Humidité & Hésitation

3 minutes de lecture

Pierre Olivier n’avait pas cessé de me regarder de la journée. Dès le matin, au cours de français, j’avais senti son regard dans mon dos quand j’avais lu mon analyse sur un extrait du livre « Papyrus ». Quand j’étais sortie du cours, il était là avec ses copains, contre un mur à m’observer. A la récréation, il avait envoyé Romain me donner un bout de papier, déchiré d’un cahier de texte. Dessus, ses lettres d’adolescent appliqué disait « Veux-tu sortir avec moi ? Si oui, rendez vous à la sortie des cours à 15h devant le garage à vélo ». Quand j’avais lu ce petit mot, et vu le cœur qui entourait sa signature « P-O » à la fin, j’étais devenue hystérique. Elodie, ma meilleure amie, qui était à côté de moi quand je l’avais ouvert, avait aussi sauté de joie, réellement. Cela faisait plusieurs semaines que je l’avais remarqué et que je voulais sortir avec lui. Elodie avait été voir Romain, son meilleur ami à lui, pour le lui dire. Alors forcément qu’à la réception de ce petit mot tant attendu, loin de romantisme mais à l’image des enfants que nous étions, je n’avais qu’une hâte : la fin des cours.


Le cours suivant de maths avait été horriblement long et je n’avais presque rien écouté de ces triangles rectangles, qui ne m'intéressaient d'ailleurs pas du tout. A la pause repas, nos regards n’avaient fait que se croiser, me faisant rougir à chaque fois. J'en jouais, faisant exprès de passer devant lui. J’avais envoyé Elodie dire à Romain que j’étais d’accord pour le rejoindre à la fin des cours. On avait observé avec ma meilleure amie sa réaction lorsque que Romain lui avait rapporté l’information, à travers une fenêtre des toilettes pour fille. Son sourire l’avait rendu tellement beau, avec ces petits yeux rieurs et sa fossette. Les cours d’anglais et d’histoire avaient été longs et je n’avais pas cessé de m’imaginer ce qu’il allait se passer à la fin de cours. Je stressais comme une folle me faisant des films digne des Disney dont j'étais fan, et d’un autre côté je trépignais d’impatience. Alors malgré mon intérêt certain pour les égyptiens, je ne voulais qu’une chose : sortir de ce collège.


Quand la sonnerie de 15h a retenti, avec Elodie, nous avions pris notre temps pour sortir de la salle. Je n’avais pas voulu arriver la première, me faire attendre un peu et puis, je stressais aussi. Depuis la salle, on avait parcouru les couloirs pour aller au niveau de la fenêtre qui donnait sur le garage à vélo. Il était déjà là, il m’attendait. Il semblait nerveux, à triturer ses doigts, et j’avais alors décidé de le rejoindre. Quand j’étais arrivée à son niveau, il m’avait souri et on était parti, côte à côte. Lui, poussant son vélo, moi, marchant à son côté. Il m’avait raccompagné jusqu’à la rue de chez mes parents, en discutant des cours de la journée, sans aborder le petit bout de papier que j’avais reçu plus tôt. Les regards qu'on se lançait étaient pleins de gêne et à la fois, plein de sens.


En arrivant à l’angle de ma maison, sous le gros chêne, on a décidé de s’arrêter. On a posé nos cartables, il a calé son vélo et je me suis appuyée contre le tronc. On a continué de discuter jusqu’à ce qu'un silence gênant s'impose. Alors qu'il évitait un peu mon regard, il me demanda si Romain lui avait dit la vérité. Je lui avais répondu que oui, que si je l’avais rejointe ce n’était pas pour rien. C’est alors dans un élan que je n’avais pas vu venir qu’il s’était approché, rapidement, maladroitement, et qu’il m’a embrassé. C’était humide, un peu hésitant et à la fois, un peu trop ardement. Alors que j'avais senti qu'il essayait de passer sa langue, j’ai pris peur et j'ai reculé un peu la tête. Son regard était étonné, et il s'excusa. Je finis par m'excuser moi aussi et on finit par sourire, et il m'enlaça tendrement.


Ce fut mon premier baiser. Humide et hésitant. Laborieux mais inoubliable. Et à chaque fois que je passe devant ce grand et vieux chêne, je ne peux m’empêcher de me souvenir de ce moment. De ce premier baiser. De ma première amourette d'adolescente. 

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Virginie Wary ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0