IV. Le petit chaperon rouge

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Il était une fois un petit garçon de village, le plus joli qu'on eût su voir ; sa mère en était folle, et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge, qui lui seyait si bien que partout on l'appelait le petit Chaperon rouge.
Un jour sa mère, ayant cuit et fait des galettes, lui dit : « Va voir comme se porte ta mère-grand, car on m'a dit qu'elle était malade, porte-lui une galette et ce petit pot de beurre. » Le petit Chaperon rouge partit aussitôt pour aller chez sa mère-grand, qui demeurait dans un autre village. En passant dans un bois il rencontra ses compères, les loups, qui eurent bien envie de le manger.

« Hé, v’la encore l’autre débile ! »

— Ahahaha, t’es trop drôle ! C’est vrai qu’il est débile ce chaperon rouge. »

Tous en coeur, ils chantaient : « Débile, débile, débile ! Petit chaperon rouge, tu aurais mieux fait de te suicider ! Non, mais regardez-moi ce déchet ! Avec cet accoutrement, qu’est-ce que tu es laid ! »

Les loups s’esclaffaient, ils faisaient une ronde autour de lui et s’amusaient encore à l’insulter.

À chaque fois que le chaperon rouge traversait la forêt, c’était la même rengaine, toujours les mêmes insultes. Il avait pris l’habitude de se faire humilier.

Il ne répondit pas. Il continuait sa route silencieusement en évitant les pierres que les loups lui jetaient.

Plus tard, il arriva à la hauteur de la maison de sa mère-grand. Il tira la chevillette et entra.

Elle vit alors son visage ruisselant de larmes.

« Assieds-toi, mon enfant et raconte-moi ce qui te chagrine autant.

— Mère-grand, les loups du village n’arrêtent pas de m’humilier. Tout le temps !

— Je vois. »

Sur ces mots, elle sort d’un de ses placards poussiéreux, une fiole.

« Bois ça et plus jamais ils ne pourront t’atteindre.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Regarde l’étiquette.

— Sens...de… l’observation, ana...lyse. Qu’est-ce que cela signifie ?

— Arrête de réfléchir et bois. »

Le petit chaperon rouge enleva le bouchon en liège.

Flop ! Et avala le contenu de la fiole d’une traite.

« Comment te sens-tu ?

— Mère-grand, que vous avez de grands bras…

— Parfait, cela commence à faire son effet, maintenant retourne dans la forêt.

— D’accord. Et pour la galette alors ?

— On s’en fiche de la galette ! »

Le petit chaperon rouge rassembla ses affaires et mère-grand griffonna quelque mots sur une serviette et le lui apporta.

« Qu’est-ce que c’est ?

— Arrête de poser autant de questions, mets ça dans ton panier et apporte-la à ta mère quand tu seras sorti de la forêt. »

Le petit chaperon rouge tira la chevillette et sortit.

Il marcha longuement dans la forêt et vit des loups par dizaine qui l’attendaient.

Ils recommencèrent à l’insulter.

« Hé ! vl’a encore l’autre débile ! »

Le petit chaperon rouge ne put s’empêcher de rire.

« Hé, laideron. Pourquoi tu ris ?

— Je ris parce que je viens de comprendre.

— Ah l’autre débile commence enfin à nous répondre, enfin !

— Cela doit être dur à vivre » répondit le chaperon avec un grand sourire.

Les loups l’encerclent et lui, il se met à rire de plus belle. Les loups stupéfaits ne savent plus quoi répondre.

Le chaperon rouge, animé par un désir de vengeance se lance alors :

« Cela doit être dur à vivre d’être le fruit d’un avortement raté. C’est bien ta mère que j’ai observée tout à l’heure faire le tapin derrière un arbre ? Cela explique pourquoi je te croise toujours dans la forêt à n’importe quelle heure de la journée. Et toi, là-bas. Comment vis-tu le fait d’avoir un père qui rentre totalement alcoolisé après sa journée de travail et dont la seule activité à la maison est de te frapper ? Eh toi… Comment vis-tu le fait d’être le fruit d’un adultère ? Eh toi... »Il n’a pas le temps de finir son monologue que tous les loups finissent en pleurs.

