Chapitre 13 : Retournement

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16 août 2115

Loyva

Quartier général de l'Armée

« Mon général, que se passe t-il ?

-Commandant Koggs, me croyez vous si je vous dis que Zalos, les deux Terriens et moi-même sommes recherchés par la Garde Royale ?

-Je veux bien vous croire, mais il va falloir m'expliquer. J'en déduis qu'ils ne sont pas satisfaits des retours de la mission anti-pirates ?

-Tenson et moi avons...Quelque peu tenu tête au conseil. Quant à Zalos et la Terrienne, d'après ce que j'ai compris, ils se sont battus contre une bande de voyous et sont recherchés pour trouble à l'ordre public. »

Plusieurs officiers approchaient pour écouter et se passaient le mot. Le commandant Podamis exprima ses doutes en affirmant que la Garde n'oserait pas entrer dans le QG. Hanrel écoutait ses subordonnés débattre lorsque le commandant Koggs parla d'une voix plus forte que les autres :

« Je vais dire aux hommes de préparer leurs défenses, général.

-Une défense, commandant ?

-Si nous devons soutenir un siège, nous le ferons.

-Arrêtez vos folies, Koggs. Nous ne pouvons pas leur donner ce genre d'arguments.

-Certainement pas. Vous êtes sortis en courant du Palais, et il est hors de question que vous soyez arrêtés à cause de ce stupide Conseil. Le moindre homme au sein de ces bâtiments vous est fidèle, alors vous pouvez compter sur nous. Ils ne vous auront pas ainsi.

-Je suis très touché, mais c'est dangereux. Je n'ai pas envie qu'une escalade de tensions mène à un affrontement.

-Ce sont des gardes et des policiers, pas des soldats. Je ne remets absolument pas en cause leurs compétences, mais Podamis a raison, il n'oseront probablement pas attaquer. Il faut simplement ne pas céder et leur montrer que nous ne bougerons pas.

-Je sens que nous allons passer de très belles heures. Bien. Puisque c'est comme ça, pje vous charge de superviser la défense, commandant Koggs. Quant à vous messieurs, suivez-moi. Vous aussi lieutenant. »

Les quatre fuyards se rendirent dans une salle encore non visitée jusqu'à maintenant. Plusieurs armoires et étagères bondaient la pièce, occupé par deux militaires de l'intendance.

« J'ai une question à l'adresse des Terriens. Votre uniforme se salit et nous n'avons ni le temps ni les moyens de vous en constituer des identiques dans ces conditions. Aussi, j'aimerais vous en proposer de nouveaux.

-De nouveaux ?

-Des uniformes Martiens, correspondant à vos grades. Considérez cela comme un cadeau. Normalement, il vous ira lieutenant. Même avec... »

Le général désigna vaguement la poitrine de Federico avec une sorte de grimace. Celle-ci regarda d'un air sombre son capitaine, qui ne laissa rien transparaitre. Zalos étouffa un rire pour ne pas la vexer, mais elle l'aperçut et lui lança un regard noir. Hanrel appuya sur un bouton, et une porte s'ouvrit dans le mur : c'était un placard. Deux uniformes pendaient à l'intérieur, et le Martien les sortit pour les remettre à ses amis. Ils étaient gris foncé, avec des épaulettes bleu roi. Une ceinture noire à boucle argentée permettait de ranger son pistolet, cher à tous les officiers.

« Allez y, qu'attendez vous pour les mettre ? » dit Hanrel avec un grand sourire.

Mais Tenson regardait Federico avec gêne, qui n'était pas plus à l'aise.

« Mon capitaine... C'est à croire qu'ils le font exprès. Je suis un soldat, mais j'ai mes limites quant à la pudeur.

- Moi aussi. Général ? Si cela ne vous dérange pas, il faudrait que nous sortions pour que mon lieutenant puisse se changer. Puis lorsqu'elle sera prête, j'aimerais être seul afin de le faire également.

-Seuls pour se changer ? Voilà une idée saugrenue.

-Oui, et bien tous les Terriens n'ont pas envie de se changer devant d'autres, voilà. Je vous demanderai de respecter cela.

-Je le respecte, je le respecte ! Sortons, commandant. »

Les trois hommes sortirent et refermèrent la porte. Le Terrien se tourna alors vers Hanrel, l'air sérieux.

« Mon général ? Vous vous doutez bien que malgré ces uniformes que nous acceptons de bon cœur, notre allégeance va toujours à la Terre ?

-Bien évidemment ! Ce n'est qu'un cadeau pour vous remercier de tout ce que vous avez fait pour nous. Le Conseil m'a surpris pour son manque de reconnaissance plus marqué que d'habitude, mais sachez que tout le monde ici sait ce qu'il vous doit. Vous êtes aussi protégé que moi en ces lieux.

-Je continue à vous remercier pour votre attention, même si nous n'avons fait que notre devoir. Vous pensez réellement que le Conseil pourrait tenter quelque chose contre nous ?

