Chapitre 54

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4 mai, Venice Beach & Malibu

Après la soirée chez Ana et Juan, qui s’était terminée de façon fort agréable pour tous, les quatre Français avaient décidé de profiter des derniers jours de leurs vacances sous le soleil de Californie. La veille, ils avaient fait une longue excursion vers le sud, jusqu’à à San Diego. Ils étaient partis tôt et rentrés assez tard. Ils avaient pu apprécier le parc Balboa et son jardin botanique, le musée naval en pleine ville et la reconstitution du centre historique hispanique. Philippe avait insisté pour faire un détour par le Mont Palomar et son célèbre télescope.

Le vendredi était leur dernier jour avant le retour. Julie resterait en Californie pour son travail sur les incendies et le climat, mais elle avait prévu de se rendre dans le nord de l’État, sévèrement touché quelques mois plus tôt. Elle voulait voir de ses yeux la petite cité de Paradise, au-delà de Sacramento, quasiment rayée de la carte par le feu. Ange et les Loubennes reprendraient le vol direct pour Paris en début d’après-midi, le samedi.

Avant leur départ, John et Shaina avaient souhaité organiser une dernière soirée à laquelle ils avaient également convié Ana et Juan, ainsi que Antonio Vargas et Cheyenne Lovett.

Après une grasse matinée câline, les deux couples s’étaient rendus dans un grand centre commercial où les femmes avaient passé une bonne partie de la journée à essayer toutes sortes de tenues, pendant que les hommes prenaient leur mal en patience et portaient les paquets.

De retour à Venice Beach, après un bain dans le Pacifique, Brigitte et Julie avaient laissé les hommes avec un verre de vin sur le balcon et s’étaient enfermées pour choisir leur tenue pour la soirée, riant comme des adolescentes à leur premier sortie.

Quand les éclats de rire avaient cessés, Philippe s’était approché discrètement de la porte de la chambre et l’avait entr’ouverte, faisant signe à Ange de le rejoindre, le doigt sur les lèvres.

Julie était allongée sur le lit, totalement nue, les jambes écartées. Brigitte était pour sa part affairée à donner du plaisir à son amie, agenouillée sur le parquet, sa chevelure flamboyante montant et descendant au rythme de ses caresses orales.

Les deux hommes s’éloignèrent silencieusement et se resservirent un verre, satisfaits de voir leurs compagnes heureuses.

La bouteille était vide lorsque Brigitte reparut, réclamant sa part.

— Vous auriez tout de même pu nous attendre et partager, dit-elle boudeuse.

— Je crois que toi, tu n’avais pas non plus envie de partager, répondit son mari avec un gros clin d’œil, mais je suis beau joueur, je vais chercher une autre bouteille. De toute façon, on ne rentrera pas à Paris avec.

Lorsque le deuxième flacon fut consommé, il était temps de se préparer pour la soirée.

— Mesdames, je compte sur vous pour porter bien haut le charme à la française, annonça Philippe, aristocratique.

— Comme il plaira à Monsieur le Comte, répondit Julie mimant une révérence, si toutefois vous daignez sortir accompagné d’une modeste descendante d’esclave.

— C’est mon frère qui a le droit au titre, mais je crois que j’exercerais bien volontiers son droit de cuissage.

— Heureusement qu’il y a une juriste pour rappeler que Victor Schoelcher a fait voter l’abolition de l’esclavage il y a près de deux siècles.

— Allez, conclut Ange, l’exactitude est la politesse des rois, appliquons ce précepte aux comtes. Nous allons finir par être en retard. On va tous s’habiller, et on ne traîne pas.

Quelques minutes plus tard, tout le monde était en voiture, direction Malibu. Julie s’était appropriée les clés du véhicule justifiant qu’elle avait moins bu que les autres, ce qui était vrai.

Le soleil était encore visible sur l’horizon quand ils se retrouvèrent sur la terrasse de la villa des Freeman. Antonio Vargas était au côté de John, près du barbecue, une bière à la main. Shaina et Cheyenne sortirent toutes deux de la maison, les bras encombrés de plats et saladiers. Après avoir salué les dames, Ange et Philippe se joignirent aux deux Américains pour refaire le monde autour d’une énorme pièce de bœuf. Shaina, vêtue d’une longue robe rouge à fine bretelles complimenta les Françaises pour leur élégance. Cheyenne portait, pour sa part, un simple débardeur et un pantalon de cuir noir. Son regard fut, malgré elle, attiré par le voluptueux décolleté de Brigitte, et la courbe élégante de ses seins à peine voilés.

Ana et Juan arrivèrent quelques minutes plus tard. Ana avait choisi une ample tunique à motifs floraux, précisant que Juan en avait dessiné le modèle. Le peintre pour sa part portait un costume de lin faussement négligé.

Lorsque tout le monde fut réuni, John prit la parole et remercia tous ses amis pour leur aide dans la période qu’ils venaient de vivre.

— Cette semaine a été la pire de notre vie. Nous avons perdu une amie proche, mais grâce à vous, nous avons sauvé notre établissement et notre réputation. Nous allons avoir une période difficile pour compenser l’absence d’un chirurgien et de notre anesthésiste, mais avec l’aide d’Ana, je suis sûr que nous surmonterons très vite cet obstacle. Je saurai à l’avenir être plus prudent dans le choix de mes collaborateurs, et si Antonio le permet, je soumettrai les futurs candidats à la sagacité de Cheyenne afin de m’assurer de leur probité.

