Chapitre II.5

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Dépité, il songea un moment à sortir et passer chez son amie Star, qui lui faisait toujours bon accueil, surtout s’il amenait une bouteille de single malt avec lui. Mais, après réflexion, il décida également de s’abstenir : il avait déjeuné avec elle à midi dans une brasserie proche de son travail et celle-ci, non content d’engloutir le dessert de Max en plus du sien — tu vas vraiment finir cette tarte aux pommes ? —, lui avait également présenté son flirt du moment, miss Linsey L. Lemon, une superbe rousse aux yeux verts, absolument flamboyante et qui semblait toute droite sortie d’une bande dessinée pour public averti.

En dépit d’une silhouette incroyablement affolante et d’un tour de poitrine qui rivalisait sans peine avec celui Marcy, c’était plutôt par sa conversation d’une prodigieuse crétinerie qu’elle avait impressionné le brave Max. Subir une autre entrevue avec miss L.L.Lemon, toute plaisante à regarder qu’elle fut, était en ce moment au-dessus de ses forces, sans compter qu’à cette heure-ci, les deux filles devaient certainement se livrer à bon nombre de galipettes à caractère érotiques. Max savait pertinemment que son amie Star n’avait pas choisi la dénommée L.L.L pour la finesse et la pertinence son intellect, mais pour d’autres qualités qui ne pouvaient que mettre quelque peu mal à l’aise un garçon de sa sensibilité.

Il lui était arrivé quelques années auparavant, par un hasard aussi total que malencontreux, d’aller à l’improviste chez Star et tomber pile sur une démonstration de grande passion entre celle-ci et sa copine du moment. Ce qui avait provoqué les évènements suivants, à peu près dans cet ordre :

1. Une gêne indescriptible qui colora le visage de Max d’une jolie nuance, mais assez inédite, de carmin.

2. La surprise, puis la franche hilarité de Star.

3. La stupeur et la fuite éperdue du flirt de cette dernière, une adolescente visiblement très farouche, puisque jamais revue depuis.

4. Un verre de cognac sec offert par une Star compatissante qui, s’étant sommairement revêtue d’un poncho, s’amusa à taquiner gentiment le pauvre garçon : « Max, vieux frère, qu’est-ce que tu peux être prude ! Enfin, tu aurais bien dû te douter que je ne me contenterais pas de lui faire la conversation à cette chère petite… Euh, zut alors, comment s’appelle-t-elle déjà… ? C’est ça, bonne idée, reprenons donc un verre… »

5. Le feu nourri des questions inquisitrices d’une Teresa, alors en pleine lecture de Philip Roth, qui se faisait plus libidineuse que d’ordinaire : « Ça peut être intéressant pour ma prochaine nouvelle, alors tu as vu Star toute nue, dans son salon avec cette gamine et donc… »

6. Une conversation un peu gênante, quoiqu’instructive, avec Marcy.

7. Une série de conversations supplémentaires, encore plus gênantes, avec le psychologue qu’il consultait parfois et qui pour l’occasion revit ses honoraires à la hausse.

Il renonça donc à sortir et se concentra sur l’émission, un autre des invités au palmarès particulièrement brillant parla de son habitude d’étreindre les arbres lors de ses promenades en forêt, pratique qui fut jugée pleine de sens par les autres intervenants. Max, acerbe, se demanda s’il en aurait été de même au milieu d’un champ de cactus mexicains et à sa connaissance la seule autre personne de son entourage à se livrer à cet exercice était son Oncle Ford, qui dans sa prime jeunesse, embrassait les lampadaires lorsqu’il rentrait chez lui, mais seulement après avoir consommé du bourbon en volume suffisant. Quand le romancier présenta son dernier ouvrage, fort passionnant au demeurant, et directement inspiré par les mânes de Nicolas Tesla et Erwin Schrödinger qui, selon lui, étaient un beau matin apparurent dans sa propre chambre un peu avant l’aube, Max en vint légitimement à se demander ce que ce monsieur prenait avant de se coucher et en quelle quantité.

Jamais il n’avait eu les visite, fussent-elles en rêve de Michel Ange, du Caravage voire de Salvador Dali, ni même à défaut de quelques muses plus modestes comme Frank Frazetta, Vincente Segrelle ou bien encore Rodney Matthews. Non, les seules apparitions matinales qui se manifestaient dans ses appartements se bornaient à celles de Marcy, qui plus soucieuse que d’ordinaire de la bonne santé de son cadet le sortait prestement du lit pour un footing revigorant dès six heures du matin, ou encore de Teresa, qui soudainement matinale, venait aux aurores lui faire la lecture détaillée du fruit de ses ruminations nocturnes. Au demeurant, ces apparitions bien tangibles, particulièrement Marcy avec son enthousiasme et sa poigne en conséquence, pour envahissantes qu’elles puissent êtres demeuraient infiniment plus rassurantes que celle de quelconques génies artistiques du passé, qui ne sait-on jamais, aurait pu imposer à Max de franchir le Styx en leur compagnie. Et sans doute aurait-il eu en plus à avancer les oboles requises pour Charon, les grands artistes n’ayant en général rarement de monnaie sur eux ! Mieux valait donc des manifestations d’amour fraternel, aussi éruptives que sincères, que celles de quelconques esprits défunts, si illustres qu’ils puissent avoir été de leur vivant. Il est important de savoir Max redoutait également l’intrusion nocturne de quelques extra-terrestres ; mais ça, c’est une autre histoire…

Finalement, à force de ruminer, il en conclut que du repos s’imposait incontestablement et en fit part à ses sœurs qui l’une comme l’autre s’inquiétaient de voir leur pauvre frère si tourmenté depuis ce matin. Réconcilié avec l’existence et après un dîner magistralement préparé par Marcy, la décision de prendre un peu de repos fut prise à l’unanimité !

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