Chapitre 32 : Questions

6 minutes de lecture

19 septembre 2115, 15:30

Zavodar

Aire d'atterrissage Z-13

Après avoir discuté quelques temps, le lieutenant Federico et le capitaine Tenson étaient appelés par Gurracha. La réunion avec les différentes ambassades était terminée, et il voulait ramener en personne les Martiens et les deux Terriens. Les Martiens furent donc amenés dans le vaisseau personnel du Mongol, qui décolla sans perdre de temps. Le chef des pirates était occupé avec ses officiers, et les Terriens en profitèrent pour se renseigner auprès de leurs amis :

« Alors, général ? Que vous a-t-il dit ?

-Qu'il était désolé d'avoir utilisé la violence, mais que c'était la seule option. Apparemment, il veut faire bouger les choses, réveiller les gens.

-Et donc ?

-Sur le principe et l'idée, j'approuve. Ses moyens sont en revanche ignobles. Il y a forcément quelque chose derrière cela.

-Et bien, nous avons appris également des choses de notre côté.

-Ah ? De quoi s'agit-il ?

-C'est bel et bien un Terrien. Il avait été envoyé sur Mars avec la même mission que nous, il y a de cela deux décennies.

-Je suppose que vous n'étiez pas au courant ?

-Nous étions censés être les premiers à faire ce genre de mission. Personne n'a jamais entendu parler de ce type d'opération auparavant. Donc notre gouvernement s'est à l'époque débrouillé pour que personne ne le sache. Pourquoi, je n'en sais rien.

-Peut-être voulaient-ils déjà partir ? Et afin de le faire discrètement, ils auraient limité la connaissance du projet.

-Possible. Quoi qu'il en soit, j'aurais quelques questions à leur poser lorsque nous rentrerons à notre base.

-Ils vous auront passé les menottes avant.

-Gurracha leur parlera. Et quand ils vont apprendre ce qu'il leur dira, ils ne penseront même plus à moi.

-Je ne sais pas pourquoi, mais j'en doute fort. »

*

19 septembre 2115, 16:30

Campement Terrien

« Monsieur le ministre ! Content de vous trouver aussi rapidement. Suivez-moi je vous prie. Je suis avec le colonel Taizhong et le capitaine Buton. C'est au sujet de l'évasion. »

L'ingénieur-chef accompagna Vandervoorde et ils se rendirent dans la navette de commandement, dans la salle principale. Sur les murs étaient accrochés des photographies des deux évadés. Sur la table, plusieurs dossiers étaient parfaitement visibles : états de service, biographie, comptes rendus des supérieurs et caetera. Le capitaine Buton prit la parole en premier :

« Nous ne savons pas comment ils ont pu s'échapper. Mais ce qui est sûr, c'est que la porte n'a pas été fracturée : quelqu'un avait la clé, et ce quelqu'un a assommé les gardes qui étaient postés de l'entrée de la navette à la cellule.

-Donc une aide extérieure ?

-C'est obligatoire.

-Et qui ? Dans notre camp ?

-J'ai mes propres soupçons, mais je ne peux encore rien vous affirmer. Je pense également qu'une intervention étrangère soit à appréhender.

-Vous voulez parler des Martiens ?

-Ce n'est pas impossible.

-Mais pourquoi iraient-ils interférer dans des affaires internes ? Cela ne les concernent pas.

-Et qu'ont fait Tenson et Federico ? La même chose. Les Martiens ont dû se sentir redevables et n'ont pas hésité à violer notre campement pour les sortir de là.

-Les sortir de là par le pont, d'après ce que nous avons pu relever. Avez-vous fait examiner les projectiles qui ont neutralisés les gardes de cette sortie ?

-C'est en cours, ingénieur-chef. J'ai demandé au département scientifique de travailler dessus, et ils me préviendront lorsqu'ils auront des nouvelles.

-Fort bien. Colonel Taizhong ? Vous n'avez rien dit depuis tout à l'heure.

-Peut-être n'ai-je rien à dire.

-Allons donc. Il s'agit de l'évasion de deux de nos prisonniers.

-Et de deux membres de notre équipage. Du mien, monsieur l'ingénieur-chef. Ces deux officiers étaient et sont encore officiers de l'expédition Columbus, dont j'ai le commandement.

-Qu'insinuez-vous ?

-Je n'insinue rien. Je vous rappelle simplement que lorsque vous parlez de ces gens, vous parlez de mes officiers.

-Que je soupçonne de trahison.

-Alors vous ne les connaissez pas.

-Colonel ! Depuis quand portez vous Tenson dans votre cœur ? »

Le visage de Taizhong se raidit. Il se redressa et regarda froidement Ravishna, d'un air de défi :

« Laissez-moi-vous expliquer quelque chose. Tenson et moi sommes radicalement opposés sur notre vision de l'Armée. Pour lui, c'est une famille, où la chaleur est de rigueur entre tous. Pour moi, c'est une machine implacable, brute, où les émotions ne sont que des grains de sables pouvant enrailler tout le système. Je ne porte donc pas Tenson dans mon cœur, et ce ne sera jamais le cas. Mais c'est un raisonnement logique et épuré de tout sentiment qui fait que je crois en lui, en Federico, et que je pense qu'ils ne sont pas des traîtres, ni des espions, ni quoi que ce soit que vous imaginez.

