Chapitre 3 : Mars

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Surface de Mars

8 mars 2115

«Réduisez la vitesse !»

Les trois navettes de l'expédition Columbus s'apprêtent enfin à entrer dans l'atmosphère Martienne. En vol à plusieurs kilomètres les unes des autres, elles commencent également à converger vers le point de rendez-vous. Elles n'ont désormais plus de réservoirs auxiliaires et plus de boosters. L'arrivée et la première partie de l'entrée se font à coups de secousses particulières : tous les membres d'équipages sont bien assis et attachés pour éviter le moindre problème, tandis que les pilotes ingénieurs suivent les procédures à la lettre. Malgré l'arrivée mouvementée, ils arrivent à stabiliser l'ultime partie du vol, soutenus par leurs officiers respectifs. Arrivés à quelques centaines de mètres du sol Martien, les aéronefs descendent en formation serrée dans une manœuvre risquée mais nécessaire. Faire redécoller les navettes pour les rapprocher au cas où les points d'atterrissages seraient trop distants est totalement inenvisageable. Au milieu d'un immense désert de sable et de poussière, à côté d'une grande zone rocailleuse, l'expédition peut se poser. Les trois navettes sont bien alignées, même si la Pinte s'est avancée d'un ou deux mètres en trop. Une quinzaine de mètres sépare chacune d'entre elles. Le capitaine Tenson donne l'ordre aux premiers sortants de s'équiper des scaphandres spatiaux. Les explorateurs s'en emparent aussitôt pour les soulever, mais peinent à le faire.

«Mais c'est bien trop lourd ! Comment ça se fait ?»

Trouvant son équipe trop lente, Tenson agrippa lui-même une combinaison et tira vers lui : il fut surpris du poids de l'équipement. Il ne l'avait qu'un peu fait bouger. Il fallait deux ou trois membres pour réussir à porter efficacement les scaphandres. Pris de doutes, fronçant les sourcils, l'officier avait du mal à se concentrer avec les remarques étonnées de son équipage.

«Mais ça pèse au moins 80 kilos ! C'est censé être plus facile à porter que sur Terre !»

Le poids inattendu fit également remarquer à certains qu'ils devraient se sentir beaucoup plus légers selon la gravité de la planète. Seulement, ce n'était pas le cas.

«Monsieur, comment expliquez-vous ça ?

-Je ne l'explique pas, major. Tout ce que je sais, c'est qu'on ne peut pas faire sortir quelqu'un avec une combinaison aussi lourde. Il ferait dix pas, n'arriverait plus à bouger et serait bloqué à l'extérieur.

-Nous n'allons pas rester coincés dans nos navettes ?

-Je réfléchis.»

L'habitacle fut plongé dans un silence rempli de doute et de perplexité. Trois coups résonnèrent alors au sas de la navette. Promptement, les militaires dégainèrent leurs armes et les pointèrent vers la porte. Le poste de communication de la Saint-Mary grésilla alors. Un technicien valida l'appel et la voix du lieutenant Federico se fit entendre.

«Mon capitaine ? Ici Federico.

-Restez sur vos gardes lieutenant. Il semblerait que nous ayons de la visite.

-Je sais bien. C'est moi.»

L'équipage échangea des regards interloqués. L'officier ne baissa pas son arme et continuait de pointer la porte, avec ses soldats.

«Répétez Federico.

-Vous pouvez sortir ? Je m'attendais à ce que tout le monde soit déjà en action mais il n'y a que moi qui ait fait sortir mon équipe.

-Vous avez réussi à enfiler vos combinaisons ?

-Pas du tout. Je crois que la gravité est la même que sur Terre, ou quasiment. Ce n'est pas vraiment ce qu'on a appris dans nos écoles, pas vrai ?

-Que me racontez-vous là ? Et la température ? Là où nous sommes, nous devons avoisiner les moins cinquante degrés !

-C'est vrai qu'il fait frais. Mais le moins cinquante est très exagéré. Vraiment, je vous conseille de sortir ou vous serez les derniers. Je vous rassure, nous avons pris les équipements respiratoires et les casques, nous ne sommes pas totalement fous.»

Un silence pesa dans la navette. Certains firent part de leurs doutes, ne pouvant pas croire ces histoires de gravité et de température. Toutefois, Tenson décida de prendre le risque. Lui et trois membres équipèrent le nécessaire respiratoire et se placèrent dans le sas de sortie. Celui-ci s'ouvrit lorsqu'ils étaient seuls. Une immense étendue désertique s'étalait devant eux. La seule chose qui ne l'était pas, c'était de gros amas de rochers, une cinquantaine de mètres devant les navettes. Ils regardèrent sur leur gauche et purent voir l'équipe du lieutenant Federico qui sortait au grand complet. Federico elle-même était en train de toquer à la porte de la Pinte pour prévenir Henri et ses hommes, comme elle avait fait pour la Saint-Mary. Effectivement, la température n'était pas difficile. L'Espagnole avait dit frais, mais Tenson trouvait qu'il faisait plutôt doux.

«Cette expédition commence bien. Nous sommes posés depuis quinze minutes et rien ne se passe comme prévu. Allez, commencez à sortir les équipements.»

Il jeta un œil sur sa droite et vit Henri arriver, l'air triste.

«Moi qui rêvait de faire de grands bonds dans le sable...»

Le capitaine souri à son subordonné. C'est vrai qu'il y avait également pensé. Taizhong fut le suivant à sortir, menant le reste de l'équipage de la Saint-Mary. Il se tourna vers le capitaine et les lieutenants et lança :

«Réunion des officiers supérieurs !»