Et pendant ce temps-là, le petit chaperon rouge continue son petit bout de chemin.

Il arrive à la hauteur de sa maison, met la clé dans la serrure et retrouve sa mère dans le salon.

Il lui apporte alors la serviette de son panier.

Elle lit attentivement les petits mots griffonnés au crayon à papier.

« Je sais que tu l’aimes tendrement et que tu feras toujours tout pour le protéger, mais il est grand temps que tu arrêtes de le couver comme un bébé. Ton fils se fait harceler par les loups, c'est un fait. »

Sa mère se retourne vers son enfant.

« Reprend ton panier, on va sortir dans la forêt.

— Mais…

— Je ne veux pas de protestation, dépêche-toi. »

Main dans la main, ils s’aventurent dans la forêt.

Des vingtaines de loups les attendent, ils ont tous ramené leurs parents.

L’une des mères se met à hurler et tous en coeur, ils les encerclent.

« C’est donc vous la mère de ce fils ignoble ? »

La mère adresse un regard tendre à son fils et lui serre plus fort la main. Puis elle regarde l’ennemi en face.

« Tu peux articuler avant de parler s’il te plait ? Je n’entends rien.

— J’ai dit. C’est donc vous la mère de ce fils ignoble ? Il a fait pleurer mon enfant !

— Ah ! C' est bien ce qui me semblait. Je n’entends vraiment rien. Il faut parler plus fort, madame !

— Mais elle le fait exprès l’autre débile ?

— Ah ! ça y est, je t’entends enfin. Ah… ! Mais on se connaît toi et moi !

— Oui, on était dans le même lycée à l’époque, mais ne dévie pas la conversation.

— Ah oui, ça y est. Je m’en souviens ! Tu étais le laideron du lycée qui insultait tout le monde.

Ton mari va bien ? J’ai encore entendu dire qu’il s’était tapé une autre femme pendant que tu travaillais. C’est époustouflant quand même. Sacré mari. Dire qu’à l’époque tu me jalousais parce que personne ne te regardait. Même ton mari a tenté de sortir avec moi à l’époque. C’est ton gosse que je vois derrière ? Il ressemble sacrément à son père. Oh ma pauvre, ma pauvre ! En plus tu as les traits tellement tirés, cela ne m’étonne même pas que tu n’aies ni le temps ni l’envie d’éduquer ton enfant. Ah, mais je te reconnais aussi, toi là-bas ! C’est toi le fameux père au complexe d’Œdipe ? Comment va ton père, l’alcoolique ? Je te vois avec une boisson à la main ! C’est bien, je vois que tu reproduis le même schéma. Oh ! Et toi là-bas… » Tous les loups se mettent à pleurer et s’enfuient.

La mère, de nouveau seule avec son enfant, lui embrasse tendrement le front, s’agenouille et le prend dans ses bras.

Ils se glissent quelques mots en se regardant droit dans les yeux avant de repartir vers leur maison, main dans la main :

« Je t’aime tellement mon fils, si tu savais.

Promets-moi que plus jamais tu ne laisseras qui que ce soit te marcher sur les pieds.

— Oui, maman. Je te le promets. »

Ainsi, le petit chaperon rouge put se promener dans la forêt sans que plus jamais aucun loup ne puisse le rabaisser.

Moralité de l’histoire : Il n’y a que Jésus pour vous dire de tendre l’autre joue lorsque vous vous faites gifler. Étonnant de la part d’une personne qui a fini crucifiée par ses propres alliés.

Il y a un temps pour ignorer les attaques et un temps pour répondre.

Dans tous les cas, n’acceptez jamais que l’on puisse essayer de vous soutirer votre dignité.

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