-être peux-tu nous être utile.

—Tu fais partie de l’Harzerezh?

— Depuis le début. Nous tous contre toi sans même que tu ne le saches. Nous tous à penser que tu ne pouvais pas être ce bourreau de l’Exetranen qui nous était décrit. Jusqu’à ce que l’on te voit à l’œuvre, répondit Rouxen en fixant Ashron, l’effroi se lisant dans ses yeux. Pourquoi ne pas avoir tué les Exetras Primes avant de fuir ? Je sais bien de quoi tu es capable»

Ashron décida de répondre avec toute l’honnêteté dont il était capable. Il lui compta l’origine des exetras, la présence d’une ou plusieurs entités en chacun d’eux et les pouvoirs qu’ils leur conféraient. Rouxen écoutait sans dire un mot. Etonnamment, aucune surprise ne se lut sur son visage à la fin du récit.

« Ça explique comment la Komunozhra a grandi aussi vite et sa puissance si rapidement gagnée. Peux-tu nous en dire plus ? Comment pouvons-nous vaincre les Exetras Primes ? Est-il possible de faire revenir les exetras à la raison ? Qui vous dirige ?

— Vous n’avez aucune chance, répondit froidement Ashron.

— Pourquoi dis-tu ça ?

— Les pouvoirs des Exetras Primes dépassent l’entendement eraié. Jamais l’Harzerezh ne vaincra la Komunozhra, mais ça, je ne te l’apprends pas.

— Alors ton conseil, c’est quoi ? D’abandonner ? De se rendre ? répondit Rouxen en se laissant lourdement tomber sur une chaise, assommés par les mots de l’Exetra Prime déchu. Prends ce que tu veux et pars.

— J’ai juste besoin de cette carte, de quoi manger et une lame.

— Sers-toi, lui répondit-il en désignant plusieurs sacs regroupés dans un coin. Pars et laisses nous tenter de sauver ce qu’il reste d’Era. »

Après avoir adressé un regard compatissant à son ami, Ashron prit la carte, un peu de vivre, une lame, puis tourna les talons. Dehors, un nekarab brandit par un des compagnons de Rouxen l’accueilli. Les yeux agités, il remuait l’arme tremblante devant son visage.

« Il a ordonné le purgat de mes parents. Il est hors de question que je le laisse partir !

— Isgard, que fais-tu ? dit Rouxen qui avait suivi Ashron. »

Détournant le regard de l’arme qui s’agitait devant lui, Ashron baissa la tête.

« Regarde-moi ! Je veux voir ta tête voler en éclat!

— Isgard, baisse ton arme !

— Fais ce que tu as à faire, répondit calmement Ashron. Demander pardon n’apaisera pas ta peine.

— Vous voyez, aucun regret ! Il n’a aucun regret !

— Baisse ton arme ! Ce n’est pas la solution ! rétorqua Rouxen en tentant de s’interposer. »

Mais devant le silence de l’ancien Exetra Prime, Isgard caressa la détente avant de fermement la presser. Dans un fracas sec et concis, le projectile d’amatia s’élança dans le ciel, dévié par l’eraiéé qui bloquait maintenant le bras d’Isgard.

« Mayelle ? Pourquoi ? demanda-t-il en se débattant.

— Nous ne sommes pas la Komunozhra, répondit-elle fermement en relâchant son étreinte forcée. Ici, tout eraié a le droit de se défendre, nous ne sommes pas des exetras. »

Reposant ses mains sur ses hanches affinées, une belle eraiéé se dressait devant Ashron. Son visage, dessiné par des traits fins et gracieux, laissait apparaitre un discret sourire. Ses cheveux, noirs ténébreux et retenus par un bandeau, mettaient parfaitement en valeur le teint mat de sa peau lisse et le vert émeraude de ses yeux. La jeune eraiéé fixait Ashron, dont les yeux ne pouvaient se détourner de sa beauté.

« Que comptez-vous faire maintenant? lui demanda-t-elle

— Il me faut découvrir les secrets que recèle la Komunozhra. Ensuite, j’aviserai.

— Est-ce ainsi que vous comptez expier vos crimes ? »

Ashron acquiesça, puis tourna les talons. Tout le monde s’était immobilisé, le regard sur Isgard, dont les bruyants sanglots avaient remplacé la colère. Mayelle le redressa lentement avec douceur, tandis que les krié autres fixaient Ashron qui s’éloignait, pour disparaitre dans la sombre forêt.

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