-Dites-moi colonel. Les auriez-vous aidés ? je n'aurais pas cru que cela puisse venir de vous.

-Je ne les ai pas aidés car je me suis dit que tout allait être examiné avec sérieux, de façon méthodique. J'ai cru à une sorte de procès équitable. Mais vous venez de me prouver le contraire. Vous m'avez demandé depuis quand je portais Tenson dans mon cœur : pour vous, c'est simplement une affaire d'attachement. Nous sommes tous les trois réunis, et puisque nous ne portons pas Tenson dans notre cœur, nous devrions le faire arrêter pour n'importe quel motif discréditant. J'entre en complet désaccord avec vous. Je suis peut-être insensible, pour certains inhumain, mais j'ai un sens de la justice, ingénieur-chef.

-Etes-vous réellement à votre place, colonel ? »

Taizhong ne répondit rien et resta figé. Puis il eut un petit mouvement de tête , approuvant, et commença à se diriger vers la porte, mais le ministre l'en empêcha :

« Restez ici, colonel. Ravishna, je rejoins entièrement Taizhong. Nous ne pouvons sanctionner ou condamner Tenson et Federico si rien de sérieux n'est développé.

-Et mes accusations ? » S'insurgea Buton.

Vandervoorde tourna la tête et dévisagea le mercenaire. Lorsqu'il était arrivé, il le jugeait au moins de bonne volonté, même si impopulaire et dur. Mais à peine vingt quatre heures lui avaient suffi à comprendre que ce n'était pas le cas. Les yeux de l'Américain laissaient voir quelque chose contre les évadés.

« Capitaine Buton. J'ai bien peur que ce soit une affaire personnelle qui vous entraîne tant à vous en prendre à Tenson. Quant à Federico, pourriez-vous m'expliquer son comportement ? Un officier comme elle n'irait pas frapper sans aucune raison.

-Qu'est ce que j'en sais ? Demandez à tout le monde, c'est une folle. Elle frapperait et tirerait sur n'importe qui juste pour avoir un peu d'action.

-Buton ! C'est mon officier. Je vous le redis encore une fois, pour que cela soit clair : ce sont mes officiers.

-Colonel, j'ai été nommé responsable de la sécurité au sein de l'opération Gaïa et surtout au sein d'une expédition Columbus qui n'a plus que la moitié de ses officiers, les autres combattant sous un uniforme différent. Ne croyez pas pouvoir me donner des ordres ou m'intimider. »

Alors que la tension était palpable, on toqua à la porte. Taizhong, qui était à côté, ouvrit. Le major Maui se tenait sur le seuil de la porte :

« Monsieur le ministre ! C'est le ministère de la recherche qui est en communication. Tous les officiers à partir du grade de capitaine sont demandés.

-Bien, merci Major. Suivez-moi messieurs, vous réglerez vos différends plus tard. »

Le groupe alla donc à la navette concernée. Mais à la place de la ministre, c'était un ministre qui se tenait dans l'écran.

« Qui êtes vous ?

-Mon nom est Watanabe no Hajime. Je suis le nouveau ministre de la recherche. Je dois vous expliquer les profonds bouleversements qui ont agité notre Fédération cette nuit. L'attaque de groupes pirates et terroristes contre la capitale ont conduit au décès de nombreuses personnalités, y compris notre président. L'Armée s'est retrouvée dépassée, mais les groupes de sécurité privés ont réussi à vaincre cette odieuse attaque. La ministre de la recherche Anouchka Petrov était désignée par le président pour prendre sa succession s'il lui arrivait quelque chose. Elle est donc la nouvelle présidente de la Fédération. Soyez rassurés, votre mission n'en est pas modifiée : cela n'affecte en rien vos objectifs.

-Une attaque de pirates et de terroristes ? Mais pourquoi ?

-Tout le monde est au courant de l'Opération Gaïa, mais personne ne sait ce qu'il s'y passe. Ces gens ont voulu le savoir, et surtout en profiter. Désormais, la menace est écartée. Je tenais simplement à vous informer personnellement de ces modifications, puisque je suis à présent le rapporteur de cette Opération. J'ai d'ores et déjà commencé à lire les rapports déjà envoyés et continuerais à lire ceux que je recevrais par la suite.

-Nous vous remercions sincèrement. Chacune de nos avancées sera transmise au gouvernement. Mes condoléances aux familles des victimes et... mes amitiés à la présidente.

-Je transmettrai le tout. Ministère de la recherche, terminé. »

Un long silence se fit sentir dans la pièce, sans que personne ne bouge. Vandervoorde rompit le silence.

« Et bien, qu'attendez-vous ? Nous avons une opération à mener à bien ! »

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