-Je ne sais pas vraiment. Ils n'ont pas vraiment apprécié ce que je leur ai dit et la façon dont nous sommes partis. Et je vous remercie en retour. Et d'ailleurs vous, Zalos ? Vous avez une drôle de façon de faire visiter la capitale à la Terrienne.

-Nous étions tranquillement en train de discuter monsieur. Je vous assure que sans cette bande, il ne serait rien arrivé.

-Vous êtes incorrigible commandant. Ce n'est pas la première fois ! Et capitaine, je crois que votre lieutenant est de la même trempe.

-Vous n'imaginez même pas. »

La porte s'ouvrit alors de nouveau, et Federico fit son apparition, vêtue de l'uniforme Martien. Elle regardait les ronds qu'elle avait sur l'épaule droite.

« Trois bleus : lieutenant. Je vous avais bien dit qu'ils correspondaient à vos grades. A vous capitaine ! »

Tenson, l'uniforme à la main, passa à son tour dans la salle et s'enferma. Le lieutenant se regardait, puis demanda s'il y avait un miroir dans les environs. Après avoir été obligée d'expliquer ce qu'était un miroir, elle obtînt d'Hanrel l'information qu'elle souhaitait, et se rendit à l'autre bout de la salle.

Assez rapidement, le capitaine nouvellement vêtu quitta la salle d'intendance.

« Quatre bleus : capitaine. Vous êtes satisfaits ?

-C'est très seyant. J'aime beaucoup le tissu employé par ailleurs.

-Et bien, si cela peut vous faire plaisir. Votre lieutenant est allé s'admirer, si vous voulez y aller aussi...

-Pas besoin. Lieutenant ! Revenez, je vous prie. Bien. A présent, voyons comment la situation a évolué. »

Ils rejoignirent la désormais fameuse table bleue au centre de la pièce, et les différents commandants s'ajoutèrent à eux.

« Commandant Nazar ? Où en est-on avec la Garde Royale ?

-Une dizaine d'hommes est arrivée il y a quelques minutes. Ils ont tenté de rentrer pour procéder à votre arrestation, mais les sentinelles leur ont barré le chemin, avant de se replier à l'intérieur et de verrouiller la porte. Désormais, c'est une cinquantaine de policiers qui bloquent l'entrée du QG.

-Bon, la porte principale est inutilisable. Et les deux autres issues ?

-La sortie Est est bloquée par une vingtaine d'agents. La sortie Ouest est pour le moment encore libre, mais il semblerait qu'ils aient envoyé des véhicules se charger de la bloquer également.

-Nous sommes donc totalement encerclés.

-C'est cela. Nos caméras surveillent tous les points autour de nos bâtiments. En ce moment, quelques machines sont en train d'essayer de fracturer la porte principale.

-Connectez le mégaphone aux haut-parleurs du QG. Je vais leur expliquer ce qui va se passer moi. »

En une minute, le général avait son mégaphone, et il pouvait parler, certain que sa voix serait entendue dans les rues adjacentes.

« Ici le général Loggs Hanrel, dirigeant les forces militaires de Mars. Ce Quartier Général est placé sous la protection de l'Armée Martienne et toute tentative d'intrusion sera perçue comme une attaque directe contre nous. Nous sommes prêts à résister contre toute action entreprise. Le Conseil de Mars sera responsable de tout ce qui arrivera. »

Toutes les machines et les agents s'arrêtèrent de faire quoi que ce soit pendant une poignée de secondes, puis le groupe qui fracturait la porte reçut l'ordre de se replier derrière les véhicules. Plus le temps passait, plus le nombre de gardes et de policiers qui assiégeaient les trois issues était important.

« Vaisseaux en approche ! » s'écria le commandant Varong.

En effet, sur les écrans, on distinguait nettement trois petits vaisseaux et un plus gros, identiques à ceux qui survolaient le camp Terrien le jour de leur arrivée.

« Ils vont attaquer ?

-Non, ce sont des vaisseaux d'observation. Cela m'étonnerait qu'ils débarquent leurs troupes maintenant. C'est trop tôt. Ils veulent nous faire mijoter un peu, demander notre reddition. Quand ils verront que nous ne lâcherons pas, peut-être enverront-ils leur machines avec des pour tous nous arrêter. Mais ce ne sera pas aussi simple.

*

16 août 2115

Campement Terrien

L'aube à peine arrivée, l'ingénieur-chef Ravishna se leva et se rendit à l'extérieur de sa navette. Il venait juste de sortir, lorsqu'il tomba nez à nez avec Buton et ses deux hommes, qui revenaient tout penauds et très sales, le visage rouge.

« Bon sang, Buton ! Qu'est ce que vous faites comme cela ?

-Ingénieur-chef.

-Mais répondez sombre idiot. Expliquez-moi votre état.

-Ce sont des Martiens monsieur ! Après avoir entendu des bruits suspects, j'ai pris deux hommes pour aller vérifier, et ils nous sont tombés dessus. Une bonne dizaine, monsieur.

