Dix-neuf ans plus tard

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Zorya

Un pinceau à la main, je capture sur la toile les reflets majestueux du soleil de cette fin d'après-midi. L'Astre rayonne sur le lac Glubokoye*(1) tel une diffusion d'or pur, illuminant les environs d'une lumière enchanteresse. Je me sens particulièrement chanceuse de vivre ici et de pouvoir admirer à l'infini ce paysage magnifique. En presque dixneuf ans d'existence, j'apprécie chaque minute passée dans cet environnement authentique qui stimule mon imaginaire. À travers la fenêtre, bien que la vue reste toujours la même, j'ai l'impression de la voir sous un jour nouveau à chaque fois.

- Zorya ? Zorya ? Zorya ? Où es-tu donc passé ?

Entendre la voix impatientée de ma mère me fait prendre conscience, que je ne me suis pas préparée pour la nuit de la Koupala*(2). Obsédée par mon désir plus que monomaniaque de finir ce tableau, je n'ai absolument pas vu le temps défiler. Je lève les yeux vers le mur de droite afin d'y lire l'heure sur l'horloge et saute de surprise lorsque je comprends qu'il ne me reste que trente minutes pour me préparer. Pas de doute possible, mama doit être furieuse.

Je m'apprête à ouvrir la porte de mon atelier pour rejoindre ma chambre lorsque j'aperçois mes doigts tâchés de peinture à l'huile. Je gémis de découragement, car même si je souhaite me presser, il me faut d'abord ranger mon désordre. Je me détourne de la direction que j'avais prise et me dirige vers ma palette afin de tout remettre en ordre. Mais c'est sans compter sur ma mère qui empressée s'agace de me chercher et dont la voix exprime clairement son mécontentement.

- Zorya Myes Andronikov , ne me dit pas que tu es encore enfermé dans cet atelier de malheur ?

Der'mo*(3)! Elle doit être vraiment furax, parce qu'elle ne m'appelle jamais par mon nom complet à moins d'être profondément agacée. À mon grand dam au moment où je décide de lui ouvrir pour lui répondre, elle se met à toquer sur le battant. Me sentant coupable, je déverrouille l'entrée de mon office, lorsqu'elle me saute littéralement dessus comme une louve déchaînée. Ne me demandez pas pourquoi, mais je l'ai toujours comparé à une louve. Cette nuit de la Koupala est très importante Zorya, m'annonce t'elle passablement énervée.

Elle me scrute quelques instants de ses yeux de lynx et me demande sérieusement.

- Comment peux-tu nous mettre décemment en retard ainsi ?

Confuse, je tente de m'excuser, mais ma première tentative est vaine. Sans broncher elle me stoppe nette de la main puis me dit ce qu'elle pense.

- Zorya, tu sais très bien à quel point cette soirée est importante cette année. Je te l'ai expliqué mille fois, il me semble, non ?

Je baisse les yeux et m'excuse à nouveau.

- Excuse-moi mama, je te jure que je n'ai pas vu le temps passer. Elle lève un sourcil avec cette moue réprobatrice qui m'indique à quel point elle est en colère. Alors contrairement à elle, j'affiche un sourire qu'elle me dit irrésistible, m'approche d'elle et l'embrasse avec affection. Et en deux secondes la femme contrariée qui est rentré dans la pièce laisse place à une maman aussi remplie de tendresse qu'une couverture douce. Elle finit par sourire aussi, secoue la tête et moqueuse me dit.

- Tu ressembles tellement à ton père Zorya. Alors contrairement à elle, j'affiche un sourire qu'elle me dit irrésistible, m'approche d'elle et l'embrasse avec affection. Chaque fois que je te regarde, je le vois dans chacun de tes gestes ma chérie.

Elle m'embrasse le haut de la tête et m'étreint quelques minutes. Je m'approche et la laisse me serrer dans ses bras, car je sais à quel point parler de mon père la rend triste. Après un très long moment, nous nous éloignons et elle me balance en ricanant.

- Je sais très bien ce que tu viens de faire jeune fille. Il n'empêche que nous serons quand même en retard si tu ne te presses pas. J'ai laissé la nouvelle robe que je t'ai faite sur ton lit. Je vais m'occuper de ton désordre, allez files avant que je ne change d'avis.

J'éclate de rire et détale en direction de ma chambre sans demander mon reste. En vitesse, je prends une douche et finis par me retrouver devant le miroir alors que j'appose la touche final de mon maquillage léger. Je jette un regard à mon reflet et m'étonne de me trouver si belle. Je ne suis pas vaniteuse, mais chose étrange plus je grandis et plus je deviens vraiment très belle.

Mes cheveux d'un blond presque blanc sont aussi dorés et luisant que ceux de Raiponce. Ma peau blanche et lumineuse est aussi douce qu'une fleur de lys. Mes yeux gris sont aussi clairs et troublants qu'un ciel orageux. Mes lèvres rose thé ont la délicatesse d'un fruit mûre et sucrée. Tout chez-moi n'est que grâce, lumière et beauté, ceci a tel point que je me pose des questions sur l'homme qu'était mon père. Ma mère m'a toujours dit que je lui ressemblais, mais elle ne m'a jamais montré aucune photo de lui. Comme si l'homme qu'elle dit avoir aimé si fort, n'est en réalité que le fruit d'un fantasme.

J'ai bien essayé de lui poser des questions, mais ses réponses ont été plus vagues les unes que les autres. Et chaque fois que je la poussais elle devait triste à en être malade. Au fil du temps voyant ses réactions, j'ai cessé de poser des questions. Mais plus je me regarde dans un miroir et plus divers interrogations me tourmentent, ne me laissant jamais de répit. Et tout ça, c'est sans compter le fait que nous pratiquons une religion ancienne dont la plupart des gens ne savent rien.

Et tout ça, c'est sans compter le fait que nous pratiquons une religion ancienne dont la plupart des gens ne savent rien. Depuis ma plus tendre enfance, ma mère m'a transmis les rites et les enseignements païens. Même mon prénom Zorya est celui d'une déesse païenne autrefois vénérée comme gardienne des Aurores. Les Aurores qui représentent l'étoile du matin, l'étoile du berger et l'étoile de minuit. C'est une très jolie interprétation, ce qui me pousse à me poser encore davantage de questions.

Encore perdue dans mes pensées, je suis interrompu de nouveau pas ma mère qui franchit le seuil de ma chambre.

- Tu es prête moya krasavitsa*(4) ?

Je lève les yeux et lui répond d'un souffle.

- Oui, maman. Elle s'approche de moi, entoure ses bras autour de ma taille avec amour et me complimente.

- Tu es vraiment très belle ma chérie.

Puis sans que je ne comprenne, elle se détache de moi et me passe un collier avec un pendentif. Elle m'embrasse et me dit tranquillement.

- Il appartenait à ton père, prend en soin.

Il appartenait à ton père, prend en soin. Je suis sous le choc et des larmes que je n'arrive pas à contenir roulent sur mes joues.

Lac de l'isthme de Carélie, situé dans le district de Vyborgsky, dans l'oblast de Léningrad.*(1)

Rituel païen, l’un des plus anciens au monde, célèbre le solstice d’été et les dieux slaves.*(3)

Merde.*(3)

Ma belle.*(4)

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