Chapitre 3

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L'endroit se remplit de plus en plus, surtout des hommes, de tous les âges et je me retrouve rapidement envahi par les commandes que les serveurs m'apportent.

Je fais de mon mieux pour ignorer ce qui se passe dans les alcôves, ce que les clients font avec les serveurs et surtout, je fais de mon mieux pour ne pas prêter attention au jeune garçon nu dans la cage au centre de la pièce. Il est rouquin, avec des taches de rousseur et une peau très pâle. Il danse de manière langoureuse et sensuelle sur une musique que lui seul entend, pendant que presque tous les clients, enfin ceux qui ne sont pas déjà occupés, le dévorent du regard.

J'ai beau savoir que ce bar est prévu pour ce genre de chose « d'activité », je ne peux m'empêcher de détester ça, surtout quand je sais que le pauvre garçon devra suivre sans aucun doute quelques hommes dans les chambres pour améliorer sa fin de mois.

Je soupire en posant des verres sur le plateau d'un serveur tout en me disant que cette ville est corrompue, elle mérite cette réputation de ville du mal et du péché. Finalement je n'aurais peut-être pas dû venir ici.

Étant plongé dans mes pensées, je ne remarque pas tout de suite qu'on s'adresse à moi, ce n'est que lorsque le client agite sa main devant mes yeux que je reprends contact avec le monde réel :

- Il y a quelqu'un ? La terre appelle le barman, vous m'entendez ? demande-t-il d'une voix très douce.

Je cligne des yeux, un peu perdu et je finis tout de même par sourire :

- Oui, pardon j'étais dans mes pensées, qu'est-ce que tu veux boire ?

Je regarde enfin la personne qui est devant moi et je beugue, tout simplement. Ce jeune homme est... absolument magnifique ! Ses cheveux sont blonds, très blonds et légèrement ondulés, ils ont même l'air blanc sous la lumière des néons et ses yeux sont argentés, un bel argent pur et lumineux, avec les bords des pupilles d'un beau doré et sa peau est très blanche. Il doit avoir mon âge, mais il est plus grand que moi et ses yeux sont remplis de bonté et de gentillesse, je peux le voir et une aura... douce et apaisante émane de lui :

- Juste un verre d'eau, s'il te plaît.

Il me fait un sourire et tout d'un coup j'ai l'impression que la pièce devient plus éblouissante et je m'empresse de lui donner un verre d'eau tout en réfléchissant. Son visage me dit quelque chose, j'ai l'impression de l'avoir déjà vu quelque part mais je ne sais plus où. J'ai beau chercher dans ma mémoire, je ne parviens pas à me souvenir et c'est un peu frustrant :

- Excuse-moi, tu n'es pas du coin, toi n'est-ce pas ? me questionne-t-il tout en buvant son eau.

- Comment as-tu deviné ?

- Oh une intuition. Alors dis-moi, qu'est-ce qui t'a poussé à venir dans la ville de tous les péchés ? Tu en avais marre de vivre dans un endroit normal ?

Il rigole un peu et moi je me contente de sourire. Comment lui dire que je fuis et qu'en venant ici je souhaitais que peut-être ILS ne me retrouveraient pas, même si cet espoir est aussi mince qu'une allumette. Il faut que je réponde quelque chose de plausible, mais quoi ? Aussi, je rétorque la première idée qui me vient à l'esprit :

- Je suis venu... chercher quelqu'un.

Il me regarde, surpris et intrigué et j'ai la sensation qu'il n'a pas vraiment gobé mon mensonge, mais en tout cas, même s'il ne m'a pas cru, il fait comme si de rien n'était :

- Oh ? Tu es venu pour quelqu'un ? Qui donc ? Je pourrais peut-être t'aider à retrouver cette personne, je connais assez bien la ville.

- C'est un ami d'enfance, et non ce n'est pas la peine, je vais me débrouiller tout seul, je te remercie.

- Je vois. Mais dis-moi, si tu n'es là que pour ça, pourquoi prends-tu la peine de travailler ? Tu vas rester longtemps ? continue-t-il avec curiosité.

Son regard est très perçant, ce qui m'intimide un peu et je décide de jouer la carte de la vérité pour atténuer les soupçons qu'il pourrait avoir sur la soi-disant raison de ma venue ici :

- Je ne sais pas trop combien de temps je vais rester et puis je préfère faire provision d'argent pour quand je devrais partir.

Je lui fais mon sourire le plus vrai possible. Ce que je viens de lui affirmer est la pure vérité et je dois avoir l'air sincère car il finit par baisser sa garde tout en continuant de me transpercer avec son regard gris intense :

- Au fait, je m'appelle Azraël et toi ?

- Killian, répondé-je tout en commençant à préparer une boisson.

Azraël ? Ce nom me dit quelque chose et après avoir un peu fouillé dans ma mémoire, je me rappelle que c'est le nom d'un archange, enfin c'était ce que m'avait dit ma mère, car une fois, elle m'avait énuméré le nom de tous les séraphins :

- Dis-moi Killian, tu fais quelque chose après ton service ? Je me disais qu'on pourrait peut-être aller manger ensemble, enfin si tu es d'accord bien sûr, je ne voudrais pas te forcer la main.

Je le regarde, assez médusé par son invitation, je ne m'y attendais vraiment pas. Je sais que je devrais sans aucun doute le refuser, après tout je ne le connais pas et même s'il a l'air d'un gars vraiment très gentil, rien ne me dit qu'il n'a pas de mauvaises intentions. Je le regarde quelques minutes sans rien dire et finalement je capitule, son air totalement innocent et angélique ayant raison de ma méfiance :

- Non, je ne fais rien après mon service et je suis d'accord pour aller manger avec toi. Je finis dans pas longtemps, tu peux m'attendre ici si tu veux.