— Nous devons nous aussi vous remercier, répondit Philippe, pour votre accueil et votre hospitalité, en espérant avoir, modestement, contribué à l’établissement de la vérité. Soyez tous les bienvenus à Paris si vous avez envie de découvrir notre beau pays.

— Une fois n’est pas coutume, ajouta Vargas, je dois également transmettre à Cheyenne les remerciements du capitaine Lamb, du LAPD, pour sa contribution inespérée à l’identification de Joan Smith.

Brigitte prit la belle indienne rougissante dans ses bras et l’embrassa avec fougue.

— Tu as été formidable ma belle, j’aimerais avoir quelqu’un comme toi, avec moi, en France.

— Saurons-nous la fin de l’histoire demanda Julie ?

— Bien entendu, répondit l’avocat, Lamb m’a donné des détails, mais ne faisons pas attendre cette belle viande, je vous raconterai tout ça à table.

— Bonne initiative, Antonio, dit John. Prenez tous place, je vous rejoins.

Le repas se déroula dans une atmosphère conviviale, les conversations mêlant joyeusement arts, droit, culture et médecine. Lorsque John revint après avoir emporté les maigres restes de sa viande, Ange relança la conversation sur la conclusion de l’enquête criminelle.

— Vous comprenez que je peux pas repartir sans connaître la conclusion de l’affaire.

— Cheyenne y a très largement contribué en dévoilant, grâce à vos informations, le passé sombre de Joan Smith, répondit Antonio.

— Je ne peux pas donner de détails sur la façon dont je procède, disons que j’ai quelques réseaux et que je sais où chercher. Mais pour ce qui concerne l’anesthésiste, l’essentiel des éléments étaient publics, il suffisait juste de relier les faits par un fil rouge. Mon expérience m’a permis de reconnaître un modèle de comportement typique et ensuite, je n’ai plus eu qu’à creuser un peu plus autour de chaque lieu, dans la période précédant le départ de Joan Smith.

— Le capitaine Lamb m’a expliqué que le LAPD et le FBI ont collaboré sur la dernière phase pour l’identification formelle et l’arrestation de Smith. Ils ont également la certitude qu’elle a éliminé McLay, ou Van Oït, comme vous voulez, avant de s’enfuir. L’enquête va se poursuivre et les dossiers des morts inexpliquées qui jalonnent le parcours de cette criminelle en série vont être repris. Je ne serais pas surpris que l’on découvre que toutes les victimes aient été ses amants.

— Mais pourquoi Sam ? demanda Shaina.

— Je crois que Sam ne figurait pas dans le schéma d’ensemble. Elle l’a probablement tuée parce que McLay s’était entiché d’elle, et ce, sans doute, pour autre chose que des raisons sentimentales. Vous avez compris que McLay était manipulé par la pègre, sa cible à lui était la prise de contrôle de Sunny Vale.

— De façon cynique, on peut dire que Smith vous a rendu service, remarqua Philippe.

— Elle a tué mon amie ! répliqua Shaina, choquée.

— Je te prie de m’excuser, c’était du mauvais humour.

— Et comment l’ont-ils arrêtée ? insista Ange.

— Je ne sais pas tout, mais j’ai compris que le FBI et le LAPD ont lancé, hier matin, deux opérations simultanées, chez McLay à Glendale et chez Smith à San Fernando. Ils ont trouvé McLay mort sur son lit, nu et attaché, une dernière nuit d’amour sans doute. Smith avait quitté son domicile. Le Bureau l’a cueillie à Anchorage, à l’arrivée de son vol. Cette femme était diabolique, mais pas très organisée, elle a laissé beaucoup de traces derrière elle.

La nuit était tombée depuis un moment lorsque les quatre Français décidèrent de prendre congé de leurs hôtes et amis. Shaina leur proposa de finir la nuit à Malibu, mais Julie assura être assez sobre pour conduire. Rentrés à leur appartement, ils se retrouvèrent sur le balcon, face à l’océan pour finir la dernière bouteille de chardonnay.

— J’ai beaucoup aimé ce voyage, dit Ange, je te remercie de l’avoir organisé. Il a malheureusement été un peu terni par le décès de Samantha, mais tu m’a fait découvrir des horizons extraordinaires.

— Moi aussi, j’ai beaucoup apprécié. J’avais envie de découvrir ces paysages à moto et retrouver John m’a permis de revivre des moments de vraie camaraderie. Et vous Mesdames, vous avez eu de bons moments ?

— J’avoue que j’ai rencontré des personnes fort agréables à fréquenter, répondit Brigitte, avec gourmandise.

— Moi, j’ai craqué pour Juan, le peintre, ajouta Julie. J’aimerais écrire quelque chose sur lui. Il mériterait d’être plus connu.

— Je pense qu’il ne demanderait pas mieux, reprit son amie, tu pourrais poser pour lui. Peut-être pourrait-il même te peindre de mémoire, il te dévorait des yeux.

— Je passerai peut-être le voir avant mon retour !

— Ne t’inquiète pas, mon amour, je ne suis pas jaloux, conclut Ange.



*** Fin ***

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