Il aurait fallu...

3 minutes de lecture

Il aurait fallu qu'on soit tous présents pour elle. Il aurait fallu qu'on s'en rende compte au bon moment, et pas juste maintenant, alors que c'est trop tard.

On aurait du le voir, on aurait du le sentir, on aurait du le voir venir, c'est pourtant si évident maintenant qu'on ne peut plus faire marche arrière...

Tous ses signes tous ses changements d'humeur, les petites phrases qu'elle glissait pendant un dialogue, mais que tout le monde ignorait.

Ses absences répétées, sa façon de fuir les autres, de fuir même ceux qui l'aimaient; de s'exiler volontairement, de laisser les autres parler dans le vent.

La façon dont elle souriait quand quelqu'un la surprenait à regarder dans le vide, éteinte, perdue, absente.

On aurait du être là, insister, lui remonter le moral, mais comment voulez-vous lorsque ceux que vous aimez vous rejettent du plus profond d'eux même? Quand ils coupent les liens, quand ils brisent les relations volontairement sans aucune explication?

Comment pouvez-vous aider quelqu'un qui ne le souhaite pas? Qui ne le veut pas?

Alors dans ce cas, je ne suis pas censé être coupable, me sentir aussi mal, mais je culpabilise, je culpabilise si fort que je sens mon coeur se déchirer, s'effriter dans ma poitrine.

Je culpabilise de son geste, de son acte désespéré? Prémédité? Forcément.

Quand j'y repense, je me rend compte que tout ça ne date pas d'hier. Que depuis des mois et des mois voire des années, elle vivait dans cette bulle, elle vivait dans ce monde, elle souriait à tout va, à qui vient, elle amusait la galerie.

Pendant plus de deux ans, elle a réussi à tenir, pendant deux ans, elle nous a dûpé avec ses sourires.

Et pendant deux mois, elle a lâché. Elle a abandonné. Elle a abaissé toutes les barrières, brûlé tous les masques, elle a laissé place à son vrai visage, laissant respirer au grand air sa tristesse qu'elle camouflait en indifférence.

Elle était si... Peu sociable et changeante que personne ne s'en était rendu compte; que personne n'a eu de lumière, personne n'a vu que ce n'était pas comme d'habitude. Qu'elle était plus sombre que son obscurité habituelle.

Alors malgré le fait que je n'aurais sûrement rien pu faire, je me sens mal, j'ai l'impression d'être l'auteur d'un crime que j'aurais moi-même commis, d'être l'auteur d'un crime par mon ignorance.

Je retournerais en arrière si je le pouvais; je retournerais en arrière si je le pouvais. Je retournerais en arrière si je le pouvais!

Je ferais tout pour effacer ces trois derniers jours de mon crâne, effacer ces images de mes yeux, et oublier ces secondes qui resteront à jamais gravées derrière mes paupières, mon propre cri qui m'écorchait les oreilles, ces larmes d'acide qui se sont gravées sur mes joues.

Je souhaiterais tellement oublier la vue de son corps...

Je souhaiterais tellement oublier la vue de son corps qui tombait en arrière, qui tombait dans le vide.

Je souhaiterais tellement oublier le bruit du claquement de ses vêtements contre son corps pendant sa chute libre.

Et je souhaiterais plus que tout me briser la mémoire, l'effacer, l'oublier, la brûler pour oublier et supprimer à jamais le bruit de son corps frêle touchant le sol, bruit résonnant dans l'air, bruit terrifiant et horrifiant dansant à mes oreilles, me narguant, et m'arrachant le cri de mon âme; un cri me réduisant les cordes vocales en miettes, pour maigre compensation de la mort de celle que...

De celle que j'aime.

De celle que j'ai aimé tant d'années, sans même le savoir, sans même le penser...

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Mademoiselle Margaret ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0