Les quatre officiers se rassemblèrent tandis que les autres membres de l'expédition sortaient caisses, équipements et robots, aidés par les deux journalistes. Ces derniers semblaient malicieusement retenus par les membres d'équipage, conscients qu'il fallait donner du temps à leurs supérieurs.

«Je reconnais que tout ceci est inattendu, mais nous sommes arrivés sains et saufs. Finalement, ce n'est peut-être pas plus mal que cette planète ne diffère pas tant de la nôtre, cela sera autant d'obstacles en moins. Cependant, cela défie toutes les conclusions scientifiques depuis des décennies et plus. Nous allons devoir tirer ça au clair. En attendant, il faut établir notre base. Nous allons diviser les tâches. L'équipe du lieutenant Federico va devoir partir en reconnaissance et établir un périmètre de sécurité. Nous devons parfaitement connaître le terrain pour les semaines à venir. L'équipe du lieutenant Henri suivra dans un premier temps l'équipe de reconnaissance, mais vous serez chargé de sécuriser les alentours directs du campement. Vous devrez aussi évaluer la progression de la première équipe. Enfin, celle du capitaine Tenson devra préparer le campement avec le matériel et les équipements qui sont en train d'être sortis.»

Dès que les ordres furent donnés, les officiers entraînèrent leurs équipages dans la mission qui leur avait été confiée. Federico commença donc à progresser vers l'Est avec son équipe. Elle contemplait l'environnement. La surface n'était pas si différente que celle de la Terre, mais elle voyait le ciel, les étoiles, l'espace. Elle n'était plus au fond d'un bunker ou d'une grotte en train de s'entraîner. Tout à coup, elle se retourna vers la droite en passant près de quelques autres rochers. Elle posa la main sur son pistolet automatique et scruta la position. Ses hommes s'avancèrent, attendant un ordre.

«Vous deux, couvrez moi. L'un à gauche, l'autre à droite. Les autres, restez en retrait.»

Elle progressa, sortant son pistolet de son étui. Elle ne savait pas si elle avait imaginé quelque chose pendant qu'elle était perdue dans ses pensées, ou si quelque chose était réellement derrière ces rochers. Elle contourna les rochers et les deux soldats s'avancèrent pour continuer à l'avoir dans leur champ de vision. Le lieutenant fit demi-tour et déclara :

«Oubliez ça, j'ai mal vu.»

Mais l'équipage poussa des cris et les soldats relevèrent leurs armes. Federico se jeta à terre et se retourna. Il y avait trois machines au-dessus d'elle. Elles étaient de forme humanoïde avec deux jambes, deux bras, leur tête étant plutôt en forme de cylindre. Elles étaient peintes de rouge et possédaient des armes semblables à des pistolets mitrailleurs. Deux d'entre elles furent immédiatement abattues, mais la dernière tenta de donner un coup au lieutenant, qui esquiva et la repoussa d'un coup de pied. La machine émit alors un bruit étrange, et une porte s'ouvrit dans l'un des rochers. Elle tenta de s'échapper mais le lieutenant ouvrit le feu et la fit tomber nette.

«Qu'est-ce que c'est que ça encore ? Des robots armés ?

-Nous devrions signaler cela au capitaine.

-Quatre viennent avec moi. Les autres, une moitié reste ici pour couvrir notre sortie et l'autre moitié part prévenir le reste de l'expédition. Exécution, nous entrons.»

Le petit groupe bloqua la porte avec un caillou suffisamment imposant pour empêcher qu'elle ne se referme puis s'infiltra dans ce qui était un ascenseur. Ils le firent descendre et purent constater les nombreuses lumières qui défilaient, symbolisant les étages de ce qui pouvait bien être un véritable complexe souterrain. Arrivés à l'étage le plus bas, le commando traversa des couloirs vides. L'endroit semblait abandonné et désert, toutes les portes étaient fermées, pas un bruit n'était audible. Ils marchèrent quelques minutes, puis tournèrent à une intersection. Aussitôt, une alarme se mit à résonner de façon terriblement bruyante, les lumières allumées passaient du blanc au rouge et un vrombissement mécanique résonnait à quelques pas. Des cliquetis métalliques commencèrent à se suivre, de plus en plus nombreux, et une porte au bout du couloir s'ouvrit. Des dizaines de machines semblables à celles de la surface en sortirent, et les premières ouvrirent immédiatement le feu.

«Repli, retour à l'ascenseur !»

Les Terriens, qui n'étaient que cinq, se ruèrent à travers les zones déjà traversées pour remonter. L'un des hommes appuya sur le bouton de l'engin, qui commença à s'activer. Les machines inconnues surgirent alors du tournant et eurent le temps de tirer quelques balles. L'une d'elles frappa le bord du casque du lieutenant Federico. Elle le retira pour vérifier qu'elle-même n'avait rien et qu'elle était hors de danger. Arrivés à la porte, l'ascenseur stoppé, ils se rendirent compte qu'il n'y avait aucun sas pour passer du couloir à l'extérieur. Le groupe était à l'air libre et pourtant, la lieutenant n'avait pas encore remis son casque. Ses hommes la regardèrent fixement jusqu'à ce qu'elle brise le silence :

«Stop. Pourquoi je respire ?»

Un soldat retira lui aussi son casque et son masque respiratoire. Rien d'étrange ou de dramatique ne se passa. Ils pouvaient respirer. L'ascenseur commença à se mettre en branle, rappelé par les machines encore aux étages inférieurs.

«Ca ne me fait plus rire. Dépêchons nous.»

L'équipe se mit en route au pas de course pour rejoindre le campement, prévenant en même temps le colonel et le capitaine d'un risque d'attaque.



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