Chapitre 28

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30 avril, Downtown Los Angeles

Les bureaux du Coroner du comté de Los Angeles sont situés au 1104 North Mission Road. Depuis West Hollywood, l’accès est assez facile par l’US-101. Charlie et Joe s’étaient retrouvés pour prendre un café ce lundi matin, avant de rejoindre le légiste pour l’autopsie de Samantha Page. Charlie n’était pas spécialement pressée de subir cette épreuve et souhaitait laisser au praticien le temps de faire le plus gros du travail. Assister à la pesée des organes ne l’emballait pas spécialement, elle se serait contentée des conclusions si le capitaine n’avait pas insisté.

Comme espéré, l’essentiel était terminé lorsque les deux policiers entrèrent dans la salle d’examen, soigneusement équipés de blouses, masques et gants. Le corps de la malheureuse n’avait plus grand-chose à voir avec la sculpturale égérie de Sunny Vale. Le médecin laissa à son assistant le soin de terminer le travail et sortit de la salle, suivi des deux détectives.

— Je suis le Docteur Mark Lane. Je ne crois pas que l’on se soit déjà rencontrés. Le café est horrible ici, mais c’est tout ce que je peux vous proposer, lança-t-il.

— Non, merci. Allons directement au but. Que pouvez-vous nous apprendre sur cette femme.

— Sujet de sexe féminin, race caucasienne, un mètre soixante-douze. Age approximatif entre cinquante-cinq et soixante ans.

— Cinquante-huit pour être précis, interrompit Joe. On sait tout ça.

— Du calme Joe, je crois que le Docteur Lane veut nous faire remarquer qu’en dehors de la procédure, on peut mettre un peu de chaleur humaine, si je peux me permettre ce jeu de mots en ce lieu. Je suis le détective Charlie Mortansen du LAPD et le néandertalien à mes côtés est Joe Cardoni, mon partenaire.

— Merci Charlie, vous permettez que je vous appelle ainsi ? Pour moi, vous pouvez laisser tomber le "Docteur" et m’appeler Mark.

— Bien entendu, Mark.

— Selon les informations qui m’ont été communiquées, on a retrouvé le corps de cette femme flottant dans la piscine, hier matin. Je peux déjà vous dire avec certitude que la cause du décès n’est pas la noyade. Il n’y avait pas d’eau dans les poumons.

— Qu’est-ce qui a causé la mort alors, demanda Joe ?

— Je ne peux pas répondre avec certitude à ce stade, mais certains signes cliniques me laissent penser qu’il pourrait s’agir d’une mort par asphyxie. J’ai détecté des zones cyanosées sur le corps et des pétéchies dans les yeux. J’exclurais la strangulation car il n’y a pas de traumatisme au niveau du cou. Il nous reste diverses options comme l’oreiller sur le visage ou le sac plastique. Je n’ai pas trouvé de fibres sur le visage, ça peut bien sûr s’expliquer par le séjour dans l’eau, mais le sac sur la tête me parait plausible.

— Je présume qu’à ce stade vous n’avez pas encore d’éléments fiables sur la toxicologie, dit Charlie.

— En effet, il me faudra un peu de temps pour les tests, demain soir sans doute, mais j’ai d’autres points qui devraient vous intéresser. Il y a des marques sur le corps au niveau des chevilles et des épaules, très vraisemblablement post-mortem. Il est très probable que deux personnes aient porté le corps.

— Elle aurait été tuée dans la maison puis jetée dans la piscine. Ça expliquerait qu’il n’y ait ni vêtements ni chaussures à côté du bassin, confirma Joe.

— Une dernière chose qui devrait vous intéresser. La victime avait une vie sexuelle intense. Elle avait très probablement eu un rapport peu de temps avant sa mort, à la fois vaginal et anal. Rapport protégé car je n’ai pas trouvé de traces de sperme identifiable.

— Dommage, ajouta Charlie. Mais ça voudrait dire qu’elle a reçu un visiteur masculin juste avant sa mort.

— C’est l’hypothèse la plus probable, mais aujourd’hui, deux femmes peuvent également pratiquer certains jeux avec des accessoires virils.

— Vous voulez dire un gode-ceinture, demanda Joe ?

— Par exemple. Vous n’avez rien trouvé de ce genre chez elle ?

— À vrai dire, nous n’avons pas encore procédé à une investigation poussée de la maison. Les éléments que vous venez de nous donner vont nous permettre d’envoyer une équipe d’experts, répondit Charlie.

— N’oubliez pas qu’il a fallu deux personnes pour déplacer le cadavre.

— Merci Mark, autre chose ?

— Non, c’est tout ce que j’ai pour le moment, mais je pense que ça vous donne un peu de grain à moudre. Je vous recontacte dès que j’ai du nouveau sur les drogues.

Sortie du bâtiment, Charlie respira l’air pollué de la ville avec bonheur.

— Je préfère l’odeur des gaz d’échappement à celle de la mort.

— Bon, on a quand même du nouveau. On recherche deux hommes, dont au moins un a baisé la femme avant de la tuer. Ça met Shaina Freeman hors de cause.

— Pas si vite. Elle peut avoir un rôle à jouer, même s’il est certain qu’elle n’a pas agi seule. Cette visite express n’est quand même pas très claire. En tout état de cause, on va demander une fouille en règle de la villa de Samantha Page.

— Sauf si l’assassin est vraiment très con, je doute qu’on retrouve sa capote avec son ADN, dit Joe. Moi je tire toujours la chasse d’eau !

— Epargne-moi ces détails s’il te plait. Il faut savoir où sont passés ses vêtements, ses chaussures. Chercher des empreintes, des verres peut-être. Je ne vais pas t’apprendre le boulot. Il faut qu’on reparle à la femme de ménage, j’espère qu’elle n’a pas effacé les traces en arrivant hier matin. Comment s’appelle-t-elle déjà ?

Joe consulta son carnet de notes. Il travaillait à l’ancienne, sur papier. Dans cette circonstance, c’était bien commode.

— Voilà, Soledad Alvarez. J’ai une adresse, dans un quartier hispanique, pas très loin d’ici et un téléphone.

— OK, tu l’appelles et tu vois si on peut passer rapidement. Essaie de ne pas l’effrayer.

Joe haussa les épaules en composant le numéro. La conversation ne prit que quelques instants. Charlie fut surprise d’entendre son collègue échanger quelques mots en espagnol. Lorsqu’il eut raccroché, elle lui demanda.

— Tu parles espagnol ? Je te croyais italien.

— Et alors, ce n’est pas incompatible. J’ai grandi dans un quartier de New-York où on parlait plus espagnol qu’anglais, j’avais plein de copains Portoricains.

— Tu n’es pas de Little Italy ?

— Bonjour la caricature, et non, mon oncle n’était pas dans la Mafia. Tu veux savoir ce qu’elle m’a dit ?

— Accouche !

— Elle ne travaille pas aujourd’hui, elle aurait dû être à la villa Page. Elle fait des courses dans un centre commercial au bord de la 110. C’est à un quart d’heure d’ici. On se retrouve là-bas à 11 heures.

— En route.

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