-Mais nom d'un... Allez à l'infirmerie, tous les trois. Puis capitaine, rejoignez moi dans la navette de communication, réunion de crise. »

Ravishna alla chercher le colonel et lui demanda de contacter la ministre de la recherche. Le temps que celui-ci puisse établir la communication, le capitaine était de retour. Avant que la ministre n'apparaisse, Taizhong demanda s'il ne fallait pas appeler le lieutenant Henri.

« Il était en plein travail quand je l'ai croisé. Inutile de le déranger, je lui ferai un compte-rendu » dit d'un air rassurant Buton.

Puis Anouchka Petrov se connecta enfin :

« Que se passe t-il messieurs ? Si vous m'appelez, c'est que vous avez une mauvaise nouvelle, je me trompe ?

-C'est juste, madame. Le capitaine Buton, ci-présent, a été attaqué cette nuit avec deux de ses hommes par des Martiens trois fois plus nombreux.

-Encore eux ?

-J'ai bien peur que oui madame. Si devons faire face à des raids nocturnes, cela va devenir intenable de notre côté. Nous avons failli perdre un troisième officier.

-La situation est plus que préoccupante. Retranchez vous, n'acceptez aucun dialogue avec ces sauvages. S'ils tentent une attaque, montrez leur de quoi vous êtes capables. Mais ne prenez pas les devants, nous ne sommes pas encore disposés à le faire. Occupez vous simplement de défendre l'expédition jusqu'à ce que les nouveaux renforts arrivent.

-Nous tenions à vous faire part du problème.

-Et vous avez très bien fait. Je vais en référer au gouvernement. Cook est censée décoller prochainement. Continuez à tenir messieurs, c'est la Terre qui vous regarde. Petrov, terminé. »

L'écran s'éteignit et les trois hommes restèrent seuls. Taizhong prit la parole en premier :

« Peut-être était-ce une réponse à notre refus de continuer à communiquer avec eux. Notre revirement a dû leur paraître soudain.

-Non. Ils ont voulu nous montrer que nous devions nous soumettre à leur volonté. Mais ils se trompent lourdement. La prochaine fois que des ambassadeurs viendront, nous leur signifieront clairement qu'ils ne sont pas les bienvenus et qu'ils ne sont pas en sécurité autour de cette base. Le but n'est pas d'attirer de nouveaux Martiens à nous, mais bien de les dissuader de venir. Si nous les tenons éloignés, nous pourrons attendre en paix l'expédition Cook, et les suivantes.

-Je vais ordonner à mes hommes de doubler leur attention. J'aurais très bien pu être enlevé, comme le lieutenant Federico. Heureusement que mes hommes et moi savons nous battre.

-Vous avez été exemplaire capitaine ! Soyez sûrs que votre nom sera en bonne place dans le prochain rapport que je rédigerai. Votre bravoure au combat vous légitime tout à fait dans votre rôle de chef de la sécurité, et je compte sur vous pour la suite. Par ailleurs, votre rôle devient de plus en plus vital, aussi je vous promets que votre paye et celle de vos hommes suivra en conséquence.

-C'est trop d'honneur, monsieur.

-Quand à l'opération Columbus, colonel ? Je suppose que je peux aussi compter sur elle sans aucun problème ?

-Mes hommes obéiront, ingénieur-chef. Ils connaissent leur mission. »

Buton eut un léger sourire qui trahissait l'idée qu'il venait d'avoir.

« Mon colonel. Pouvez-vous répondre du lieutenant Henri ?

-Henri ? Je pense que oui, il ne pose aucun problème. Federico est plus indépendante et propice à des réactions aléatoires, mais je ne me fais pas trop de souci par Henri. Même si je trouve que Tenson l'influence beaucoup.

-Je ne sais pas pourquoi, mais je me méfie un peu de lui. Il écoute toujours dès qu'il peut saisir une conversation qui ne le regarde pas, il surveille tout ce qui passe dans son champ de vision. Je me dois aussi de rapporter un attachement nouveau entre le lieutenant et mademoiselle Abdelkrim.

-Il est tout à fait ordinaire que des liens se créent entre membres d'une opération. Mais tout dépend de la nature de cet attachement.

-Je ne sais pas monsieur. Mais j'ai peur que cela mette en péril le bon ordre dans les rangs. Imaginez qu'il y ait quelque chose, si les membres de l'expédition l'apprenaient...

-En effet. Le capitaine Buton a entièrement raison. Colonel ? Vous tacherez de surveiller l'évolution du lieutenant Henri. Quant à moi, je vais surveiller Abdelkrim. Capitaine, vous êtes un atout extraordinaire. Je ne me passerai de vous pour aucun motif. D'ailleurs, je vais discuter avec le colonel Taizhong. Comme nous ne savons pas quand rentrera Tenson et Federico, il faut un officier de remplacement au sein de l'expédition Columbus. Vous pourriez être ce capitaine. De fait, vous seriez le supérieur direct du lieutenant Henri.

-Je ne vous remercierai jamais assez... »

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