Il sourit, visiblement content de ma réponse et hoche la tête pour me faire savoir que cela lui convient :

- D'accord, je vais t'attendre alors.

Il continue de boire son verre d'eau sagement et moi je me contente de reprendre mon travail car c'est bien beau de discuter, mais les verres ne vont pas se remplir tout seul ! Et depuis que Azraël est arrivé, je me sens observé, pas forcément par lui, bon enfin si, je le vois qui ne me quitte pas des yeux. On dirait qu'il a peur qu'il m'arrive quelque chose, mais franchement je ne vois pas trop ce qu'il pourrait m'arriver ici. Bref, la sensation est toujours là, comme si quelqu'un me surveillait. Était-ce l'un de mes poursuivants ? Non impossible, je ne suis dans cette ville que depuis quelques heures, il est totalement impossible qu'ils m'aient déjà retrouvé. Mais alors qui ? Qui peut bien le faire ? Je regarde discrètement autour de moi, la plupart des clients sont occupés, personne ne semble faire attention à moi, à part Azraël. Je me fige, le regard que je sens sur moi depuis que le blond est arrivé c'est celui de Alec. Il me fixe avec un air étrange, on dirait qu'il est en colère depuis que j'ai parlé avec Azraël. Mais c'est complètement stupide, pourquoi m'en voudrait-il ? Il ne connaît pas le droit de passer du temps avec les employés parce que je ne le croirais pas. Il continue de me dévisager un peu avant de finalement retourner à ses verres. Bon, là je ne comprends vraiment rien et très sincèrement je m'en fiche. Il n'est pas interdit de manger avec des clients hors des heures de travail, et puis qu'est-ce que cela peut bien lui faire ? Je n'ai pas de compte à rendre sur ma vie privée et je fais ce que je veux de mon temps libre.

Je reste très perplexe et intrigué. Je ne comprends pas son attitude. Je suis curieux de savoir pourquoi il réagit de cette manière quand je parle avec le blond, mais je ne pense pas que cela soit une bonne idée de lui demander.

Je continue donc sagement mon service, les serveurs n'arrêtent pas de faire des aller et retours entre le bar et les tables, l'endroit est plein de monde et pourtant... Il y a très peu de bruit... Bon, il est évident que l'on entend sans problème les gémissements et bruits rauques qui viennent des alcôves et de certaines banquettes, bruits indiquant clairement ce que font certains clients, mais si on passe outre ces sons... dérangeant, il y a un calme assez surprenant, brisé par la faible musique de fond.

Une heure plus tard, Azraël n'a pas bougé d'un pouce. Il a vraiment dû s'ennuyer, mais en tout cas, moi j'ai terminé mon service et je m'extrais de derrière le bar pour m'approcher de lui :

- Tu as fini ? demande-t-il en se tournant vers moi.

Il m'adresse qui irradie son visage. Comment fait-il pour avoir l'air aussi pur et innocent ? Il ressemble à un ange ! Minute... Et si c'était vraiment un ange ? Je veux dire, Alec est un Nephilim, alors pourquoi Azraël ne pourrait-il pas être un ange ? Et puis avec un nom comme le sien qui est celui d'un des archanges ce ne serait pas étonnant. Alors s'il était un archange ? Non impossible, que viendrait-il faire dans un endroit comme celui-ci ? Ma mère m'a toujours dit que les archanges ne descendaient jamais du Paradis alors que ferait-il dans un endroit pareil ? Tant de questions se bousculent dans ma tête !

- Killian ? Ça va ? Tu as l'air bizarre tout à coup.

Je sursaute en l'entendant me parler, me tirant de mes interrogations. J'ai décidé de ne pas me casser la tête pour le moment. Il ne peut pas être un ange et encore moins un archange car ici seul le mal règne :

- Oui tout va bien, j'étais juste perdu dans mes pensées ne t'en fais pas, dis-je pour le rassurer.

Je me force à repousser les doutes qui envahissent de nouveau mon esprit, il n'est ni un ange, ni un archange point !

- Alors Killian, où as-tu envie d'aller manger ? demande-t-il en me regardant.

- Et bien je dois t'avouer que je n'ai pas d'envie particulière, on peut aller à l'endroit que tu choisiras.

- Vraiment ? Dans ce cas ça te dit une pizza ? Je connais une excellente pizzeria ouverte la nuit dans la ville du mal. Mais à mon avis, c'est l'endroit où tu risques le moins d'être emprisonné ou de te faire tirer dessus.

Je pouffe de rire, c'est assez rassurant, même si dans cette ville je ne pense pas qu'il existe un endroit dans lequel on peut être totalement en sécurité, mais après tout pourquoi pas ? Et puis Azraël a l'air tellement sincère que je ne peux que lui faire confiance :

- Bon d'accord, va pour une pizza, cela fait longtemps que je n'en ai pas mangée de toute manière, ça commence à me manquer !

Il rigole un peu et se lève de son tabouret :

- Allons-y alors, lâche-t-il, en me faisant signe de le suivre.

Je m'empresse de lui emboîter le pas car je dois avouer que je suis content de quitter cet endroit sordide. Je sais que je devrais travailler plus après et que si j'ai fini tôt, c'est uniquement parce que c'est mon premier jour. Mais je m'en fiche, pour l'instant, je suis ravi d'être enfin en dehors de cette pièce.

Quand j'ai quitté le pub, j'ai eu l'impression très nette qu'Alec me suivait de nouveau du regard, d'un regard soupçonneux et méfiant. Tous mes sens se sont mis en alerte et je sens que je devrais me méfier de lui. Mais je tente de reléguer cela dans le fond de mon esprit, après tout je n'ai aucune preuve de ce que j'avance, juste une sorte d'instinct.

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